Bourges/Maubeuge/Cherbourg – Les drones de la PJ à l’assaut des quartiers

La police de Bourges a recours à un drone pour vérifier le respect des règles de confinement
Le Berry Républicain, 2 avril 2020 (extrait)

Pour contrôler l’application des dispositions relatives au confinement contre la propagation du coronavirus et sanctionner des relâchements éventuels, la police a fait appel ce jeudi, dans les quartiers nord de Bourges, à l’assistance d’un drone. Sa mission : survoler des zones difficiles d’accès pour y guider des policiers déployés au sol, en toute sécurité.
« C’est une opération d’appui technique à une mission de surveillance d’endroits peu accessibles, explique Brigitte Siffert, directrice départementale de la sécurité publique (DDSP) du Cher, patronne des policiers nationaux. Dans ces quartiers (ici les Gibjoncs, mais aussi Turly, La Chancellerie ou le Moulon, NDLR), des riverains nous signalent des attroupements, des rassemblements, parfois autour de barbecues. Encore tout à l’heure en début d’après-midi : cinq personnes impasse Arthur-Rimbaud… Ce sont des infractions, des manquements graves aux dispositions sur le confinement. C’est ainsi que le coronavirus se propage. » Le drone prend donc l’air pour repérer les contrevenants et mener jusqu’à eux les policiers déployés au sol. Et c’est une grande première dans le ciel berruyer, d’un bleu estival jeudi après-midi.



Maubeuge: la police fait voler son drone pour mettre fin aux rassemblements dans les quartiers

La Voix du Nord, 2 avril 2020

C’est avec un drone que les policiers de Maubeuge ont mené une opération de contrôles mardi dans les quartiers sensibles de la ville, où des groupes de jeunes se rassemblent tous les jours au mépris des règles du confinement. L’engin volant a permis de les disperser.

Imaginez un drone qui prend la parole… Une hallucination ? Non, c’est bien la scène qu’ont vécue certains habitants des Écrivains, de Sous-le-Bois, du lac du Paradis ou des Présidents mardi. L’appareil était équipé d’un haut-parleur répétant en boucle les messages de prévention ou de confinement dans le cadre du Covid-19. Un engin emprunté à la police judiciaire de Lille pour une opération de contrôles inédite.


Cherbourg : deux drones déployés pour faire respecter le confinement
La Presse de la Manche, 1er avril 2020

Ce n’était pas un poisson d’avril. Ce mercredi 1er avril 2020, les services de police de Cherbourg ont reçu le soutien logistique de la PJ de Rennes pour rappeler à l’ordre les éventuels flâneurs qui tenteraient d’échapper aux contrôles en cette période de confinement.

Après un temps de calibrage, les deux drones équipés de caméras HD ont été déployés dans un premier temps au niveau de la plage verte, puis à Collignon avant une série de passages le long de la Saline pour s’assurer que les chemins n’étaient pas fréquentés. Les équipements ont une portée de 5 kilomètres sans obstacles. Il peuvent monter jusqu’à 6 000 mètres en altitude mais pour surveiller une plage, pas nécessaire de monter aussi haut.

Un des trois opérateurs formés à l’utilisation de cet outil évoque les nombreuses possibilités offertes : « Un de nos drones peut être équipé d’un haut-parleur pour diffuser les messages de prévention ou d’une caméra infrarouge pour des opérations nocturnes. »

Les caméras embarquées offrent une qualité d’images époustouflante pour les opérateurs qui sont capables de zoomer dans des endroits parfois inaccessibles. À terre, des policiers en civils ou en tenue sont dirigés par les télépilotes via une liaison radio. Ils contrôlent et verbalisent si besoin. La présence de drones sur Cherbourg surprend, notamment les promeneurs : « Je promenais mon chien sur la plage verte quand j’ai vu le drone dans le ciel bleu. Puis quelques secondes plus tard, des policiers sont venus à ma rencontre. Je leur ai montré mon attestation. Je rentrais de toute manière. On ne les entend pas. À peine un léger bourdonnement. C’est clair que c’est dissuasif. »

Le commissaire Pascal Serrand dit vouloir renouveler l’opération : « Le dispositif se veut efficace, discret et dissuasif. C’est un équipement qui vient parfaitement compléter nos moyens de contrôles. En quelques minutes, il peut contrôler une zone plus étendue. Je ne manquerai pas de faire à nouveau appel à la PJ de Rennes qui a engagé ses moyens de surveillance, habituellement utilisés dans ses enquêtes judiciaires, pour épauler cette fois les effectifs du grand Ouest. »

Depuis le début du confinement, les policiers cherbourgeois ont réalisé 216 opérations de contrôle et verbalisé 203 contrevenants. Ce mercredi, 4 personnes démunies d’attestation de déplacement dérogatoire ont été sanctionnées.

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Paris – Brigade de Protection des Vigiles?

Parmi les interventions de rue proposées par les Brigades de Solidarité Populaire qui se multiplient ces derniers temps de Milan à Paris, en passant par Genève, Lyon, Nantes ou Marseille, il y a notamment le fait de « distribuer du matériel de protection aux travailleurs autour de soi».

Que les brigadistes de la misère parisienne ne puissent s’empêcher de mettre en scène leur bonne action avec force photos et réseaux sociaux, c’est après tout dans l’air d’un temps où n’existerait plus que ce qui relève du spectacle. Qu’ils mélangent allègrement les notions d’assistance, d’entr’aide ou de soutien avec celle de solidarité, en faisant passer cette dernière pour de la distribution de paniers repas aux pauvres ou de l’accrochage de banderoles aux balcons des confinés, cela les regarde en quelque sorte, même si cela sème plus de confusion qu’autre chose. Nous étions ainsi trop naïfs de continuer à penser, comme au 20e siècle, que la solidarité c’est l’attaque, le soutien matériel du soutien matériel, l’entr’aide une forme de réciprocité, et l’humanitaire une forme de charité laïque qui entretient dépendance et misère tout en cautionnant ses causes. Mais bon.

Par contre, à présent que beaucoup de monde se voit privé de revenus issus de l’économie informelle ou tirait déjà le diable par la queue depuis un moment, plus d’une personne commence logiquement à se préoccuper de savoir comment bouffer ou payer ses factures dans les prochaines semaines, vu que le confinement risque de durer encore deux mois et que certains choix ne souffrent d’aucune demie-mesure. Oh, pas besoin d’aller jusqu’à Palerme ou au Chili pour comprendre qu’une telle privation, le temps passant, risque de rimer avec multiplication de tentatives expropriatrices : les militaires frrrançais de l’opération Résilience sont d’ailleurs officiellement chargés de protéger supermarchés et zones commerciales dans les coins sensibles, et ont commencé à patrouiller dans plusieurs villes depuis lundi. Tout policier, maton ou vigile touché par le coronavirus et renvoyé à la maison n’est-il pas dans ce cas une bonne nouvelle qui apporte un peu d’air frais à chaque voleur ou révolté ? N’existe-t-il pas une différence fondamentale entre aide humanitaire et auto-organisation d’une partie de la population pour aller piller les dépôts de marchandises ? Entre empêcher les vigiles de nuire et les aider à tenir leur poste ? Ben oui, ce formidable boulot qui consiste justement à protéger quotidiennement la vile marchandise contre celles et ceux qui passent à la caisse sans payer ou avec des poches trop rebondies.

C’est aussi manifestement ce que pensent les brigadistes de Paris, mais peut-être pas dans le sens que l’ont croit, puisque le 20 mars dernier au cours de leur tournée de distribution de 150 masques aux pilleurs de supermarchés pour les protéger des caméras… euh… aux travailleurs de supermarchés pour les protéger des clients, ils n’ont pas hésité à en sacrifier pour préserver la bonne santé des matons de riz et de pâtes. Conscients de l’importance de leur mission en une période de tension sociale, nos fiers à bras en ont ensuite choisi un pour l’exhiber en photo dans leur vitrine virtuelle – un vigile aussi ravi du masque « populaire et solidaire » fixé sur sa bouche que du badge « sécurité » en bandoulière sur son torse. Un masque qui pourra l’aider à chasser les affamés le plus longtemps,possible pour les confier à la police, ce qui est pour le moins irresponsable en pleine montée du pic de l’épidémie. Nul doute à présent que la Brigade Nord-Est de Solidarité Populaire pour une autodéfense sanitaire des prolétaires qui remplissent leur frigo en empêchant leurs semblables de le faire gratis, ne manquera pas de renouveler l’opération si de nouveaux stocks de masques se présentent à elle.

Reste tout de même une petite interrogation, qui effraie davantage que le coronavirus : comment des individus ont-ils pu passer en si peu de temps du rôle d’animation des cortèges de tête à celui de voiture-balai de l’Etat, pour accompagner et amortir les effets du Grand Confinement que ce dernier tente d’imposer à tout prix ? « C’est tout le problème des rôles, de la politique et des autoritaires ! » me souffle à l’oreille un sage anarchiste. « C’est aussi tout le problème de l’absence de perspectives en général, qui plus est en une période d’épidémie où la peur, la mort et l’urgence qui leur sont liées ont vite fait de prendre le pas sur toute considération offensive», ne puis-je m’empêcher de soupirer.
Avec, derrière ou à côté de l’Etat, mais certainement pas contre lui – ça on verra après –, semble être devenue l’antienne du moment la plus répandue chez les radicaux de service. Pourtant, c’est bien ici et maintenant que ça se passe, dans notre vie même, et aucun ennemi sincère de l’autorité ne peut pactiser avec le plus froid des monstres froids, y compris au nom de l’urgence ou du moins pire. N’est-ce pas lui qui administre militairement et technologiquement l’épidémie ?, qui décide chaque jour dans les hôpitaux qui peut espérer vivre ou mourir ?, qui choisit à la fois ceux qui peuvent être contaminés (dans les industries critiques, en prison) et ceux qui doivent se serrer la ceinture et se priver d’horizon pour peut-être y échapper (en confinement de masse, avec tout ce que cela comporte) ? Qui continue aussi sans trêve de mener ses sales guerres à l’extérieur des frontières ?

Allons, la peur ne peut avoir effacé tout repère à ce point, il doit bien rester quelques bases. Tenez, un vigile est un vigile, un voleur est un voleur. Et ne demandez jamais à un brigadiste de bazar lequel est urgemment à mettre hors d’état de nuire pour freiner la propagation du virus de l’autorité ou pour ouvrir la voie aux pillages.

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Le Corona ou l’État ? Ni l’un, ni l’autre!

Ces derniers mois, le coronavirus se propage. En france il a d’abord été vu comme lointain, avec un racisme dégueulasse contre les personnes asiatiques. Mais maintenant il est bien là. Et évidemment l’état se place en position de sauveur, il nous dit qu’il a la solution, qu’il faut lui faire confiance.

Mais comment est-ce qu’on pourrait avoir confiance dans ces états qui prétendent vouloir notre bien ?!
Ces états qui font partie du problème car ils sont là pour protéger l’ordre établi, un ordre au service des riches et des puissants et qui écrase la gueule de tellement de personnes. Ces états qui sont en permanence responsables de milliers de mort-e-s, sur leurs territoires, aux frontières, et partout sur la planète (la france est le 3ème exportateur mondial d’armes). Ces mêmes états qui sont aussi en partie responsables du fait que ce virus existe et se soit propagé de cette manière (parce qu’ils sont acteurs du capitalisme, de la mondialisation et de la fragilisation des systèmes immunitaires de tout le monde, par la pollution, le réchauffement climatique…). Ces états qui font des choix en fonction de leur logique et de leurs intérêts (par exemple fermer tous les bars et magasins mais maintenir les élections municipales en france).
C’est vraiment du foutage de gueule.

L’état, la science et les médias ne sont jamais neutres. Ils font monter la peur du virus, la peur de la mort en fait. Tout en cherchant à éviter la panique, le chaos, pour garder le contrôle.
Comme d’habitude c’est une réponse unique qui est imposée à tous et toutes : arrêt de tout ce qui est considéré comme non nécessaires (selon eux) et surtout… le confinement !

Ça serait pour notre bien. Mais le bien de qui ?
Sûrement pas des femmes (et toutes les autres personnes) qui vivent des violences conjugales
Pas celui des enfants bloqués avec des parents nocifs
Ni celui des personnes qui vivent à plein dans des petits espaces
Pas celui de celles en prison ou qui restent enfermées dans des CRA (prison pour sans papiers), dont les conditions sont encore pire que d’habitude (pas de visites, de linge, moins de bouffe…)
Pas pour le bien de personnes travailleuses du sexe qui n’ont plus aucun moyen de gagner de la thune
Ni pour ceux qui pètent des câbles quand ils peuvent pas sortir
Pas pour celles qui n’ont pas les bons papiers et qui ont encore plus que d’habitude peur de sortir
Ni pour ceux qui dépendent des distributions de bouffe qui sont annulées
Pas pour le bien de tellement d’autres que ce système capitaliste, patriarcal, raciste, transphobe… écrase déjà quotidiennement…

Mais si si, c’est pour notre bien ! Et donc notre santé mentale, nos libertés… plus rien n’a d’importance. Pour la santé physique, la fin justifie les moyens : Contrôles, surveillance, amendes ou même peines de prison si on ne se plie pas aux règles. L’idée se répand que les personnes qui ne les respectent pas seront responsables si le confinement dure plus longtemps. Ça crée une figure de l’ennemi intérieur, comme si ceux qui n’obéissent pas aveuglement étaient irresponsables et « du côté du virus ». Donc la méfiance monte, certain-e-s deviennent le relai de l’état : son propre surveillant et puis aussi celui de ses proches, de ses voisins. À certains endroits les lignes téléphoniques des flics sont saturées tellement des gens appellent pour dénoncer ! On peut se demander ce que les gens qui balancent se mettent en tête pour justifier leurs actes ? Les personnes qui deviennent des keufs pourraient bien en subir les conséquences…

On est qu’au début du confinement, les libertés vont être de plus en plus restreintes, ça va vite mais les mesures sont prises au fur et à mesure, une bonne technique pour que ça soit plus accepté. Et au-delà de la question de la propagation du virus, interdire les balades en forêt ou au bord de l’eau, les couvre-feux… en réalité c’est uniquement du maintien de l’ordre.

Et même si le confinement dégage du temps à celles et ceux qui d’habitude en ont peu, à cause du travail, même si on peut voir des animaux revenir dans des zones désertées depuis longtemps, même si la pollution a largement baissé ces dernières semaines… Est-ce que au lieu de glorifier le confinement obligatoire on pourrait pas plutôt se demander comment faire pour vivre dans un monde un peu moins horrible ?

Oui ce virus il est flippant, ça fait pas envie de le chopper, surtout les formes les plus avancées. Les hôpitaux risquent effectivement d’être débordés et on sait que la médecine privilégie la vie des personnes plus jeunes, valides et donc productives pour la société capitaliste. C’est assez ironique que ce soit ce même état qui a défoncé le service de la santé qui vienne maintenant nous demander de prendre en charge le manque de lits en hôpital en nous responsabilisant individuellement. Qu’ils se prétendent « sociaux » ou pas : crèvent tous les états !

Avec ce confinement, l’état impose une ligne de conduite unique pour des dizaines de millions de personnes. Tout est fait pour nous déposséder de notre capacité à réfléchir par nous même, de connaître comment fonctionnent nos corps et comment en prendre soin. Mais on a quand même assez de bon sens pour se demander comment faire face à des virus, éviter de les propager, en parler entre nous, respecter nos choix, prendre soin les un-e-s des autres.

Bien sûr les conséquences du virus sont plus grave pour certaines personnes que pour d’autres et c’est important de le prendre en compte. Mais faire une seule catégorie qui serait « les personnes fragiles », qu’il faudrait protéger pas dessus tout, c’est complètement condescendant. Il y a des personnes qui préfèrent prendre le risque de mourir plutôt que de ne plus voir/toucher personne. L’état et la médecine médecine, comme toujours, nous empêchent de vivre et mourir comme on le choisit.

Ceux qui répriment les mutineries en taule et préfèrent laisser entassé-e-s dans des cellules des dizaines de milliers de personnes n’ont RIEN à nous apprendre en terme de solidarité.

La crise vient réaffirmer ce qui est considéré comme base de la société : la maison, la famille et le couple (cishétérosexuel surtout ! Cishétérosexuel : Qui se reconnaît dans le genre qu’on lui a assigné à la naissance et qui est hétéro). Mais nos affections et nos solidarités ne veulent pas se limiter à ces modèles étroits. Plein de pratiques de résistance autonomes existent. Faire exister et diffuser la critique, refuser le confinement généralisé obligatoire, s’attaquer à la société de contrôle et de surveillance, s’organiser pour contourner les contrôles, se filer des coups de mains... En parallèle, dans les taules et autres lieux d’enfermement, de nombreuses mutineries éclatent.

C’est clair : il n’y aura pas de retour à la normale. Cette normalité déjà bien gerbante risque de s’empirer. Il pourrait être imposé un « effort national » pour reconstruire le pays après la crise, de nouveau un bon argument pour les coupes budgétaires, l’installation sur le long terme d’outils technologiques, sécuritaires, la fermeture encore plus forte des frontières, de l’ultra hygiénisme…

On est au cœur d’une crise mais c’est probable qu’il y en aura d’autres. Où d’autres peurs amèneront à d’autres formes de contrôles et de privation de libertés. Ils sont en train de tester des modes de surveillance et de gestion de population à une échelle mondiale. Le fait que les mesures soient si bien acceptées cette fois-ci pourra en faire un précédent, une assurance qu’en cas de besoin il est possible de contrôler et d’imposer une seule marche à suivre à des milliards d’humain. On nous habitue à un monde géré militairement. Quand la menace c’est la mort tout est légitimé pour préserver la vie. Mais jusqu’à quel point ? Ce monde était déjà inacceptable, mais elle est où la limite ?

Pour que la vie ne se résume pas à de la survie, auto-organisons nous contre le virus et rejetons l’autorité !

Le tract recto/verso au format PDF

https://sansattendre.noblogs.org/post/2020/03/29/le-corona-ou-letat-ni-lun-ni-lautre/

Les pandémies du capital

Il est délicat d’écrire un texte comme celui-ci maintenant. Dans le contexte actuel, où le coronavirus a bouleversé – ou menace de le faire bientôt – les conditions de vie de beaucoup d’entre nous, la seule chose que l’on souhaite est de sortir et de mettre le feu à toute chose, en portant un masque si nécessaire. La situation le mérite. Si l’économie est plus importante que nos vies, il est donc logique de retarder le confinement pour ralentir la propagation du virus jusqu’à la dernière minute, jusqu’à ce que la pandémie soit déjà inévitable. Il est également logique qu’au moment où la contagion ne peut plus être arrêtée et que la production ainsi que la distribution de biens doivent être perturbées – le moins possible – nous soyons ceux que les patrons virent, ceux qui sont contraints de travailler, ceux qui continuent d’être confinés dans les prisons et les Centres de Rétentions de Migrants. Nous sommes ceux qui sont obligés de choisir entre être malades, contaminer nos proches ou mourir de faim en quarantaine. Sans oublier l’exaltation nationale, l’appel à l’unité nationale, la discipline sociale proférée mil fois par nos bourreaux, et les éloges célébrant le bon citoyen qui courbe l’échine et reste silencieux. La seule chose que l’on a envie en ce moment est de tout faire éclater.

Et cette colère est essentielle. Mais il est également essentiel d’avoir une bonne compréhension de la raison pour laquelle tout cela se produit pour mieux lutter, pour combattre la racine même du problème. Comprendre ce qui se passe pour savoir utiliser cette colère lorsque tout explosera, lorsque que la colère individuelle deviendra un pouvoir collectif pour vraiment finir, sans détours, avec cette société de misère.

Le virus n’est pas seulement un virus

Depuis sa création, la relation entre le capitalisme et la nature (humaine et non humaine) a été l’histoire d’une catastrophe sans fin. Cette relation est étroitement liée à la logique d’une société organisée par l’échange marchand et c’est également la raison d’être de la marchandise, peu importe son aspect matériel et naturel mais la possibilité d’en obtenir de l’argent. Dans une société marchande, toutes les espèces de la planète sont subordonnées au fonctionnement de cette machine aveugle et automatique qui est le capital : la nature non humaine n’est rien d’autre qu’un flux de matières premières, un moyen de production de biens, et la nature humaine est la source de travail à exploiter pour en tirer plus d’argent. Tout ce qui est matériel, tout ce qui est naturel, tout ce qui vit est au service de la production d’une relation sociale – valeur, argent, capital – devenue autonome et qui doit transgresser les limites de la vie en permanence.

Mais le capitalisme est un système plein de contradictions. Chaque fois qu’il essaye de les surmonter, il ne fait que reporter et intensifier la prochaine crise. La crise sociale et sanitaire créée par l’expansion du coronavirus concentre toutes ces contradictions et exprime la putréfaction des relations sociales fondées sur la valeur, la propriété privée et l’État ainsi que leur épuisement historique.

Au fur et à mesure que ce système progresse, la concurrence entre capitalistes entraîne le développement technologique et scientifique et, avec lui, une production de plus en plus sociale. De plus en plus ce que nous produisons dépend moins d’une seule personne mais de la société, moins d’une production locale mais de plus en plus d’une production globale. Cela dépend aussi de moins en moins de l’effort individuel et immédiat et davantage des connaissances accumulées tout au long de l’histoire et appliquées efficacement à la production. Le capital fait tout cela tout en conservant, cependant, ses propres catégories : bien que la production soit de plus en plus sociale, le produit du travail continue à être propriété privée. Et ce n’est pas tout : le produit du travail est une marchandise, c’est-à-dire une propriété privée destinée à être échangée avec d’autres marchandises. Cet échange est possible parce que les deux produits contiennent la même quantité de travail abstrait, de valeur. Cette logique, qui constitue les catégories de base du capital, est remise en cause par le développement du capitalisme lui-même, qui réduit la quantité de travail vivant requise pour chaque marchandise. Automatisation de la production, expulsion du travail, perte de profits que les capitalistes peuvent tirer de l’exploitation de ce travail : crise de la valeur.

Cette profonde contradiction entre production sociale et appropriation privée se concrétise dans toute une série d’antagonismes qui s’en dérivent. L’une d’elles, que l’on a développée plus en profondeur à d’autres occasions, explique le rôle de la terre dans l’épuisement de la valeur en tant que relation sociale. Le développement du capital tend à créer une demande toujours plus forte en ce qui concerne l’utilisation des terres, ce qui fait que son prix – la rente foncière – tend à augmenter historiquement. C’est logique : plus la productivité augmente, plus la quantité de valeur par unité de produit diminue et, par conséquent, plus de marchandises doivent être produites pour obtenir les mêmes bénéfices qu’auparavant. Puisqu’il y a de moins en moins de travailleurs dans l’usine et de plus en plus de robots, la production a besoin d’un plus grand volume de matières premières et de ressources énergétiques. La demande foncière s’intensifie donc : méga exploitation minière, déforestation, extraction intensive de combustibles fossiles sont les conséquences logiques de cette dynamique. D’un autre côté, la concentration du capital entraîne à son tour la concentration de grandes masses de main-d’œuvre dans les villes, ce qui pousse les logements urbains à augmenter leur prix de façon permanente. D’où aussi les pires conditions de vie dans les métropoles, le surpeuplement, la pollution, le loyer qui enlève une part de plus en plus importante du salaire, la journée de travail qui se prolonge indéfiniment à cause des trajets en transports.

L’agriculture et l’élevage sont confrontés à deux grands concurrents fonciers : le secteur lié à la rente urbaine et celui lié à l’extraction des matières premières et de l’énergie. Si les exploitations agricoles ou d’élevage sont situées à la périphérie de la ville, peut-être que leur parcelle de terrain sera plus rentable pour la construction d’un immeuble résidentiel ou d’une zone industrielle qui est pratique pour la logistique en raison de sa proximité avec la métropole. S’ils sont plus éloignés, mais que leur lopin de terre contient des minéraux utiles et demandés pour la production de marchandises ou, pire encore, une réserve d’hydrocarbures, ils ne pourront pas être exploités sur ce terrain que le capital utilise à des fins plus prolifiques[1]. S’ils veulent rester en place et continuer à payer le loyer, ils devront augmenter la productivité comme le font les capitalistes industriels. Et en plus ils se trouvent subordonnés à l’augmentation incessante des bouches urbaines à nourrir. L’agro-industrie est la conséquence logique de cette dynamique : seulement en augmentant la productivité, en utilisant des machines automatisées, en produisant en monoculture, en utilisant de plus en plus de produits chimiques (engrais et pesticides dans l’agriculture, produits pharmaceutiques dans l’élevage) et des plantes génétiquement modifiées et des animaux, les bénéfices suffisants pourront être réalisés dans un contexte où la rente foncière augmente sans cesse.

Tout cela est nécessaire pour encadrer l’urgence pandémique. Comme l’expliquent très bien les camarades de Chuang, le coronavirus n’est pas un fait naturel étranger aux relations capitalistes. Parce qu’il ne s’agit pas seulement de mondialisation, c’est-à-dire des possibilités exponentielles de propagation d’un virus. C’est la manière même de produire du capital qui favorise l’apparition de pandémies.

Premièrement, afin de rendre l’agriculture et l’élevage plus rentables, il est nécessaire de mettre en œuvre des formes de production beaucoup plus intensives et beaucoup plus agressives pour le métabolisme naturel. Lorsque de nombreux membres de la même espèce – les porcs, par exemple, l’une des sources possibles du COVID-19 et la source sûre de la grippe A (H1N1) apparue en 2009 aux États-Unis – sont entassés dans des fermes industrielles, leur mode de vie, leur alimentation et l’application permanente de médicaments sur leur corps affaiblissent leur système immunitaire. Il n’y a pas de résilience dans le petit écosystème que constitue une très grande population de la même espèce, immunologiquement compromise et surpeuplée dans de petits espaces. De plus, cet écosystème est un terrain d’entraînement, un lieu privilégié pour la sélection naturelle des virus les plus contagieux et virulents. D’autant plus si cette population a un taux de mortalité élevé, comme cela se produit dans les abattoirs, car la vitesse à laquelle le virus est capable de transmettre détermine sa possibilité de survie. Ce n’est qu’une question de temps avant qu’un de ces virus puisse se transmettre et persister dans un hôte d’une autre espèce : un être humain, par exemple.

Maintenant, disons que cet être humain est un prolétaire et vit, comme les porcs dans notre exemple, entassés dans une maison malsaine avec le reste de sa famille, il va travailler entassé de nouveau dans un train ou un bus où il est difficile de respirer à l’heure de pointe et il a un système immunitaire affaibli par la fatigue, la mauvaise qualité des aliments, la pollution de l’air et de l’eau. La hausse permanente du prix du logement et des transports, les emplois de plus en plus précaires, la mauvaise alimentation, bref la loi de la misère croissante du capital rendent également notre espèce très peu résistante.

La recherche d’une plus grande rentabilité et compétitivité de l’agriculture sur le marché mondial a également ses effets sur la prolifération des épidémies. Nous avons un bon exemple à travers l’épidémie d’Ebola qui s’est propagée dans toute l’Afrique de l’Ouest en 2014-2016, qui a été précédée par l’introduction de monocultures dédiés à l’huile de palme : un type de plantation vers lequel les chauves-souris – la potentielle source de la souche qui a provoqué l’épidémie – sont très attirées. La déforestation de la jungle, en raison non seulement de l’exploitation agro-industrielle mais aussi de l’exploitation forestière et des méga-mines, oblige de nombreuses espèces animales – et certaines populations humaines – à aller plus profondément dans la jungle ou à rester à proximité, en s’exposant aux porteurs du virus tels que les chauves-souris (Ebola), les moustiques (Zika) et d’autres hôtes réservoirs – c’est-à-dire porteurs d’agents pathogènes – qui s’adaptent aux nouvelles conditions établies par l’agro-industrie.

Bien que la source la plus probable du coronavirus soit la chasse et la vente d’animaux sauvages vendus sur le marché du Hunan à Wuhan, cela n’est pas déconnecté du processus décrit ci-dessus. À mesure que le bétail et l’agriculture industrielle se répandent, ils poussent les chasseurs d’animaux sauvages à pénétrer plus profondément dans la jungle à la recherche de leur subsistance, augmentant ainsi les risques de contagion auprès de nouveaux agents pathogènes et donc de leur propagation dans les grandes villes.

Le roi nu

Le coronavirus a démasqué le roi : les contradictions du capital se révèlent et se font sentir dans toute leur brutalité. Et le capitalisme est incapable de gérer la catastrophe qui résulte de ses contradictions, car il ne peut en échapper qu’en les repoussant momentanément pour qu’elles explosent avec plus de virulence plus tard.

Pour identifier cette dynamique, essentielle à l’histoire du capitalisme, nous pouvons l’observer à travers l’exemple de la technologie. L’application des connaissances techno-scientifiques à la production est peut-être l’une des particularités qui a le plus caractérisé ce système. La technologie est utilisée pour augmenter la productivité afin d’extraire un profit supérieur à la moyenne, de telle sorte que l’entreprise qui produit plus de biens que ses concurrents avec le même temps de travail peut choisir entre réduire quelque peu le prix des biens, même pour gagner de l’espace sur le marché, ou le maintenir et gagner un peu plus d’argent. Cependant, dès que leurs concurrents appliquent des améliorations similaires et ont tous le même niveau de productivité, les capitalistes constatent qu’au lieu de faire des bénéfices, ils ont encore moins de bénéfices qu’auparavant, car ils ont plus de biens à mettre sur le marché – ce qui engendre que dans des conditions de concurrence, ses prix baissent – et moins de travailleurs à exploiter proportionnellement. En d’autres termes, ce qui avait été initialement présenté comme une solution, l’application de la technologie pour augmenter la productivité, est rapidement devenu le problème. Ce mouvement logique est permanent et structurel dans le capitalisme.

Le développement de la médecine et de la pharmacologie suit ce même mouvement. Le capitalisme ne peut éviter, depuis ses premiers débuts, de rendre sa population malade. Il ne peut qu’essayer de développer des connaissances médicales et pharmacologiques pour comprendre et maîtriser les pathologies qu’il privilégie. Cependant, dans la mesure où les conditions qui nous rendent malades ne disparaissent pas, mais augmentent même avec la crise de plus en plus prononcée de ce système, le rôle de la médecine s’inverse et peut fonctionner comme un carburant qui alimente la maladie. L’utilisation d’antibiotiques non seulement pour l’espèce humaine, mais aussi pour l’élevage, favorise la résistance des bactéries et l’apparition de souches de plus en plus difficiles à combattre. Il se produit la même chose avec les vaccins viraux. D’une part, ils ont tendance à être inefficaces lors de l’émergence d’une épidémie, étant donné que la logique commerciale elle-même, les brevets, les secrets industriels et la négociation des sociétés pharmaceutiques avec l’État retardent leur application rapide sur la population infectée. En revanche, la sélection naturelle amènera de plus en plus les virus à surmonter ces barrières, favorisant l’apparition de nouvelles souches pour lesquelles les vaccins ne sont pas encore découverts. Le problème ne réside donc pas dans le développement des connaissances médicales et pharmacologiques, mais lorsque les relations sociales continuent d’être entretenues, car ce sont elles qui produisent durablement la maladie et facilitent son expansion rapide. Ces connaissances ne feront donc qu’encourager l’apparition de souches de plus en plus contagieuses et virulentes.

De la même manière que le développement technologique et médical cache une forte contradiction avec les relations sociales capitalistes, il en va de même en ce qui concerne la contradiction entre le niveau national et international du capital lui-même.

Le capitalisme dès sa naissance a présenté une dimension mondiale. À la fin du Moyen Âge, des réseaux de commerce à longue distance se sont développés. Ajoutés à l’impulsion nouvelle due à la conquête du continent américain, ces réseaux ont favorisé l’accumulation d’une énorme masse de capitaux marchands et d’usure. Cela aurait servi de tremplin aux nouvelles relations qui se dessinaient au moment de la prolétarisation de la paysannerie et l’imposition du travail salarié en Europe. La peste noire qui a dévasté le continent européen au XIVe siècle est précisément le résultat de cette mondialisation des échanges, survenue chez les marchands italiens alors en Chine. Logiquement, les systèmes immunitaires des différentes populations à cette époque étaient moins préparés à subir des maladies d’autres régions, et l’intensification des liens dans le monde allait faciliter une expansion des épidémies aussi importantes que les réseaux commerciaux étaient vastes. À l’image des épidémies que les colons auraient portées et qui auraient détruit la majorité de la population indigène dans de grandes régions d’Amérique.

Cependant, ces réseaux commerciaux mondiaux ont servi, paradoxalement et contradictoirement, à encourager la formation de bourgeoisies nationales, un effort de plusieurs siècles pour homogénéiser un marché national unique, une seule langue nationale et un seul État. S’y ajoutent deux siècles durant lesquels une guerre après l’autre se poursuivait sans cesse, au point qu’il n’y a eu que quelques années de paix en Europe aux XVIe et XVIIe siècles. Le caractère mondial du capital est indissociable de l’émergence historique de la nation et, avec elle, de l’impérialisme entre nations. Ce double plan en contradiction permanente, le resserrement des liens mondiaux avec les racines nationales du capitalisme, s’exprime dans toute sa force dans la situation actuelle avec le coronavirus. D’une part, la mondialisation permet aux agents pathogènes d’origines diverses de migrer des réservoirs sauvages les plus isolés vers les centres de population du monde entier. Ainsi, par exemple, le virus Zika a été détecté en 1947 dans la jungle ougandaise, d’où il tire son nom, mais ce n’est que lorsque le marché mondial de l’agriculture s’est développé et que l’Ouganda est devenu l’un de ses chaînons, que le Zika a pu atteindre le nord du Brésil en 2015, aidé sans aucun doute par la production de la monoculture de soja, coton et maïs dans la région. Un virus, soit dit en passant, que le changement climatique – une autre conséquence des relations sociales capitalistes – contribue à propager : le moustique porteur de Zika et de la dengue – le moustique tigre dans ses deux variantes, Aedes aegypti et Aedes albopictus – a déjà atteint des régions comme l’Espagne en raison du réchauffement climatique. De plus, l’internationalisation des relations capitalistes est exponentielle. Depuis l’épidémie de l’autre coronavirus, le SRAS-CoV, entre 2002 et 2003 en Chine et en Asie du Sud-Est, le nombre de vols de ces régions vers le monde entier a décuplé.

Ainsi, le capitalisme favorise l’émergence de nouveaux agents pathogènes que son caractère international propage rapidement. Et pourtant, il est incapable de les gérer. Dans la lutte impérialiste entre les principales puissances, il n’y a pas de place pour la coordination internationale que nécessitent de plus en plus les relations sociales mondiales, et encore moins la coordination que cette pandémie requiert déjà. Le caractère intrinsèquement national du capital, aussi mondialisé soit-il, implique que les intérêts nationaux dans le contexte de la lutte impérialiste l’emportent sur toutes sortes de considérations internationales favorisant la lutte contre le virus. Si la Chine, l’Italie ou l’Espagne ont retardé jusqu’au dernier moment leur prise de mesures, comme l’ont fait plus tard la France, l’Allemagne ou les États-Unis, c’est précisément parce que les mesures nécessaires pour contenir la pandémie ont consisté en la mise en quarantaine des personnes infectées et, à l’arrivée d’un certain taux de contagion, de l’arrêt partiel de la production et de la distribution des marchandises. Dans un contexte où la crise économique qui éclate actuellement, au milieu d’une guerre commerciale entre la Chine et les États-Unis et au cours d’une récession industrielle, se déroule depuis deux ans maintenant, cette rupture ne peut être permise. La décision logique des responsables du capital était alors de sacrifier la santé et quelques vies au capital variable – êtres humains, prolétaires – pour tenir un peu plus longtemps le coup et maintenir la compétitivité sur le marché mondial. Le fait qu’elle se soit révélée non seulement inefficace mais même contre-productive n’exempte pas cette décision de la logique suivante : une bourgeoisie nationale, sensible uniquement aux hauts et aux bas de son propre PIB, ne peut pas manifester une philanthropie internationale. Cela doit être laissé aux discours de l’ONU. Et c’est que la grande contradiction que le coronavirus a révélée est celle du PIB, celle de la richesse basée sur le capital fictif, celle d’une récession sans cesse repoussée sur la base d’injections de liquidité sans fondement matériel dans le présent.

Le coronavirus a démasqué le roi et a montré que nous ne sommes jamais vraiment sortis de la crise de 2008. La croissance minimale, la stagnation qui a suivi et la récession industrielle des dix dernières années n’ont été que la réponse à peine perceptible d’un corps dans le coma, un corps qui n’a survécu que grâce à l’émission permanente de capital fictif. Comme nous l’avons expliqué précédemment, le capitalisme est basé sur l’exploitation du travail abstrait, sans lequel il ne peut faire de profit, et pourtant sa propre dynamique le pousse à expulser le travail de la production de façon exponentielle. Cette contradiction très forte, cette contradiction structurelle qui atteint ses catégories les plus fondamentales, ne peut être surmontée qu’en l’aggravant plus tard par le biais du crédit, c’est-à-dire attendre des profits futurs pour continuer d’alimenter la machine dans le présent. Les entreprises de « l’économie réelle » n’ont d’autre moyen de survivre que de fuir en permanence, d’obtenir des crédits et de maintenir des stocks élevés.

Le coronavirus n’est pas la crise. C’est simplement le déclencheur d’une contradiction structurelle qui s’exprimait depuis des décennies. La solution que les banques centrales des grandes puissances ont donnée pour la crise de 2008 a été de continuer à fuir et d’utiliser les seuls instruments dont la bourgeoisie dispose actuellement pour faire face à la putréfaction de ses propres relations de production : des injections massives de liquidités, c’est-à-dire des crédits bons marchés basés sur la question du capital fictif. Bien entendu, cet instrument n’a guère servi à maintenir la bulle, car en l’absence de réelle rentabilité, les entreprises ont utilisé cette liquidité pour racheter leurs propres actions et continuer à emprunter. Ainsi, aujourd’hui, la dette par rapport au PIB mondial a augmenté de près d’un tiers depuis 2008. Le coronavirus n’a été que le coup qui a fait tomber le château de cartes.

Contrairement à ce que proclame la social-démocratie, selon laquelle on se retrouverait dans cette situation car le néolibéralisme a fait place à l’avidité des spéculateurs de Wall Street, l’émission de capital fictif – c’est-à-dire de crédits fondés sur les gains futurs qui ne se réaliseront jamais – est l’organe de respiration artificielle nécessaire de ce système basé sur le travail. Un système qui, cependant, en raison du développement d’une productivité extrêmement élevée, a de moins en moins besoin de travail pour produire de la richesse. Comme nous l’avons expliqué précédemment, le capitalisme développe une production sociale qui entre directement en collision avec la propriété privée sur laquelle repose l’échange commercial. Nous n’avons jamais été aussi espèce que maintenant. Nous n’avons jamais été aussi liés dans le monde. Jamais l’humanité ne s’est autant reconnue, a eu autant besoin d’elle-même, quelles que soient les langues, les cultures et les barrières nationales. Et pourtant le capitalisme, qui a construit le caractère mondial de nos relations humaines, ne peut y faire face qu’en affirmant la nation et les marchandises et en niant notre humanité. Il ne peut faire face à la constitution de notre communauté humaine qu’à travers sa logique de destruction : l’extinction de l’espèce.

Hobbes et nous

Une semaine avant la rédaction de ce texte, en Espagne, a été décrété l’état d’urgence, de quarantaine et de confinement, sauf lorsqu’il s’agissait de vendre notre main-d’œuvre. Des mesures similaires ont été prises en Chine et en Italie, et l’ont déjà été en France. Seuls, chez nous ou séparés d’un mètre de l’autre dans la rue, la réalité de la société capitaliste est présente : nous ne pouvons nous lier aux autres qu’en tant que marchandises, pas en tant que personnes. Les images qui l’expriment le mieux ce sont peut-être les photographies et les vidéos qui ont circulé sur les réseaux sociaux lorsque débutait les confinements : des milliers de personnes s’entassées dans les trains et les métros sur le chemin du travail, tandis que les parcs et les voies publiques étaient fermés à toute personne qui ne pouvait présenter une bonne excuse aux patrouilles de police. Nous sommes des travailleurs, pas des personnes. Pour l’État, c’est évident.

Dans ce contexte, nous avons vu apparaître une fausse dichotomie fondée sur les deux pôles de la société capitaliste : l’État et l’individu. En premier lieu, l’individu, la molécule sociale du capital : les premières voix qui se sont fait entendre lors de l’alerte de la contagion ont été celles du « sauve qui peut », celles « que crèvent les vieux !», celles qui blâmaient les uns et les autres pour avoir toussé, pour s’être enfuis, pour avoir travaillé ou pour ne pas l’avoir fait. La première réaction a pris la forme de l’idéologie qui transpire spontanément de cette société : on ne peut pas demander à une société construite sur des individus isolés de ne pas agir en tant que tels. Face à cette situation et au chaos social qui s’opérait, l’émergence de l’État a été globalement vécue comme un soulagement. Etat d’alerte, militarisation des rues, contrôle des voies de communication et des transports sauf pour l’essentiel : la circulation des marchandises, notamment la main-d’œuvre marchandise. Face à l’incapacité de s’organiser collectivement face à la catastrophe, l’État se révèle être l’outil de l’administration sociale.

Et il n’est que ça. Une société atomisée a besoin d’un État pour l’organiser. Mais il le fait en reproduisant les causes de notre propre atomisation : celles du profit contre la vie, celles du capital contre les besoins de l’espèce. Des modèles de l’Imperial College de Londres prédisent 250 000 décès au Royaume-Uni et jusqu’à 1,2 million aux États-Unis. Les prévisions mondiales, en imaginant une contagion dans les pays moins développés et avec une infrastructure médicale beaucoup plus précaire, atteindront vraisemblablement plusieurs millions de personnes. L’épidémie du coronavirus aurait cependant pu s’arrêter beaucoup plus tôt. Les États qui ont été au centre de la pandémie ont agi comme ils le devaient : privilégier les bénéfices des entreprises pendant au moins quelques semaines de plus, contre le coût de millions de vies. Dans un autre type de société, dans une société régie par les besoins de l’espèce, les mesures de quarantaine prises en temps voulu auraient pu être ponctuelles, localisées et rapidement surmontées. Mais ce n’est pas le cas dans une société comme la nôtre.

Le coronavirus exprime dans toute sa brutalité les contradictions d’un système mourant. De tout ce que nous avons essayé d’analyser ici, le plus essentiel est : le capital contre la vie. Si le capitalisme pourrit en raison de son incapacité à faire face à ses propres contradictions, nous seuls, en tant que classe, en tant que communauté internationale, en tant qu’espèce, pouvons y mettre fin. Ce n’est pas une question de culture, de conscience, mais un pur besoin matériel qui nous pousse collectivement à lutter pour la vie, pour notre vie ensemble, contre le capital. Et le temps de le faire, bien que ce ne soit qu’un début, a déjà commencé. Beaucoup d’entre nous sont déjà en quarantaine, mais nous ne sommes ni isolés ni seuls. Nous nous préparons. Comme les camarades qui se sont levés en Italie et en Chine, comme ceux qui se tiennent en Iran, au Chili ou à Hong Kong depuis un certain temps, nous nous dirigeons vers la vie. Le capitalisme est en train de mourir, mais c’est seulement en tant que classe internationale, en tant qu’espèce, en tant que communauté humaine, que nous pouvons l’enterrer. L’épidémie du coronavirus a fait tomber le château de cartes, a dépouillé le roi, mais nous seuls pouvons le réduire en cendres.

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[1] Le remplacement des combustibles fossiles par des énergies renouvelables ne résout pas le problème, bien au contraire : les énergies renouvelables nécessitent des surfaces beaucoup plus grandes pour produire des niveaux d’énergie inférieurs

Les pandémies du capital

Madrid Cuarentena City – Publication pour la guerre sociale en temps d’État d’Alerte n°1 (mars 2020)

Traduction de deux textes extraits de Madrid Cuarentena City, publication pour la guerre sociale en temps d’État d’Alerte n°1, deuxième quinzaine de mars 2020

Vers des eaux inconnues

Nous sommes en état d’urgence depuis plus d’une semaine. La capacité destructrice du virus n’est pas questionnable. Mais nous aimerions faire quelques remarques sur ses conséquences non cliniques et sur ses origines.

Savoir si le Covid-19 est apparu à travers une chauve-souris ou à cause d’une tentative étasunnienne, partie en vrille, de déstabiliser l’économie chinoise nous semble peu pertinent maintenant. Ce virus, comme d’autres dans l’histoire qui ont auparavant décimé des populations entières dans l’Amazonie, en Amérique Centrale, en Afrique et en Océanie, est un phénomène biologique. Mais le contexte où il naît, la manière dont il se propage et dont il est géré sont des questions sociales. Ce virus est le résultat d’un système qui marchandise chaque processus, chaque objet, chaque rapport ou tout être vivant sur la terre. Il se répand rapidement de par l’énorme concentration de main d’oeuvre et de corpus consumériste dans les grandes villes, qui s’alimente de l’agro-industrie et de l’élevage intensif. Un flux constant de biens humains (5000 millions de personnes volent chaque année autour de la planète) à des vitesses effrénées qui se reflètent en 200 caractères et 5000 likes.

C’est précisément cet acharnement à arficialiser tout, y compris nos émotions, en basant tout sur le profit, en voyant le monde à travers un écran, en laissant notre esprit être colonisé par l’“efficacité” qui nous a mené à la perte progressive de l’“humain”, du “vivant”. Cela a facilité le fait que des mesures aussi extrêmes qui n’autorisent à sortir de chez soi que pour deux motifs (travailler et consommer) soient passées de manière assez peu traumatique. En même temps, on nous propose comme voie de sortie les mêmes dynamiques technophiles qui nous ont conduit au désastre. Si nous ajoutons à cela la peur, le gouvernement de la peur, nous finissons par perdre le nord et par réinterpréter des concepts tels que la responsabilité ou la solidarité.

Tu te feras traiter d’irresponsable, par exemple si tu ne te soumets pas à l’assignation à résidence volontaire. Sacrée perversion du sens qui n’est en réalité rien d’autre que l’accolade entre le coeur et la tête, entre l’analyse, la décision et l’action. En te criant par la fenêtre au minimum “inconscient-e” si tu passes dans la rue main dans la main avec ton compagnon-ne, on te gueule en réalité “Obéis à la norme!”. C’est aussi ce qui se passe avec les appels à la solidarité qui se traduisent par une servitude volontaire collective en se transformant en un acritique #yomequedoencasa [je resteàlamaison].

Qu’en est-il des centaines de personnes qui s’accumulent à Antocha ou Chamartin [1] entre 6h30 et 8h30 du matin ? Pourquoi les chantiers de construction n’ont-ils pas été arrêtés dans une ville qui dispose d’un excédent exorbitant de logements ? Les personnes entassées dans le parc des expositions IFEMA [2] ne sont-elles pas des personnes ? C’est éprouvant de passer une semaine enfermée ? Et l’être 5, 10, 15, 30 ans, à présent sans même pouvoir recevoir une visite, un parloir intime, alors que dans de nombreux cas les appels téléphoniques et le courrier sont tout-à-fait restreints ? Pour ne citer que quelques exemples qui font mal.

Pour les personnes sans domicile, toute survie anonyme est désormais impossible puisqu’elles ne peuvent plus passer inaperçues quand la jungle de verre s’est transformée en désert de béton. Elles sont, plus encore qu’avant si possible, interdites de séjour. Dans le meilleur des cas, elles seront menées en troupeau dans des enclos comme l’IFEMA. L’impunité policière, déjà exacerbée en tant que telle, s’est aussi déchaînée contre les autres prohibé-e-s, celles et ceux qui ne peuvent accréditer par des papiers bureaucratiques leur statut de personnes de “pleins droits” ou dont la physionomie ou la couleur de peau induit les bourreaux en uniforme à penser que ce n’est pas le cas. (La presse officielle fait état de nombreuses agressions policières dans les quartiers de Lavapiés, dans le centre et dans d’autres villes). Parce qu’une pandémie reste une question de classe, de privilèges, de morts pas si aléatoires.

On ne nous a pas accordé le pouvoir de divination comme à Cassandra, mais par contre la malédiction d’Appollon si. C’est-à-dire que nous n’avons pas la certitude que ces pronostics se réaliseront, (même s’il y a des signes peu trompeurs de vers où le pouvoir veut aller et des preuves, déjà irréfutables, de ce genre de mesures) tout en craignant d’être difficilement écouté-e-s. Nous pensons que toutes ces mesures de contrôle deviendront permanentes, comme cela s’est déjà produit avec les lois anti-terroristes après le 11 Septembre, ou qu’elles se répèteront; il ne nous étonnerait guère d’être rappelé-e-s au confinement à l’avenir, dans des circonstances comme des tempêtes, des ouragans, et toutes sortes de crises climatiques qui arriveront sûrement, ou encore de vieilles et nouvelles épidémies qui viendront à nouveau frapper à nos portes. Traçage des mouvements par le téléphone, contrôles biométriques et de température, limitation des déplacements en fonction de cela … sont déjà une réalité et sont destinés à rester. Il faudrait ajouter à cela la précarisation généralisée qui ne tardera pas à arriver, la socialisation de la pauvreté …

À ce stade, nous voulons partager l’idée que le présent, ou plutôt le passé, le monde tel que nous le connaissons, fondé sur la domination, avec ses structures perpétuant la misère, son orthodoxie, son zèle liberticide … ne nous satisfait pas. Et nous ne souhaitons en aucune manière y revenir.

Commençons à la tenter. En tenant compte du fait que nous n’aimerions pas infecter certaines personnes, brisons l’isolement. Agissons si besoin au niveau individuel. Dans cette réalité, même en frappant à l’aveuglette, il est très facile de tomber pile. Communiquons, parlons, faisons tourner l’information et soyons critiques; forçons les couvre-feu, cartographions le contrôle (où et quand les patrouilles ont lieu, quels espaces ont été interdits, où il y a de l’approvisionnement … )

Fomentons les grèves et la fermeture des entreprises. Nous ne voulons pas une gestion de la crise. Nous voulons expérimenter, choquer, lutter, porter le conflit …

Efforçons-nous d’intervenir dans le présent, même si nous ne voyons pas l’horizon lorsque nous levons les yeux. La clef se trouve peut-être précisément là, laissons derrière nous vérités, certitudes et sécurités, naviguons avec passion pour l’aventure vers des eaux inconnues, vers des aurores de liberté et de révolte.


NdT:
[1] Grandes gares ferroviaires de Madrid.
[2] Réquisitionné pour en faire un hôpital de campagne]

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Revenir où ? Revenir à quoi ?

L’état d’alerte nous arrache la normalité de nos vies pour tous nous placer à un moment vital avec davantage d’incertitude que de réponses. Et il fait entrer la plupart d’entre nous dans un scénario que nous n’avions jamais vécu. Quelque chose de nouveau.

Et à la télé, à la radio, dans les journaux, nous les voyons répéter certaines formules comme des mantras pour nous transmettre la tranquillité : tout va bien se terminer, nous nous en sortirons et nous reviendrons à la normalité.

Avec pour seul horizon celui de revenir au point où nous en étions avant le début de la pandémie, nous sortons sur les balcons pour applaudir, avec nos bourreaux, notre nouvelle condition d’esclaves. Nous applaudissons notre confinement.

Et il semble que l’incertitude et l’enfermement nous aient fait oublier en quoi consiste la normalité. Ils nous ont fait oublier la soumission quotidienne et d’une vie entière à des boulots aliénants qui nous précipitent dans le vide existentiel, que les flics ne sont pas nos amis mais l’institution chargée de maintenir l’ordre social que les riches lancent contre les pauvres.

Ils nous ont fait oublier la misère, l’exploitation, la précarité, la répression, les expulsions locatives, les mensonges des politiques et des entrepreneurs, le désastre permanent auquel l’industrie condamne la planète. Ils nous ont même fait oublier l’urgence climatique!

Face à cette normalité, il ne faudrait se souvenir que de la haine.

Ne nous voilons pas la face, l’état d’alerte était déjà latent dans nos vies. Cette crise a seulemeent fait tomber les masques avec lesquels l’Etat cache ses véritables intentions : le contrôle et son extension totale sur nos corps, nos pensées et nos sentiments.

Comme toujours, c’est à nous de payer les pots cassés de leur désastre. Profitons de cette occasion pour renoncer à la normalité, pour la dépasser et déborder ses marges. Que la seule épidémie qui se répande soit celle des passions. Dirigeons notre haine contre tous ceux qui nous condamnent à une normalité en état d’urgence permanent : contre tes chefs, contre les flics, contre les politiques, contre la passivité.

Reprends ta vie en main, ne reviens pas à la normalité.

Pour l’anarchie.

Sur l’attaque portée à nos relations

“Je suis scotché à la mienne et toi à la tienne. Ecoute ta montre, son tic-tac est un murmure”

Le confinement a des conséquences sur l’un des fondements les plus importants de notre vie: les liens entre individus. Ceux-ci sont contraints de s’éloigner, de se rompre, de remplacer le contact de chair et d’os par l’isolement des débits et des écrans. Ce n’est pas comme lorsque quelque’un que l’on aime traverse des situations essentielles dans un pays éloigné, où on a la certitude que, même si ce lien est sûrement poussiéreux, il sera intact à son retour, ou qu’il vivra dans la mémoire; mais là, on a le soutien de toutes les autres relations sur lesquelles on compte dans notre vie quotidienne. Cette situation de quarantaine a interrompu de force le cours de nos interactions sociales du jour au lendemain, a confiné nos vies en un module d’isolement.

Il y a celles et ceux qui ont de la chance et au moins (au moins parce que cela ne remplit absolument pas le vide laissé par les liens à distance) peuvent passer le confinement avec des personnes qui s’aiment et qui se soutiennent mutuellement, mais qu’en est-il des personnes qui vivent seules? Qui entendra leurs appels à l’aide lorsqu’un suicide alimenté par l’anxiété frappent à leur porte? Et les femmes qui ont leur propre maton à la maison? On dit que la police est à l’affut d’appels pour violences sexistes, mais nous ne pouvons pas nous attendre à ce que la police résolve ces problèmes, encore moins lorsqu’on sait que les flics contribuent la plupart du temps à la maltraitance et à l’humiliation des femmes violentées. De plus, en étant vraiment enfermé.e avec une personne qui vous domine, est-il possible de prendre le téléphone? De sortir du domicile? Les chiffres des violences et meurtres sexistes nous montrent que ce n‘est pas le cas. Et celles et ceux qui n’ont pas d’endroit où vivre? Celles et ceux que les militaires “aideront” et “déplaceront”. Nous ne devons absolument pas faire confiance à ce que l’armée dit vouloir faire quand on est en train de regarder parce que nous sommes enfermé.e.s chez nous.

Et pour en remettre une couche, la panique sociale a non seulement fait que les gens ont individuellement rompu leurs liens, mais qu’ils cherchent également à briser ceux des personnes qui tentent de résister. En invectivant de leur balcon pour avoir marché ensemble dans la rue, pour s’être donné la main, s’être fait des câlins, s’être embrassé.e.s… Angoisse collective sur la base de “Je reste à la maison et toi tu te fous de nous”. Mais parler sur whatsapp, skype, les réseaux sociaux et d’autres alternatives fournies par la technologie n’est même pas valable pour sortir du bourbier d’anxiété dans lequel nous avons été plongé.e.s. On a besoin de contact, on a besoin de marcher avec quelqu’un pour maintenir des liens et ne pas sombrer dans l’hystérie, sans avoir à penser qu’une patrouille de flics va nous mettre une amende.

Que se passera-t-il lorsque nous pourrons retourner dans la rue et que nous serons incapables d’interagir en groupe, de vis-à-vis sur une place? Lorsque l’anxiété sociale sera généralisée et qu’il faudra s’unir pour lutter contre ce monde de merde dans lequel nous vivons?

Ne laissons pas la panique sociale et le contrôle étatique détruire ce que nous avons de plus précieux, renforçons nos liens pour qu’ils soient indestructibles et qu’ils balayent la domination.

Sur l’attaque portée à nos relations

https://sansattendre.noblogs.org/post/2020/03/29/madrid-cuarentena-city-publication-pour-la-guerre-sociale-en-temps-detat-dalerte-n1-mars-2020/

Rébellion en période de couvre-feu

Nous nous trouvons dans une situation totalement inédite pour tout le monde : nos libertés formelles sont réduites au minimum comme en temps de guerre ou de condamnation pénale, sauf que cette fois, « l’ennemi » est invisible et la prison est notre domicile. Catastrophe, état d’urgence, couvre-feu, pandémie, bombardement médiatique, panique, inquiétude et isolement… A ce stade, il ne s’agit pas de relativiser ou d’évaluer les conséquences du Coronavirus – Il m’est impossible de juger cela d’un point de vue médical. Mais ce que je cherche, c’est à critiquer la forme autoritaire en cours, autrement dit la situation de guerre décrétée par l’État et ses conséquences pour nous et pour la société. Alors qu’on laisse passer chaque projet de loi et décret avec l’appui des experts compétents du moment, et que personne ne peut prédire à quoi ressemblera la situation dans une semaine, nous n’avons besoin d’aucun expert pour savoir que l’état d’urgence en temps de crise et de guerre devient bien trop vite une normalité (qui se souvient encore de la « guerre contre le terrorisme » ou « la crise des réfugiés »?).

La misère sociale : solitaire, numérique et docile

Dans cette société toujours en mouvement, la rapidité et l‘omniprésence des informations atteint un palier supplémentaire : dans le suivi mis à jour en direct, on peut observer les chiffres des personnes contaminées et notre insécurité grandit d’autant plus vite… La peur vis-à-vis de la personne contaminée, du malade, du semblable, du voisin.

Pendant ce temps-là, les politiciens se tiennent en première ligne dans la guerre contre l’ennemi en nous assurant qu’ils savent ce qui est le mieux à faire. « Rester à la maison ! Rester tranquilles ! » serait tout ce que nous aurions à faire. Faire preuve d’unité et suivre les ordres, car après tout, « ce n’est pas le moment de critiquer ». Et nous nous retrouvons très vite dans un scénario totalitaire de société de contrôle : on ne devrait plus quitter son domicile et en plus dénoncer celles et ceux qui n’obéissent pas à ce décret. Le brave citoyen prend conscience de sa responsabilité et compose le 110 si il soupçonne les voisins de faire la fête. Pendant ce temps-là, l’utilisation d’internet atteint un nouveau sommet, car on nous fait avaler qu’il y aurait un autre monde vers lequel on pourrait fuir quand il n’est plus possible de faire confiance à ce qui nous entoure : le monde numérique. Car plutôt que de se déplacer et de maintenir des contacts, la vie passe au numérique. Plutôt que de sortir et de rencontrer des potes, on peut bien chatter ensemble, regarder des séries, travailler à la maison, se faire tout livrer devant la porte, regarder des pornos, exprimer des critiques sur internet ou tout simplement jouer à des jeux. Dans cette frénésie numérique, la vie devient artificielle et aliénée, et en fin de compte toute possibilité de transformer quoi que ce soit dans la réalité disparaît. Stressés, inactifs, dépassés en glandant entre quatre murs, les yeux éberlués, ce serait donc ça le futur ? Enfermés en permanence et effrayés par des infos horrifiantes, le nombre de personnes qui décident de mettre fin à une vie pareille augmente en général dans de telles circonstances ; tout comme la violence entre les personnes et dans les familles qui, le plus souvent, est exercée par des hommes sur les femmes.

Vers une période sans fin dans la prison à ciel ouvert

Pendant que j’écris ce texte, une voiture de police continue de patrouiller dans quelques rues parallèles, avec les haut-parleurs annonçant haut et fort que nous devons rester à la maison. Dans le même temps, quelques politiciens puissants siègent ensemble et réglementent dans quelle mesure les assignations à résidence doivent être harmonisées. L’antenne-relais dressée sur le toit de l’immeuble du voisin collecte les données de contact et de mouvement de tous les portables qui se trouvent dans son périmètre. Puis les opérateurs Telekom et Vodafone les transmettent afin de pouvoir analyser avec qui les personnes contaminées ont été en contact et dans quelle mesure la limitation de sortie est respectée. Dans quelques jours, l’État va probablement entériner l’assignation à résidence et suspendre les droits tels que le secret postal et l’inviolabilité du domicile. Ainsi, il va éplucher en continu qui est en contact avec qui et où, qui habite et séjourne où, et ainsi catégoriser, ranger et classer voire diviser les sujets de l’État. Par ailleurs, à travers l’appel à une obéissance totale, on aboutit à une militarisation globale de la société sans précédent. Frontières fermées, soldats se préparant à intervenir dans les rues, interdiction de tout rassemblement de personnes et hélicoptère à leur recherche à l’aide de caméras thermiques. Le fait que la Chine soit considérée comme un État modèle dans la lutte contre l’épidémie montre vers où on va : des drones qui planent au-dessus de nos têtes en nous donnant des ordres, des codes-barres sur nos smartphones qui nous autorisent à aller aux supermarchés selon des algorithmes incompréhensibles ou de nous mettre en quarantaine par la force, des villes entières bouclées et des barrages à chaque carrefour. Le fait qu’un « expert » en Italie ait déjà proposé de mettre des bracelets électroniques aux chevilles des personnes mises en quarantaine afin de pouvoir être sûr qu’elles ne quittent pas leurs domiciles signifie que la ville a désormais été transformée en prison à ciel ouvert et que les méthodes de discipline, de contrôle, de gestion, de punition et de surveillance s’appliquent à l’ensemble de la population. Ceux qui dorénavant se contentent d’attendre durant cette brève période d’assignation et de s’amuser sur internet se contrefoutent non seulement de la liberté, mais ils ne comprennent pas non plus que cette situation durera bien plus que quelques jours.

La normalité est la véritable crise

Du point de vue politique des dominants sur la population, maintenir cet état d’urgence uniquement pendant deux semaines n’a vraiment aucun sens. Pour ceux qui veulent figer la société, il faudrait le faire pendant au moins un an du point de vue de virologues afin de stopper le virus. Et même si les restrictions sont assouplies ou levées, les conséquences seront énormes : ceux qui vivent seuls par le numérique et l’obéissance, adoptent aussi ce comportement. Alors que nous avons vu il y a quelques mois encore des explosions de révoltes et de soulèvements partout dans le monde, les moyens de contre-insurrection et d’abrutissement social laisseront de profondes cicatrices : ceux qui vivent isolés et dans le monde numérique se font également priver de toute possibilité et moyen de discuter, de se révolter et de s’auto-organiser avec leurs amis. Pendant que l’État se met en scène en tant que protecteur des corps et des vies, il nous interdit toute vie sociale. Mais nous savons ce que sont l’État et son industrie qui tuent en permanence, couvrant ce monde de guerres, laissant les réfugiés mourir aux frontières, détruisant et exploitant la terre depuis des siècles. L’État se la joue gardien du bien commun mais en réalité, il veut nous voir comme des esclaves du travail et des soldats obéissants qui produisent pour son industrie polluante et sont prêts à mourir dans ses guerres. L’État protège en premier ressort les riches et s’il venait à l’idée de quiconque, dans cette crise économique, d’aller prendre ce qui lui manque, ses larbins n’hésiteront pas à tirer sur les pilleurs et les voleurs. Le capitalisme et l’État ont besoin des crises et des états d’urgence afin d’accroître et durcir leur pouvoir sur nous – le virus n’étant pas la raison mais l’élément déclencheur. L’État nous appelle à prendre nos responsabilités, mais il nous empêche de nous auto-organiser, de nous rencontrer et de s’entraider. On nous somme de rester assis devant l’écran, de dire « oui » et « amen », mais l’État nous déclare la guerre quand nous abandonnons ce rôle de sujet.

Si l’État veut contrôler et empêcher chacun de nos mouvements et chacune de nos relations, il est nécessaire de chercher des moyens pour nous déplacer et nous rencontrer malgré tout. Si ce qui est nécessaire pour vivre se raréfie, il est primordial d’aller le prendre là où il y en a en abondance. Si nous sommes enfermés et séparés les uns des autres, on ne peut pas se considérer comme des concurrents ou des ennemis, mais comme des personnes avec lesquelles s’associer – comme de potentiels soutiens et complices. Si les yeux de l’État se font de plus en plus omniprésents et si l’étau du capitalisme nous étrangle de plus en plus, il est nécessaire de chercher des moyens de les crever et de les briser.

« Être gouverné, c’est être gardé à vue, inspecté, espionné, dirigé, légiféré, réglementé, parqué, endoctriné, prêché, contrôlé, estimé, apprécié, censuré, commandé, par des êtres qui n’ont ni le titre, ni la science, ni la vertu…

Être gouverné, c’est être, à chaque opération, à chaque transaction, à chaque mouvement, noté, enregistré, recensé, tarifé, timbré, toisé, coté, cotisé, patenté, licencié, autorisé, apostillé, admonesté, empêché, réformé, redressé, corrigé.

C’est, sous prétexte d’utilité publique, et au nom de l’intérêt général, être mis à contribution, exercé, rançonné, exploité, monopolisé, concussionné, pressuré, mystifié, volé ; puis, à la moindre résistance, au premier mot de plainte, réprimé, amendé, vilipendé, vexé, traqué, houspillé, assommé, désarmé, garrotté, emprisonné, fusillé, mitraillé, jugé, condamné, déporté, sacrifié, vendu, trahi, et pour comble, joué, berné, outragé, déshonoré. Voilà le gouvernement, voilà sa justice, voilà sa morale ! Le gouvernement de l’homme par l’homme, c’est la servitude !Quiconque met la main sur moi pour me gouverner est un usurpateur et un tyran ; je le déclare mon ennemi. »

[Tiré et traduit de Zündlumpen Nr. 58 – Anarchistisches Wochenblatt – München, den 23. März 2020]


NdT : La Bavière a été le premier Land d’Allemagne à décréter le confinement. Markus Söder, chef de la CSU et ministre-président du Land, a décrété à partir de minuit samedi 21 mars l’assignation à résidence pour l’ensemble de la population. Cette mesure est appliquée pour une durée de 14 jours, c’est-à-dire jusqu’au 3 avril minuit. Elle sera certainement reconduite à partir de cette date.
L’armée a été déployée dans les rues pour épauler les patrouilles de keufs pour maintenir l’ordre et veiller au confinement. Toute personne violant l’interdiction de sortie est passible d’une amende pouvant aller jusqu’à 25 000 euros, selon le ministre de l’intérieur Joachim Herrmann.
Les quelques autorisations de sortie sont presque les mêmes qu’en France. Il est autorisé de sortir pour aller au travail, dans les commerces considérés comme « essentiels » ou retirer de l’argent à la banque (DAB), pour aller chez le médecin ou à la pharmacie, rendre visite à son/sa conjoint.e ou faire de l’aide à domicile à un proche ou autres…. Bars, restaurants, musées et théatres, commerces « non essentiels » sont fermés.

https://sansattendre.noblogs.org/post/2020/03/29/rebellion-en-periode-de-couvre-feu/

Territoires du Nord-Ouest (Canada) – Entraide en contexte de pandémie (ou le vieux rêve du monde ébréché)

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Les discours qui circulent actuellement dans la population oscillent à différents degrés entre la béatitude procurée par une pause bien méritée et la course aux munitions causée par les replis identitaires. L’objet de ce texte n’est pas l’analyse exhaustive des situations exceptionnelles causées par la pandémie, bien que nous encourageons toute initiative en ce sens. Plutôt, nous voulons soulever le fait que la peur éprouvée par plusieurs a des chances d’être et est déjà récupérée par des attitudes, des propos et des comportements fascistes.

Le stress, les conflits, les commentaires douteux entendus dans les épiceries et dans les hôpitaux en témoignent. Les violences conjugales et les tensions personnelles exacerbées dans les appartements et les régions confinées en sont un autre exemple. Pour faire face à cette récupération illégitime de la crise, nous croyons qu’il est nécessaire de visibiliser activement un discours honnête d’entraide et de prise de pouvoir commune. S’assurer que nos discours qui prônent la responsabilisation, la communalisation et les libertés politiques et économiques soient visibles et surplombent les récupérations fascistes est primordial.

Tant que nos corps seront mobilisés et/ou mis en danger par la coercition de l’État, tant que nos actions seront surveillées et nos droits suspendus, tant que le capital négociera violemment son pouvoir dans les vides laissés par la pandémie, nous devront concentrer nos efforts à répondre aux bonnes questions et à regarder en face la tension à laquelle nous sommes tout·e·s confronté·e·s : obéir à des mesures totalitaires pour protéger la vie ou assumer des formes d’indocilité qui risquent de l’écorcher en passant.

Ce texte a été écrit par des personnes blanches cisgenre appartenant au spectre hétérosexuel.

Notre point de vue situé peut expliquer certaines mécompréhensions et/ou exclusions pouvant être véhiculées par ce texte. Les réinterprétations sont les bienvenues.
Ce texte sera écrit au « nous » dans le contexte paradoxal où la distanciation physique est popularisée. Nous avions déjà commencé à prendre de la distance, mais voilà que cette reine virale nous demande d’agrandir le fossé entre les individus, entre les communautés. Nous souhaitons prendre acte de cette situation afin de choisir nos camps. Nous souhaitons bâtir des ponts entre les îlots qui continuerons à résister à l’ensemble des plaies – et pas seulement au virus.

L’état d’exception nous a toujours fait rêver. Il est à la fois étrange et fascinant de voir les rythmes basculer, les consciences s’affûter, les allié·e·s se pointer. Il est à la fois inquiétant et merveilleux de voir que les privilèges dont chacun·e jouissait (consciemment ou non) sont mis au jour, rendus disponibles à la vue de tout·e·s, révélés.

Au même moment, certaines questions se précisent. Nos privilèges étaient-ils si invisibles?

N’avions-nous pas amorcé un travail solide pour les révéler? Et aussi, la situation d’exception engendrée par la pandémie sera-t-elle suffisante pour que tous nos privilèges soient mis au jour? Sommes-nous tout à fait conscient·e·s des enjeux territoriaux, coloniaux ou environnementaux qui nous assurent encore un certain confort, une certaine portée dans nos actions? Si les réponses à ces questions seront structurantes pour les prochains mois, la situation nous oblige à voir que les privilèges auxquels certain·e·s d’entre nous s’étaient habitué·e·s participaient à un refus général du changement social, au déni collectif de la largeur des possibles qui nous étaient déjà permis.

Les amitiés, l’accès à un toit, à un puits, à de l’eau potable, aux denrées de base, des légumes, de la farine, des protéines, de la drogue ou de l’alcool, de l’espace pour marcher sans se faire accoster par un flic ou un macho. Les connexions, les bandes passantes, les vitamines, l’entraide, la blancheur, l’argent.

Une autre question centrale nous taraude : qu’est-ce qu’on fait avec tous ces privilèges?

Certains vont nous être utiles. Il faudra apprendre à les partager, à les démanteler pour mieux les distribuer, à renoncer à quelques-uns d’entre eux. Continuer à se remettre en question personnellement. Les temps de crise ne sont pas une excuse pour s’asseoir sur ce qu’on a accumulé, ni pour manquer de responsabilité sous le couvert de l’urgence.

L’état d’exception soulève avec plus d’acuité encore d’autres questions que nous nous posions déjà. Des questions comme : pour ou contre la survie de l’espèce humaine et sinon, à quel prix?

Pour ou contre le capitalisme et sinon, à quel prix? À quelle forme de responsabilité individuelle et collective pouvons-nous réellement aspirer et de quelle nécessité sera-t-elle garante?

Autant que nous croyons que les questions seront amenées à se préciser dans les prochains mois, autant que nous croyons que l’organisation politique qui est déjà là est suffisante.

Nous croyons que nous avons déjà tout ce qui est nécessaire pour survivre et pour faire exister les systèmes et les mondes dont nous rêvions – et ce, dans le sens où nous allions déjà.

Nous croyons que toutes les personnes qui liront ce texte et qui se reconnaîtront font déjà partie de ce monde parallèle dont nous parlons depuis longtemps, celui qui s’est construit lentement à partir de nos infrastructures, celui qui s’est solidarisé, déjà, à partir d’idées et de consciences communes, celui qui permet nos pluralités, nos différences.
Bien que la peur soit tout à fait légitime, nous souhaitons amorcer le mouvement des corps et le mouvement des idées vers la réalisation d’une situation commune, d’un intérêt commun – soit, le rayonnement de nos mondes au-delà des territoires oppressifs.

Bien que la méfiance soit compréhensible, nous souhaitons confirmer la théorie par la pratique et assumer, ensemble, l’incertitude inévitable d’une telle démarche. Nous souhaitons respecter les rythmes de chacun·e tout en incitant au mouvement. Nous souhaitons continuer à prendre soin les un·e·s des autres, à soigner nos relations, à assumer nos responsabilités les un·e·s envers les autres.

Nous souhaitons voir apparaître, bientôt, la cartographie située de nos communs.
Avant la pandémie, nous nous demandions déjà comment sortir de l’immobilisme, de
l’isolement, du mal-être dans ce monde d’oppression. Nous nous demandions comment sortir de nos quotidiens pour avoir un peu de temps, pour penser à d’autres façons de vivre et d’être ensemble. Nous nous disions que pour sortir de l’isolement, il faudrait se reconnaître, avoir envie de faire des choses ensemble, avoir un imaginaire qui nous donnerait envie. Nous nous demandions : quelle vision du futur nous motive, pour vrai? Qu’est-ce qu’on trouverait important de faire, ici et maintenant?

Les premières réponses que nous avons trouvé à ces questions étaient contenues dans les théories et les pratiques féministes. Nous croyons que la diversité peut être un atout en temps de nécessité et cela doit être porté en assumant que les féminismes radicaux sont des moteurs centraux, prioritaires et transversaux qui affectent tous les aspects de nos vies – privés, sociaux et politiques.

Lorsque nous appelons à l’entraide, nous nous fions sur les consciences et les condamnations actives déjà présentes sur le terrain pour refuser tous les comportements racistes, coloniaux, homophobes, validistes, sexistes, transphobes, classistes. Mais nous ne voulons pas nier l’écart qui persiste entre les discours et la pratique. L’effort déjà déployé témoigne de ce que beaucoup d’entre nous aimeraient. La réalité, qui est que nous n’y sommes pas tout à fait, doit encore faire
partie de l’équation.

D’autre part, nous avions déjà fait le choix d’identifier quatre aspects systémiques de
l’oppression :

• le sexisme et l’hétéro-patriarcat dans la parenté-affinité
• le capitalisme dans l’économie
• l’autoritarisme en politique
• le racisme et le colonialo-impérialisme dans la communauté

Ces différents systèmes d’oppression s’entrecroisent, interagissent et se renforcent les uns les autres, d’où la nécessité de les combattre comme un tout et non de façon isolée.

À partir de maintenant, nous voulons choisir de prioriser les luttes anti-capitaliste et antiautoritaire, ce qui implique de sortir du capitalisme et de s’organiser sans l’État actuel. Nous devons dès maintenant repenser nos façons de fonctionner ensemble : d’où l’idée de préciser nos communs(1) et de se doter de nos propres structures. L’état d’exception dévoile ce que nous savions déjà : des structures, qu’on les veuille ou non, sont déjà là. Nous devons choisir les nôtres et non celles imposées par l’État.

Dans le quotidien, nous continueront à travailler à ce que l’on travaille déjà, soit, à sabler l’engrenage du colonialisme pour le faire disparaître, à mettre en place des relations de solidarité avec les réfugié·e·s et les personnes plus vulnérables, à mettre en place des moyens pour mieux se comprendre, à solidifier nos structures de soin qui nous permettent de rester inclusif·ve·s et accueillant·e·s (« care »), à travailler les opportunités que l’on a de prévenir/sortir de l’isolement, de la dépression, de l’anxiété, et cette fois-ci, des impacts du coronavirus.

Idéalement, cela se ferait par région-clé – les déplacements, l’accès aux ressources et les pratiques anti-autoritaires seraient codifiées à partir de ce qui se fait déjà.
Récupérer les communs, hors des directives gouvernementales, est le devoir politique,
économique et écologique de notre temps. La condition de possibilité du communalisme, c’est tout sauf « chacun·e fait ce qu’ielle veut ». Car le communalisme engage. Il est incompatible avec toute forme de libéralisme. Il ne peut exister sans certaines obligations (2). Dans le communalisme, il y a le principe de l’auto-organisation de ses membres et le droit de sanction: l’idée n’est pas de se surveiller, mais de s’assurer qu’il n’y a pas d’abus. Il y a aussi l’idée du déplacement (ir)régulier des pouvoirs, qui prévient toute forme d’accaparement.

Même si nos pratiques sont déjà libertaires, subversives et que l’on peut s’en féliciter, les louanges que l’on peut en faire aujourd’hui ne sont que la moitié de ce que nous pourrons en faire dans quelques mois et dans quelques années, lorsque nous aurons fait émergé la nouvelle cartographie de cet état d’exception.

Nous ne pouvons plus nous en remettre à des lendemains qui chantent en allusion à
d’hypothétiques pratiques communautaires isolées. Nous avons plusieurs choses à partager:

nos pratiques anti-oppressives, nos structures, nos pratiques de soin, le matériel, les denrées de base.

Nous ne savions pas trop comment libérer du temps pour nous organiser.

Nous n’arrivions pas trop à voir comment redéfinir les échanges commerciaux/economiques sans l’argent sale du capitalisme.

Nous ne savions pas trop comment revenir à l’essentiel, comment nous passer collectivement et activement des avantages que nous procuraient les systèmes oppressifs.

Nous ne nous attendions pas vraiment à une pandémie mondiale.

Après un mois d’exception en Italie, les dauphins sont revenus à Venise. Ce n’est qu’une facette des possibles qui sont ouverts par la situation qui commence.

Nous ne voulons pas être sauvé·e·s par l’État et nous ne voulons surtout pas que les choses reprennent comme avant.

Proposition d’entraide et actions concrètes

• Nous proposons que toute personne se reconnaissant dans cet appel à l’entraide puisse choisir en toute liberté un lieu d’atterrissage. Le lieu d’atterrissage est le lieu qu’on choisit pour s’impliquer, former ou se joindre à une commune. Nous croyons qu’à
ce stade-ci, la proximité territoriale est le facteur le plus important., bien que le
ravitaillement, les affinités et la connexion internet soient des ressources précieuses;

• À partir de là, continuer activement la mutualisation des moyens de production
(production alimentaire, ateliers de tout genre, cliniques, etc) et la mutualisation des
ressources (bouffe, argent, soins, etc);

• Continuer à s’assurer que les gens autour de nous ont accès à l’information, relayer
des points de vue critiques et différents des médias mainstream;

• S’assurer que nos discours soient présents dans les médias sociaux, les espaces,
les territoires et dans nos échanges avec nos voisin·e·s;

• S’assurer que la grève des loyers et que toute action collective réduisant le pouvoir
du capitalisme soient effective(s);

• Multiplier les actions solidaires avec les personnes les plus précaires (isolement,
vieillesse, pauvreté, sans-statuts, monoparentalité, personnes vivant avec un handicap,
etc) et s’autoformer, s’autoéduquer à la pluralité des vécus et des situations.

 

1 Les communs impliquent que la propriété n’est pas conçue comme une appropriation ou une privatisation mais comme un usage. Hors de la propriété publique et de la propriété privée, les communs forment une troisième voie.

2 Voir l’exemple du tequio zapatiste, ces sessions de travail collectives auxquelles chaque membre des communautés chiapanèques doit se soumettre. La définition du travail ici doit être élargie aux formes souvent invisibilisées ou hiérarchisées par le capitalisme (travail domestique, charge mentale, travail émotionnel, etc).

 

Buenos Aires, Argentine: La Rivolta, de la pandémie

Introduction

Le vendredi 20 mars, la quarantaine totale a été décrétée à partir de minuit sur le territoire dominé par l’État Argentin. Après quelques mois de nouvelles qui semblaient lointaines et les dernières semaines de paranoïa grandissante dans les médias et les chaînes nationales du Président, ils ont fini par la déclarer, déclenchant un boom de départs des classes moyennes hautes vers leurs résidences secondaires, d’achats démesurés dans les supermarchés et un appel à rester à la maison moins de 4 heures à l’avance.

Si le terrain avait certes été préparé antérieurement, face à l’impréparation totale économique et sociale et conformément aux logiques de l’État et du Capital, cette quarantaine est appliquée par différentes forces armées dans les rues, opérant avec plus ou moins d’impunité selon les zones plus ou moins riches du pays. Ainsi sont apparues instantanément des vidéos montrant les flics de tout poil marchant sur les quartiers mitraillettes et fusils à la main, pourchassant à moto celles et ceux qui sont dehors et les obligeant à rentrer en courant chez elleux, une femme renversée par une voiture de patrouille et une longue liste de la course policière déchaînée sur un territoire proche de la militarisation.

Comme dans la plupart des pays infectés, le message de guerre a été lancé en prenant cette pandémie comme excuse, et parmi certaines malencontreuses analyses cherchant à pointer un complot global, il apparaît de manière évidente que le virus c’est le capitalisme et que ce supposé complot n’est qu’une maladie se répandant à des niveaux globaux dans des sociétés fondées sur l’exploitation et la misère. Il saute de nouveau aux yeux de tous et toutes que la société de classes

finit toujours par nuire aux mêmes, à celles et ceux qui continuent à s’exposer, obligé-e-s d’aller bosser, et à toutes celles et ceux qui n’en ont pas l’autorisation (dans une économie basée à 40% sur le travail informel) et doivent soit rester enfermé-e-s à regarder leurs dettes augmenter et leur santé mentale se détériorer, soit affronter le risque d’être arrêté-e-s et torturé-e-s par l’État.

Délation et médias

La campagne de terreur est renforcée par le martèlement constant des médias nationaux qui sont probablement le fer de lance de la société de contrôle, car si l’intimidation policière est tangible et évidente, elle se maintient bel et bien sous le couvert du #quedateencasa [reste à la maison], jusqu’au point où l’idée de “responsabilité” sert à justifier ouvertement la répression d’un point de vue progressiste hypocrite, avec le mot d’ordre qui se répète à nouveau “il ne t’arrivera rien si tu restes à la maison”. La peur a changé de couleur, passant du rouge au vert, et cela nous démontre que le concept d’ennemi intérieur est indépendant de l’époque et des formes, quelle que soit la raison susceptible de perturber l’ordre social, elle doit être désamorcée par la prison et la persécution.

Et tout en sachant que nous vivons dans une société carcérale, la campagne du pouvoir pour justifier les militaires dans les rues prend des relents particulièrement obscènes, tout en ayant recours à un argumentaire auquel se conforme dans une grande mesure une partie importante de la population qui a voté avec satisfaction lors des dernières élections. Dans ce contexte de paranoïa, la délation citoyenne devient monnaie courante, les mêmes personnes qui hier arboraient sur leurs tee-shirts le slogan “plus jamais ça” appellent aujourd’hui la police au moindre mouvement suspect, espionnent de leurs fenêtres et vont même jusqu’à dénoncer au mégaphone de leurs balcons dans le centre-ville. Au milieu de tout ça se lance la campagne médiatique “C’est l’État qui prend soin de toi, pas le Marché”, renforçant le faux paradoxe imposé par le kirchnerisme, alors qu’ils ne font justement que protéger le marché, c’est-à-dire la propriété privée. Cela est manifeste dans le manque de possibilité de se faire dépister et de contributions dans le domaine de la santé, contrairement aux dépenses budgétaires pour l’appareil répressif. Mais même ainsi, les coupables désigné-e-s sont à nouveau les voisin-e-s, celles et ceux qui vivent en s’entassant et n’ont pas la possibilité de se mettre en quarantaine, sauf bien-sûr les livreurs et autres travailleureuses puisque ces exploité-e-s doivent aujourd’hui être au service de celles et ceux qui bénéficient de quarantaines privilégiées et commandent des glaces et des sushi à domicile.

Le cours de la quarantaine

Selon les annonces, la quarantaine durerait jusqu’au 31 mars, même si le discours commence à circuler qu’elle devra être allongée, hypothèse qui s’appuie aussi sur les miettes que l’État affirme bientôt distribuer pour éviter tout désordre. Dans ce contexte, nous pouvons opter pour penser en termes généraux et commencer à noter un point de bascule : si certains territoires ponctuels subissent déjà une militarisation extrème depuis de longues années, comme ce peut être le cas pour le peuple Mapuche, en Palestine, au Kurdistan, ou en Syrie, en l’occurrence on entérine au niveau mondial la répression contre un ennemi qui n’a pas de visage, qui n’est pas humain, et même pas visible, et nous pouvons tous et toutes être coupables, comme une police de la pensée orwellienne et un panoptique individuel où chaqu’un-e surveille l’autre comme un éventuel agent ennemi.

Parmi les différentes réflexions d’“intellectuel-le-s” du capital, nous trouvons par exemple Slavoj Zizek, gauchiste connu, qui entre autre condiment ressassé de paroles académiques, revendique l’établissement d’un “Réseau global de Santé” sorte de coordination qui, au-delà même du COVID-19, pourrait prévenir ces cas en dotant de plus de pouvoir encore les scientifiques de l’OMS, en même temps qu’il affirme que “Le virus est démocratique, il ne fait pas de distinction entre les riches et les pauvres”, omettant le fait que la démocratie repose justement sur cette distinction et identifiant le virus en question comme “un coup porté au capitalisme qui pourrait mener à la réinvention du communisme”.

Malheureusement, cette analyse, comme celle d’un autre écrivain connu, Byung Chul Han, partent de et s’adressent à l’élite intellectuelle, retranchée derrière l’académisme confortable et totalement éloignée du quotidien, particulièrement en Amérique du Sud, mais quoi qu’il en soit certains mots de ce dernier résonnent de manière plus fructueuse lorsqu’il répond au premier “Žizek affirme que le virus a porté un coup mortel au capitalisme et évoque un communisme obscur. Il croit même que le virus pourrait faire tomber le régime chinois. Žizek se trompe. Rien de cela n’aura lieu. La Chine pourra maintenant vendre son État policier numérique comme un modèle de succès contre la pandémie. La Chine exhibera la supériorité de son système avec plus de fierté encore. Et après la pandémie, le capitalisme poursuivra son cours avec une vigueur redoublée. Et les touristes continueront à piétiner la planète. Le virus ne peut remplacer la raison. Il est même possible que l’État policier numérique à la chinoise parvienne en Occident. Comme l’a déjà dit Naomi Klein, le choc est un moment propice pour établir un nouveau système de gouvernement. L’instauration du néo-libéralisme a aussi souvent été précédée par des crises qui ont causé des commotions. C’est ce qui s’est passé en Corée ou en Grèce. Espérons que suite au choc provoqué par ce virus un régime policier numérique comme celui de la Chine ne s’imposera pas en Europe. Si cela se produisait, comme le craint Giorgio Agamben, l’état d’exception deviendrait la situation normale. Alors le virus aurait réussi ce que même le terrorisme islamiste n’a pas tout à fait obtenu.”

Et de fait, il apparaît clairement que le Capital est loin de chanceler, certains marchés et le monde des finances pourront tomber dans la paranoïa, mais plutôt que de perdre leurs positions de pouvoir, et c’est logique dans une société fondée sur l’autorité et la domination, ils chercheront d’abord notre soumission ou la mort.

Tendant toujours à la révolte

Le monde de la dystopie est et a toujours été celui-ci, nous en sommes là et la réalité reste plus implacable que nos souhaits, ce qui aujourd’hui est un virus à affronter et contre lequel nous devons apprendre à vivre, sera demain quelque désastre naturel et l’avancée constante de la civilisation, c’est le panorama que posait il y a quelque temps déjà “Désert” (Editions L’anomia) et ça nous saute toujours au visage avant que nous puissions deviner d’où vient le coup, ce qui assez logique. Dans l’asphyxiante frénésie du quotidien, on ne peut guère faire davantage que s’informer et se convaincre, jusqu’à ce que nous en soyons arrivé-e-s au point où il est nécessaire d’affronter ce qui tombre, d’une manière ou d’une autre.

Ceci est aussi une occasion pour étudier les agissements des forces armées, où elles disposent leurs points de contrôle dans les villes, comment fonctionnent leur surveillance et leur répression, et par là-même quelles possibilités nous trouvons pour agiter pour la révolte, en même temps que certain-e-s compagnon-ne-s éditent déjà de la propagande et tentent de renforcer des liens communautaires en opposition aux logiques policières. Les points de rupture et de bascule sont aussi des moments où il est nécessaire de mettre en tension les rapports sociaux, au lieu de nous cacher derrière quelque masque stupidement mysanthrope, affronter cette réalité c’est au contraire diriger les armes contre l’État et ne pas nous laisser pacifier par son appareil médiatique, politique et citoyen.

Que la quarantaine renforce nos désirs de liberté et réaffirme notre refus de toute autorité.

Buenos Aires, mars 2020

LA RIVOLTA DESDE LA PANDEMIA

Y a t-il une vie avant la mort?

Ces derniers mois, un virus contre lequel n’existe pas de vaccin se
propage, atteignant des organismes humains affaiblis notamment par les
pollutions industrielles, la misère, les conditions de survie
éprouvantes. Il contamine des centaines de milliers de personnes et tue
des milliers d’autres. Ce virus et le traitement médiatique qui en est
fait viennent activer une terreur ancienne, celle des différentes «
pandémies » de peste noire et leurs dizaines de millions de mort-es au
fil des siècles, terreur confirmée et amplifiée par les mesures
spectaculaires et coercitives se répandant comme traînée de poudre. La
mort et la peur qu’elle inspire, tenues à distance la plupart du temps
dans « nos » sociétés occidentales (ou « normalisé-e » à renfort de
protocoles médicaux), semble prendre sa revanche en envahissant l’espace
social et incitant chacun.e à regarder l’autre comme un facteur de
risque potentiel.

Ces derniers mois, un virus contre lequel n’existe pas de vaccin se
propage, atteignant des organismes humains affaiblis notamment par les
pollutions industrielles, la misère, les conditions de survie
éprouvantes. Il contamine des centaines de milliers de personnes et tue
des milliers d’autres. Ce virus et le traitement médiatique qui en est
fait viennent activer une terreur ancienne, celle des différentes «
pandémies » de peste noire et leurs dizaines de millions de mort-es au
fil des siècles, terreur confirmée et amplifiée par les mesures
spectaculaires et coercitives se répandant comme traînée de poudre. La
mort et la peur qu’elle inspire, tenues à distance la plupart du temps
dans « nos » sociétés occidentales (ou « normalisé-e » à renfort de
protocoles médicaux), semble prendre sa revanche en envahissant l’espace
social et incitant chacun.e à regarder l’autre comme un facteur de
risque potentiel.

Celles et ceux qui se présentent comme indispensables se targuent de
nous imposer surveillance et autorité « pour notre bien » et font feu de
tous bois, de la culpabilisation au discours nationaliste de merde ; de
la surveillance technologique aux amendes, du tabassage à la menace de
la taule. Les rues quasi-désertes sont quadrillées d’uniformes bleus et
kaki, qui se réjouissent d’avoir les mains libres pour tomber sur des
personnes isolées, alors que depuis plusieurs mois, dans l’hexagone
comme dans différents coins du monde, la rage s’exprime intensément
contre l’autorité. La sale rhétorique de la « mobilisation générale » et
de « l’état d’urgence » (pour cette fois sanitaire et -comme toujours-
amené à durer) est abondamment martelée, justifiant un nouveau niveau
d’embrigadement des corps et des esprits, incitant chacun.e à devenir
son propre maton (et si possible celui de ses proches ou moins proches,
conjoints, ami.es, collègues, voisin.es etc). Les mécanismes de contrôle
et de dépossession, l’aliénation et la mise au pas forcée qui sont
particulièrement palpables aujourd’hui n’ont malheureusement rien de
nouveau.

La prétention de l’État à faire le tri entre les vies jugées désirables
(ou non) par temps de « crises » n’est que la triste continuité de ce
qui passe trop souvent inaperçu par temps « calme » : mort-es aux
frontières, meurtres policiers dans les quartiers, les taules, les Hp…
Celles qui prétendent décider de ce qu’il advient de chaque corps -de la
naissance au tombeau- parlent de « personnes vulnérables à protéger »
tout en annulant une multitude d’opérations liées à d’autres pathologies
mortelles (cancer…). Sous couvert de « protection », ces raclures
interdisent les visites à l’hôpital et en Ephad, forçant plein de
personnes à mourir seul.es. Ceux qui maintiennent des dizaines de
milliers d’ individus enfermé.es dans des conditions encore plus trash
que d’habitude (suppression des parloirs, du linge, des activités
etc…) et répriment les mutineries (refus de remonter de promenade,
dégradations, départs de feux, affrontements avec la matonnerie,
tentatives d’évasion etc.) qui éclatent dans de nombreuses taules plutôt
que d’ouvrir les portes n’ont rien à nous apprendre en terme de
solidarité.

L’étau se resserre de jour en jour (attestation de déplacement
dérogatoire, couvre feu déjà en vigueur dans plusieurs villes, respect
du confinement surveillé par drones, hélicoptères etc.). Voir tellement
de personnes accepter la réduction soudaine de notre horizon est
terrifiant. Cette situation asphyxiante ne peut que générer des «
pétages de boulons ». Nous sommes inquiet.es et en colère de voir tant
de proches ou d’inconnu.es reprendre à leur compte les discours
moralisateurs, méprisants et condescendants du pouvoir, quand il-es ne
dénoncent pas celles et ceux qui ne marchent pas assez droit. Les choix
qui sont en tension aujourd’hui (repli sur soi, délation, entraide,
sédition…) laisseront sans doute des traces et blessures
irrémédiables. Ne pas perdre le contact avec le « dehors », se faire une
idée de la situation par soi-même et réfléchir à plusieurs cette
nouvelle donne n’a rien d’irresponsable. Ça pourrait même se révéler
vital.

On est rageuses en pensant à toutes celles qui vivent des violences
physiques, psychologiques et sexuelles de la part d’un conjoint qui est
aussi leur cohabitant, et dont les espaces de respiration se réduisent
de manière dramatique ; et à tous-tes les minot-es qui se retrouvent
bloquées avec des daron.nes nocif-ves… Quelles portes de sorties ?

La solidarité qui nous importe ne se cantonne pas à cette cellule
familiale si souvent toxique ou aux autres « proches », choisies ou non.
On pense à toutes les personnes mises en situation de précarité par ce
monde capitaliste (patriarcal, raciste…) de merde, aux distributions
de bouffe annulées et aux passant-es plus rares et radin.es que
d’habitude ; au tabassage par les chtars marseillais des vendeurs à la
sauvette de Noailles et d’une personne SDF vers la Plaine, ainsi qu’au
gazage de personnes qui zonaient vers la gare… et qui menacent ceux
qui ne marchent pas droit (le couvre feu envisagé relève du pur maintien
de l’ordre, pas de la mesure sanitaire). À celles qui ne disposant pas
des « bons » papiers (parce que clandestins, recherchées…) pourraient
subir des degrés de confinement supplémentaires. Laisser chez soi les
téléphones qui pourraient permettre à l’État de s’assurer du respect du
confinement (c’est déjà le cas en Italie) et plus largement tout ce qui
permet de vérifier identité et adresse (quitte à prendre une
attestation bidonnée) pourrait par exemple compliquer la tâche des
keufs, qu’il s’agisse de faire le tri entre les « bons citoyen.es » et
les autres, de coller des amendes ou d’inculper des récalcitrant.es.

On se passera enfin des « appels à la responsabilité » d’expert.es en
blouses blanches qui demandent aux simples mortel.les de s’en remettre
complètement à eux, se présentant comme seul.es et ultimes recours face
à la maladie, méprisant toute initiative qui déborderait leur cadre et
leurs enjeux (qu’il s’agisse de renforcer ses défenses immunitaires ou
de chercher des moyens de se soigner). Quand bien même leur compétence
ne saute pas aux yeux, ces gestionnaires de masse assènent injonction
sur injonction (y compris contradictoires entre elles), participant
ainsi à la dépossession, la confusion et l’infantilisation générale. Ce
n’est manifestement pas de responsabilité mais d’obéissance qu’il
s’agit. À quel moment se donne-t’on la possibilité de choisir par et
pour nous même de quoi nos vies et nos solidarités sont faites?

On espère bien qu’il n’y aura pas de retour à la normale. L’avant Covid
19 ne faisait pas rêver, et ce que prépare le pouvoir pour l’« après »
est glaçant : mobilisation pour le rétablissement de l’économie du pays
à coups de restrictions budgétaires, « d’effort national » et de mise au
travail forcé.

À moins que les questions autour de la mort nous amènent à réfléchir
sur le sens que nous voulons donner à la vie et à nos activités ?

À moins que ce temps suspendu ne soit employé à rencontrer des
complices, à approfondir des affinités, à envisager de nouvelles
possibilités offensives pour détruire ce qui nous détruit…

Que vivent l’imagination, l’entraide et la révolte !
Que crève la prison sociale.
Liberté pour tous.tes!

[mars 2020]

 

yatilunevie.pdf

L’insurrection aux temps du corona-virus

Finalement l’événement déstabilisant, qui aurait bloqué le système capitaliste, est arrivé.
Et comme on l’aurait imaginé, pas à cause d’actions menées par petits groupes révolutionnaires, un territoire ou une population en révolte. L’événement naît dans le corps capitaliste et en soi-même, à la même vitesse avec laquelle un virus se propage dans un corps organique en bloquant ses fonctions.
Pour cela, dans une de ses parties, nommée Italie, on nous demande depuis mardi 10 mars une nouvelle épreuve d’obéissance.
Oubliant nommer les vraies causes de celle qui est désormais une pandémie, de nouvelles interdictions aux déjà limitées libertés individuelles sont imposées.
Sortir de chez-soi n’est plus possible, sauf pour acheter des aliments, étant donné que depuis longtemps la plupart des personnes ne peuvent plus se les autoproduire.
Se barricader chez-soi en retweetant #iorestoacasa (je reste a la maison), est la triste proposition que les braves Italiens sont obligés à suivre.
Ainsi, comme l’on peut éviter la tragédie écologique en faisant le tri sélectif et en achetant des voitures électriques, la diffusion du coronavirus peut être arrêtée en obligeant tout le monde à ne pas sortir de la maison.
Le système capitaliste décharge ses responsabilités sur les épaules des sujets et, comme la moderne medicine,il intervient sur les effets,non pas sur les causes.

Un événement tout humain, trop humain
Tout le monde, ou presque tout le monde, a oublié que, si le virus a pu sauter – en abandonnant les thèses du complot qui, bien que captivantes, ne changent pas la substance des choses- par un sorbet de chauve-souris jusqu’à la gorge de quelqu’un, c’est parce que les changements climatiques que nous avons provoqués, font devenir certains milieux, d’abord hostiles, indiqués pour certains micro-organismes.
Tout le monde oublie que si le virus s’est propagé à une telle vitesse c’est à cause de l’exceptionnelle concentration de travailleurs qu’il y a dans les villes, entassés, bien que loins les uns des autres. à cause de la folle course qui fait voyager les hommes et les marchandises- y compris les animaux destinés à notre alimentation- d’un bout à l’autre du monde.
Tous les jours, jusqu’au mois passé, plus de 12 millions de personnes prennaient l’avion, 4,5 milliards chaque année[1], vecteurs potentiels de n’importe quel virus, Le corona est celui du moment.
Ainsi la rhétorique des fascistes et de l’actuelle classe dirigeant mondiale se démonte, les frontières fermées pour qui n’a pas de l’argent et de papiers, et ouvertes pour ceux qui, au contraire,les ont, etant ceux-la les mêmes qui ont permis la diffusion du virus dans le monde.
Rapide et confortable en business-class, apéritif de bienvenue? Coronavirus ou sars?

Comment réagit l’etat
Toute la péninsule- bientôt l’europe- vient militarisée, surgissent des nouvelles frontieres, des nouveaux points de contrôle présidées par des soldats armés. La circulation des marchandises subit une forte chute, celle, depuis toujours moins libre, des personnes est pratiquement arrêtée.
Tous à la maison obéissants à l’interdiction, dans la peur d’être contaminés ou de diffuser le virus.
Ou simplement celle d’être punis.
Ceux qui n’ont pas de maison, qui n’ont pas les documents nécessaires sont, par leur seule existence, des hors la loi. Ne pouvant plus passer inobservées dans ces villes désertes,se retrouvant à la merci des autorités, sans yeux qui puissent voir sinon ceux, dans ce cas aveugles, de l’autorité.
L’état d’urgence permet des mesures exceptionnelles, mesures d’émergence pour un plus grand contrôle sociale. Les mesures prises, comme dans le cas de la soi-dite ‘lutte au terrorisme’ en occident, deviendront permanentes.
Il y en a qui proposent de mettre en place le modèle utilisé en Corée du sud et affronter l’épidémie en suivant les déplacements des personnes à travers le big data.
Avec l’excuse de la santé publique et/ ou la sécurité publique, les etats et géants technologiques se frottent les mains. applaudissements assourdissants depuis les audiences du débat public.

De la même façon, interdire les rassemblements par un supposé valeur plus haut, celui de la santé publique, mettrait fin aux mouvements de masse qui ces derniers mois ont mis en discussion l’actuelle organisation sociale.
comme ca les émeutes à hong kong se sont éteintes à cause du virus, celles au Chilli viennent reconduites vers des horizons constituants et réformistes, quoi de mieu pour l’etat français que des mesures exceptionnelles pour contenir l’épidémie et donner un coup définitif à l’incontrôlable (quoique de revendications de tendance réformiste)  mouvement des gilets jaunes?

Comment se reinvente le capitalisme
L’organisation capitaliste survivant cette période, elle pourrait nous entraîner dans la quatrième révolution industrielle. Chercher à décourager les activités qui se déroulent à l’extérieur, la socialité et les rassemblements et avec ceci les possibilités de confrontation, organisation et révolte. voir encore les émeutes qui ont fait trembler les gouvernants du monde seulement cette dernière année.
Privilégier plutôt la seule socialite e agrégation virtuelle -il y en a déjà qui définissent “concert” les live streaming- la consommation online, la construction de contextes toujours plus sur mesure et moins risqués, portant progressivement les individus à être incapables d’affronter les situations de conflicte réel qui ne puissent etre resolues par la simple deconnection.

Passant du local au globale, certain economiste plus long voyant prévoit dans les années à suivre des possibles restructurations du capitalisme, un sérieux redimensionnement de la globalisation et des marchés financiers. on s’attend peut-être à des économies plus locales et moins interconnectées, des chaînes de production plus courtes,aux continents qui chercheraient un certaine autarcie, des frontières encore plus hermétiques.
avec ces moindres interdépendances, plus de possibilités de conflits, car si mon économie ne dépends plus de la tienne, et ce n’est plus toi qui fabrique des components de mes missiles, pourquoi devrai-je éviter de te faire la guerre si tu frôles mes intérêts?
combien de temps faudra-t-il pour passer d’une ‘guerre conventionnelle’ à la mère de toutes les guerres, celle nucléaire? Celle qui en quelques heures, comme un jeux de dominos, ferait des dizaines de millions de morts? [2]
On voit maintenant la libération de la planète du parasite humain plus proche…

Que faire? Quelques hypothèses sur le futur
Quoi que largement prévue, une épidémie de ce genre nous prends mal préparés, vue la rapide contorsion de notre quotidien.
Nous devons comprendre donc que faire maintenant, quelle praticabilité nous permettra la militarisation du pays et que s’attendre du futur, en cherchant à le prévoir.
Dans l’immédiat, la première chose que l’on doit faire est communiquer, ne pas s’isoler. Alimenter la discussion autours de l’émergence, se confronter, faire tourner textes, propositions et critiques. Puis chercher à partager les situations dans les diverses villes et territoires, signaler les points de contrôle, les formes de contrôle appliquées, en tant qu’elles respecteront plus ou moins les interdictions.
Avoir une idée plus claire du cadre général pourra nous rendre plus facile les déplacements, les rassemblements, confrontations et actions.
Conscients que nos déplacements pourront causer de nouvelles infections, même à des personnes que l’on ne voudrait pas infectées. A chacun de décider si agire pour l’infection et, peut-être l’extinction -qui ne surviendra certainement pas cette année- ou pour autres causes. Ce qui est sûr c’est que la nécessité de se masquer ouvre des nouvelles possibilités d’anonymat, au dépit des cultes de l’image et de l’identification. On se procurera donc des masques, intégrales ou moins, pour pouvoir agir en situations publiques, couvertes et sereines.

Puis surement soutenir qui s’oppose aux nouvelles restrictions.
Pour l’instant les personnes réduites aux lieux ou presque toutes les libertés individuelles sont supprimées: les prisons. Selon les données diffusées par les médias, 6000 se sont rebellés en quelques jours, de nord a sud, quelqu’un frôle le lynchage d’une directrice, puis réussit à s’évader. C’est entre les prisonniers que l’on retrouve les premières morts violentes de cette période exceptionnelle.

Une période qui pourrait durer quelques mois, mais que, comme le disent certains gouvernants, étant donné que le 60-70% des personnes seront infectées par le virus, pourrait durer beaucoup plus.
Une longue période de quarantaine, mobilité réduite, contrôles, rassemblements interdits, etc…
Certaines interdictions pourront être atténuées avec de nouvelles impositions: masques, costumes et autres choses cela ne sera pas suffisant pour revenir à la normalité, plutôt à mettre en évidence que l’on vit une période pré-apocalyptique.
L’économie actuelle, au moins comme on la connaît, pourra difficilement supporter une longue période d’émergence et stagnation.
Après quelques jours, on assiste déjà au record négatif de la  bourse de Milan, grèves spontanées et non supervisées par les syndicats, aux blocages des ports, aux révoltes dont on a parlé précédemment, aux diffuses infractions de confinement.
Dans quelques semaines le biens de première nécessité pourraient commencer à manquer.
Ainsi individus ayant retrouvé du temps à dédier a la rare activité de penser pourraient décider de diriger leur rage vers ceux qui causent leur faim, leur réclusion: ce monde et ses serveurs plus fidèles.
Et les révoltes de chaque période historique nous démontrent que les enragées, les révoltes savent toujours où frapper.
Attendre donc que les situations précipitent et chercher de donner notre contribution révolutionnaire aux explosions de colère, les éventuelles exaspérations, protestes, pillages, émeutes.
On est plutôt sûres qu’il ne faut qu’attendre..

Les impatients pourraient pourtant sentir le désir de donner une immédiate contribution au déséquilibre -précédent à l’écroulement?- du système actuel.
Comme ca quelqu’un voudra peut être donner un autre coup au boiteux système productif en coupant les approvisionnements énergétiques. En privant de courant ce système qui tue, enchaînant à la production des milliards de personnes, qui dévaste les territoires où il se développe pour produire les marchandises nécessaires à l’économie et le contrôle, pas a nous.
D’autres peut-être décideront d’attaquer le système infrastructurel, le même qui a permis le virus -e ses plus que probables successeurs[3]- de se déplacer à une telle vitesse. Certainement cela pourrait ralentir les provisionnement des villes, mais on n’a pas choisi de séparer totalement l’approvisionnement d’aliments des territoires où ils viendront consommés .
Certaines particulièrement fantaisistes pourraient d’autre façon attaquer des objectifs originaux. En frappant à l’aveuglette on manque -presque- jamais le coup. Et qui le sait, peut-être en frappant les bureaux de tabac, empêchant la satisfaction de certaines dépendances, nous pourrons assister à une révolution de tabagistes et joueurs de lotto?
Un futur de contagieuse fantasie rebelle nous attends.

Des chambres aux espaces publics
Ce que l’on doit faire, soit que l’émergence dure quelques semaines soit qu’elle se prolonge, sera évader la quarantaine, se reprendre l’air, les rues, les places, les territoires où l’on vit.
Allant outre le slogan, cela signifie revivre dehors les endroits clos, habitude que certains trouveront difficile à reprendre, habitués à la sécurité des murs du propre lazaret. Il faudra
combattre la peur légitime et méfiance qui naît en ces jours a chaque contact interpersonnel.
Mais on peut aussi imaginer que l’ouverture des cages de la quarantaine, surtout si de longue durée, portera les personnes à se verser énergiquement à l’extérieur.

Sans, forcément , la volonté de revenir à la vie précédente, mais plutôt celle de revenir au lieux publics, les rues, squares, parcs.. Les lieux ou les événements insurrectionnels du Chilli se sont développés, comme pour le reste des cas dans l’histoire des insurrections.
Revenir et affirmer avec paroles et actions un refus total de ce monde qui est basé sur la domination d’autrui (que ce soit de la nature, animale, humaine) et donc sur l’extermination, sur les dévastations ambientales, sur la guerre, le patriarcat, sur le travail salarié e sur d’autres saletés que l’on détruira.
Le refus de vivre dans un monde qui, par sa nature favorise la diffusion de semblantes épidémies, et qui a infecté tout ou presque de travail. Constriction qui, outre a faire dédier des vies entières à maintenir et enrichir le pouvoir de ceux qui commandent, tue systématiquement, chaque jour[4].
Et donc abandonner le travail pour la propagation des grèves spontanées.

Revenir au rues et places pour dépasser ce moment d’exceptionnalité qui se donne souvent dans les révoltes contemporaines, qui arrivent a des moments de haute conflictualité, mais manquent devenir permanentes.
Selon nous, celle-ci est la limite majeure et une des principales causes des échecs à long terme des révoltes et insurrections de cette dernière période.
Celle-ci et les propositions des assemblées constituées, d’abaisser les horizons révolutionnaires à ceux de la réforme et renforcement de l’actuel système.
En donnant un coup d’oeil à l’histoire contemporaine, on peut percevoir que les places ont été plusieur fois les lieux de naissance d’autres cultures, filles des siècles qui la précédaient, certainement, mais non seulement floues alternatives de celle capitaliste.
C’est pourtant cette alternative floue que l’on propose souvent aux lieux ou on vit.
Mais on peut mieux faire….

Dans un constante rediscussion du soi et du nous, de nos relations.
Une exploration faite de fantaisie, curiosité, autocritique, pour deconstruire la culture de la domination a faveur de quelque chose de nouveau.
De façon à ce que dans les lieux ouverts, qui par nature éloignent le sectarisme et l’identitarisme, chaque catégorie, chaque identité se dissoude finalement entre émeutiers et leurs feux.
Pour que l’imprévisible et l’exceptionnel deviennent notre quotidien.

Une fin que l’on vivra
Il reste a voir si cela sera le début de la fin, ou seulement un ulterieur aggravement de la crise, on ne peut pas le savoir encore. Ce qui est sûr c’est que cette pandémie laissera une cicatrice indélébile sur les vies et l’imaginaire de tous. De même sur le système.
Ce qui est sûr c’est que l’idée que cela soit ‘le meilleur des mondes possible’ ne pourra que abandonner même les plus grands défenseurs du capitalisme.
Au moins ceux de bonne foi.
Et comme ca, si les fondements idéologiques vacillent, le système économique croule et les dévastations réalisés  remettent en évidence au capital ses responsabilités, certains commencent à voire de déclin de anthropocène.
Devant cette vision des milliers d’êtres vivants se soulèvent, percevant la possibilité d’un avenir de liberté.

Devant nous l’inconnu, l’inexploré. Il est question de choisir l’abandonnement des propres certitudes pour explorer les infinites possibilitées qui nous attendent. On les explorera avec un frisson, avec l’exaltation de la découverte, de la vue du complètement nouveau.

Et on le fera avec joie

depuis les bords de l’abîme, vers un aube d’émeutes et de libération

[1] Données sur les passagers volants en 2019:  https://www.iata.org/en/iata-repository/publications/economic-reports/airline-industry-economic-performance—december-2019—report/
[2] selon un étude une guerre atomique entre OTAN et russie provoquerait en 5 heures 34 millions de morts:https://www.vanguardngr.com/2019/09/research-how-a-war-between-us-and-russia-would-kill-34-million-in-hours/
[3]L’épidémie d’Ebola qui a causé plus de 11000 morts de 2013 à 2016 en afrique centrale ne s’est pas diffusée au reste du monde seulement parce que le flux de personnes de et pour les pays à capitalisme moins avancé est très inférieur en comparaison  au flux entre pays à capitalisme avancé ou dominant. Mais tenant compte des conditions actuelles c’est très probable que d’autres épidémies se propagent futurement.
[4]Autour de 3 personnes en moyenne sont mortes en accidents professionnels par jour pendant l’année 2019 en Italie, un total de 1089 personnes . Nous n’avons pas trouvé de données de mortalité au travail mondiales,mais elles doivent être sur l’ordre des centaines, voir milliers par jour.
https://www.vegaengineering.com/dati-osservatorio/allegati/Statistiche-morti-lavoro-Osservatorio-sicurezza-lavoro-Vega-Engineering-31-12-19.pdf