[En plus d’Orange, touchée en neuf points par ces sabotages, les autres opérateurs de fibre optique ont comptabilisé une vingtaine de coupures coordonnées dans toute la zone (Valenton, Fontenay, Créteil, Ivry, Vitry). Il y en a par exemple eu trois contre le câble DC2/DC3 sud de Scaleway (Iliad) ayant impacté deux de ses data centers. Des coupes de câbles (notamment de fibre noire réservée aux grosses entreprises) qui se trouvaient dans les chambres souterraines ont aussi touché d’autres gros opérateurs de fibre optique ou de datas centers du coin comme Zayo, Celeste, Jaguar, Octopuce, Sipartech, Level3...]
Le Parisien, 6 mai 2020
Environ 20 000 personnes étaient encore privées mercredi de connexion, Orange prévoyant un retour à la normale pour lundi. Une enquête a été ouverte. Elles étaient encore environ 20 000 mercredi 6 mai à attendre le 11 mai sans doute encore plus que les autres. Toutes les personnes privées de leur connexion à Internet ou au réseau mobile d’Orange en raison de la gigantesque coupure survenue la veille en Ile-de-France devraient en retrouver l’accès lundi dans la matinée, jour du début du déconfinement. En raison de la panne, beaucoup n’étaient plus en mesure de télétravailler.
Une enquête menée par le SDPJ du Val-de-Marne a démarré pour déterminer l’origine de ce « sabotage intentionnel à grande échelle », « du jamais-vu en 20 ans », d’après un patron d’une importante entreprise Internet qui opère des centres de données dans la zone. Une source policière évoque pour l’heure un préjudice estimé à un million d’euros. Le parquet de Créteil, contacté par le Parisien, n’a pas répondu à nos sollicitations.
Ce sabotage qui a affecté plus de 50 000 clients mardi ne serait l’acte que « d’une seule personne équipée d’une disqueuse », avance de son côté la direction de la communication d’Orange Ile-de-France, qui précise n’avoir constaté « aucun vol ». Le but « est bien », d’après l’entreprise, « de couper le réseau ». Ces coupures interviennent dans un contexte de sabotages à répétition sur l’ensemble du territoire depuis un mois. Avec toujours les mêmes cibles : les outils de communication. « Plus d’une vingtaine » d’actes de sabotages ou destructions symboliques ont ainsi été recensés en France, selon une note confidentielle du Service central du renseignement territorial (SCRT) datée du 23 avril, comme nous le révélions lundi. Avec, pensent les agents, l’ultragauche à la manœuvre.
Contacté, le Parquet national antiterroriste (Pnat) indique être informé des faits et rester « très attentif à ce phénomène de sabotage ». Des spécialistes de l’antiterrorisme estiment que ce sont des faits graves et préjudiciables, mais que la question doit être posée de savoir s’il y a un trouble à l’ordre public par l’intimidation et la terreur, qui est le propre du terrorisme.
Mercredi, Orange a déposé une nouvelle plainte suite à la « suspicion d’un nouvel acte de vandalisme sur un autre poste à Vitry ». D’après nos informations, les faits ont eu lieu mardi en deux temps : avenue Danielle-Casanova à Ivry-sur-Seine, où des câbles souterrains ont été coupés dans la matinée. Même procédé l’après-midi dans la zone industrielle de Vitry-sur-Seine, où des techniciens ont également constaté les dégâts.
« Il y a quatre lieux de vandalisme répertoriés pour l’instant », comptabilise-t-on à la direction de la communication d’Orange Ile-de-France, qui précise que ses équipes « se relaient nuit et jour 24 heures sur 24 » pour rétablir le réseau. Deux à Ivry à 500 mètres d’intervalle et deux à Vitry à deux kilomètres d’intervalle. Pour le premier point, 4000 lignes ont été touchées avec un rétablissement progressif entamé mercredi après-midi. Le second lieu ne devrait pas être « important en termes d’impact clients », précise-t-on chez Orange. « Le confinement rend la réparation plus longue et plus difficile, il s’agit de petits locaux où l’on ne peut pas se trouver à plusieurs techniciens », affirme un cadre important chez Orange.
Plusieurs commissariats et hôpitaux ont également été touchés comme le centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges (CHIV) qui est « toutefois équipé d’un relais de secours », note-t-on chez Orange, précisant que les hôpitaux « sont prioritaires pour le rétablissement du réseau ». « Notre direction du système d’information a immédiatement réagi pour rétablir un lien réseau, notamment en passant par le réseau du centre hospitalier intercommunal de Créteil », ajoute-t-on à la communication du CHIV.
Les pertes de connexions à Internet ou au réseau mobile d’Orange ne sont-elles que la partie émergée d’un gigantesque iceberg ? Plusieurs entreprises dépendantes de datacenters situés près de Vitry, comme le site de poker et de paris Winamax, ont connu une interruption de service temporaire mardi. Mais alors que certaines ont redémarré, d’autres restaient pour l’heure paralysées car la coupure a aussi frappé d’autres fournisseurs d’accès à Internet qu’Orange qui utilisent ce réseau haut débit.
« Ces individus ont forcé les plaques de rue qui protègent les réseaux souterrains de fibres optiques. Ils ont ensuite coupé les gros câbles et pris le temps de tout recouper en de plus petits morceaux pour retarder les réparations qui pourraient prendre des semaines », assure ce patron d’une importante entreprise du numérique.
L’acte de vandalisme opéré équivaut, dit-il, au fait de s’en prendre à un « réseau de lignes à haute tension », car les auteurs ont, toujours d’après lui, « touché le réseau névralgique du réseau Internet français, où sont aussi situés des nœuds internationaux de communication ».
Il évoque des coupures « méthodiques et organisées sur une vingtaine de points dans un rayon de 5 km dans le Val-de-Marne », quand Orange n’évoque à ce stade que quatre points de vandalisme, un chiffre confirmé par une source proche de l’enquête. Pour ce professionnel du secteur, la piste d’un « groupe très organisé » est crédible, car la localisation de ces points de passage des câbles est « confidentielle ». Sans compter que le fait de couper des fibres optiques en verre protégées par des gainages nécessite d’être bien équipé.
De soin côté, un haut fonctionnaire spécialiste de ces questions affirme : «Aucun élément ne relie procéduralement à l’ultragauche, mais ce qui frappe est le caractère structuré et planifié de l’action qui ne doit rien au hasard. C’est une première depuis longtemps, même s’il ne faut rien exclure.»
La réparation pourrait prendre « énormément de temps », poursuit une source proche de l’enquête. Parce que les câbles sélectionnés constituent des « points névralgiques », ce que les auteurs qui « cherchaient à nuire le plus possible » ne pouvaient ignorer, explique le même haut cadre chez Orange.
Sabotage du réseau Internet dans le Val-de-Marne : « Du jamais-vu en vingt ans »