Au Liban, le confinement instauré le 14 mars ravive les flammes de la révolte qui couvait depuis des mois. Dans la soirée de lundi 27 avril à Tripoli, au nord du pays, des milliers de personnes ont bravé le confinement et le couvre-feu en descendant dans les rues pour incendier de nombreuses banques et s’affronter aux milices armées de l’Etat. Au moins un véhicule militaire a été brûlé par un jet de cocktails Molotov. La répression opérée par l’armée est féroce: 40 personnes ont dû être hospitalisées, et un jeune homme de 26 ans est décédé après avoir été blessé par balle lors d’affrontements avec les militaires.
Malgré le confinement décrété dans le pays face à la pandémie de coronavirus, des hommes, des femmes et des enfants ont défilé dans les rues, aux cris de « Révolution ! Révolution ! ».
Les manifestants ont été repoussés par l’armée au moment où ils voulaient rejoindre la maison d’un parlementaire auquel ils sont hostiles. Certains ont jeté des pierres, l’armée a répliqué par des tirs en l’air pour disperser la foule dans la zone de la place al-Nour. Entre autre, un jeep de l’armée et plusieurs agences bancaires ont été incendiés par des jets de cocktails Molotov.
Le même soir, les locaux de la banque centrale à Sidon (sud) ont été visés par des pierres et des pétards, selon l’Agence nationale de l’information. C’est dans cette ville samedi soir qu’un engin explosif avait été jeté contre une banque.
Ces derniers jours, plusieurs manifestations ont eu lieu en journée, notamment avec des cortèges de voitures dans la capitale, malgré le confinement instauré le 14 mars par les autorités qui ont aussi adopté un couvre-feu nocturne.
Dans la soirée du 26 avril, plusieurs banques libanaises à Tripoli et Mina (Nord) ont été attaquées à coups de cocktails Molotov par des inconnus. Ces attaques font suite à des faits similaires à Tyr et à Saïda au Liban-Sud, au cours du week-end écoulé, alors que le Liban affronte sa pire crise économique et financière depuis 30 ans.
Pendant la nuit, un groupe de personnes s’en est pris à la façade de la banque Byblos à Mina, avant de prendre la fuite. Dans le centre-ville de Tripoli, ce sont les agences de la BLOM Bank et de la BBAC qui ont été la cible de cocktails Molotov lancés par des hommes portant des masques sanitaires.
Les Forces de sécurité intérieure se sont déployées sur les lieux, tandis que des agents de la Défense civile ont éteint un début d’incendie qui s’était déclaré devant la BBAC.
« Les politiciens détournent notre attention avec le coronavirus pour pouvoir continuer de nous voler », scandaient, le 16 avril, des manifestants, avant de se faire tabasser par les forces de l’armée.
Le Liban avait connu le 17 octobre 2019 un vaste mouvement de révolte, dont la place Al-Nour de Tripoli a été durant de longs mois le centre névralgique de la révolution du 17 octobre : certains jours des centaines de milliers de personnes descendre dans la rue à travers tout le pays, pour crier leur colère et agir en conséquence. Les banques ont régulièrement été prises pour cible, accusées par la rue de complicité avec le pouvoir politique et d’avoir contribué à l’endettement public effréné et la faillite de l’Etat. Depuis des mois, une très grave crise économique sévit au Liban, amplifiée par la pandémie de coronavirus et les mesures préventives qui en ont découlées.
Environ 45% de la population vit désormais sous le seuil de pauvreté, selon des estimations officielles. En 2020, l’économie devrait connaître une contraction massive de 12%, selon le Fonds monétaire international (FMI). Le Liban connaît aussi une dépréciation de sa monnaie nationale face au dollar, ayant entraîné une forte inflation.
Le Coronavirus est le dernier des soucis des Libanais qui crèvent de faim.. Le total de personnes ayant contracté le virus depuis le 21 février s’élève à 672. Et il y a eu 21 décès jusqu’à présent.
[Repris principalement de ‘L’Orient-Le Jour’, 28.04.2020, avec quelques ajouts à partir de Démesure]