Le diable se niche…

Parfois, ce n’est ni dans le titre d’un article de journal, ni dans le corps principal du texte, mais au détour d’une petite phrase que se niche l’information importante. Depuis un philosophe allemand qui se proposait d’aller au-delà du Bien (étatique) et du Mal (épidémique), il est d’ailleurs bien connu que le diable se niche parfois dans les détails. Un de ces articles, publié par La Provence du 2 avril, nous apprend ainsi la reprise précoce du travail dans une usine de Marignane. Et pas qu’un peu, puisqu’on y parle de 2200 salariés.

Si le nom de la boîte est certes dans le titre, Airbus Helicopters, tout le bla bla des journaflics se concentre essentiellement sur la seule urgence tolérée du moment, à savoir les mesures de précaution concernant la sécurité de ses collaborateurs en roulements (pas plus d’un millier à la fois). Comme il se doit, la parole est alors donnée aux deux partenaires du pouvoir : la direction toujours confiante, et les syndicats toujours inquiets. Mais pensez-vous que les esclaves salariés ou leurs dignes représentants iraient jusqu’au droit de retrait massif ou au sabotage de l’outil de travail pour l’imposer ? Que nenni, ils sont bien trop attachés à leur chaîne (de production).

Bref, l’info se trouve au creux d’une petite phrase, lâchée par le délégué de la CGC, qui explique que des visites préalables de Safety ambassadors ont été effectuées avant la reprise. C’est même « Pour cette raison, [que] la chaîne d’assemblage du NH90 n’a repris qu’aujourd’hui ». Le NH90, sigle barbare lâché en passant, kesako ? Oh, trop fois rien, juste un hélicoptère militaire de manœuvre et d’assaut bi-turbine européen. Connu sous le sobriquet prometteur de Caïman dans l’armée et la marine françaises, il est issu d’un programme de recherche de l’OTAN, en ayant notamment pour mission « le transport silencieux de groupes d’opérations spéciales, la guerre électronique, l’utilisation de l’appareil en tant que poste de commandement volant, le largage de parachutistes ». Et on vous passe le reste, tant notre estomac éprouve tout de même quelques limites physiques.

Le 23 mars 2020, après quatre petits jours d’interruption, la production du NH90 sur le site de Marignane (Bouches-du-Rhône) a donc enfin pu reprendre, à la grande joie masquée et gantée des 2200 travailleurs qui le produisent. Ben oui quoi, le programme de livraison pour l’armée de terre ne se termine qu’en 2024, celui de la marine en 2021, et pas de bol, les assassins en uniforme de l’opération Barkhane en ont déjà paumé un en plein désert africain l’année dernière.

Pendant que l’industrie de guerre ne cesse de turbiner pour répandre sang et misère grâce à ses esclaves essentiels munis de belles attestations de déplacement professionnel signées Airbus Helicopters, continuez de vous auto-confiner en paix en attendant un illusoire retour à la normalité, braves citoyens. Le monde continue de toute façon de tourner sans vous, quoi que vous en pensiez, et surtout contre vous. A moins que chacun y mette un peu du sien pour sortir et l’en empêcher, bien entendu.

 

Le diable se niche…