France – Dénégations – Maria Desmers (Livre)

Dénégations
Dénégation et radicalité : une hypothèse
ou quand le Chat Botté réduit l’ogre en souris…

Chaque événement démesuré voit naître ses détracteurs et ses réducteurs. Ils considèrent (comme le Chat Botté de la fable qui mange l’ogre après l’avoir réduit en souris) que réduire la représentation de ce qu’il se passe pour le mettre à sa portée serait en mesure de donner les moyens de triompher sur ce qui terrifierait, si toutefois on le regardait dans toutes ses dimensions. Ce triomphe obtenu au nom de la peur condamne à l’impuissance et la pandémie de Covid-19 qui est en train de se répandre sur la planète ne fait pas exception à la règle. Elle aussi a ses réducteurs et ses détracteurs. Pourtant il y a bien des choses à redire, à contester, à attaquer face à ce qui se passe, ne serait-ce que l’État et le capitalisme. Mais L’Histoire pousse parfois les adeptes de la perplexité dans le grand bain, et les salariés contraints de continuer à travailler avec le virus comme les émeutiers de la faim ou les révoltés de l’enfermement n’ont pas besoin de dénier la réalité du virus ou de réduire la pandémie à une taille moins effrayante pour se révolter et lutter à la fois contre le virus et contre les modalités de sa gestion par le pouvoir.

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(via Ravage Editions)

https://anarchistsworldwide.noblogs.org/post/2020/04/29/france-denegations-maria-desmers/

Gare aux Brigades Sanitaires!

L’une des annonces du Premier ministre le 28 avril passée un peu plus inaperçue que la création de zones rouges et vertes au niveau départemental ou que la fin des attestations sur moins de 100 km, concerne le lancement d’un immense dispositif de traçage humain et de flicage sanitaire de la population : « Dans chaque département, nous constituerons des brigades chargées de remonter la liste des cas contacts, de les appeler, de les inviter à se faire tester en leur indiquant à quel endroit ils doivent se rendre, puis à vérifier que ces tests ont bien eu lieu et que leurs résultats donnent bien lieu à l’application correcte de la doctrine nationale».
En complément de la fameuse appli pour smartphones en cours d’élaboration qui prétend enregistrer l’ensemble des personnes fréquentées ou croisées plus de x minutes et à moins d’un mètre sur les 15 derniers jours, voici donc quelques infos qui commencent à sortir sur les futurs 30 000 flics en blouse blanche des Brigades sanitaires chargées de remonter la trace de toutes les personnes-contacts des cas positifs afin de les mettre en quarantaine de précaution et de les tester à leur tour.

Parallèlement au dispositif Covisan déployé en région parisienne pour mener des inspections à domicile, le pouvoir installe et forme depuis quelques jours à travers tout le territoire ses nouvelles Brigades sanitaires (dites « brigades de cas contacts »). Rien que le terme de brigades devrait provoquer un sursaut de répulsion chez n’importe quel anti-autoritaire, tout comme ce vocabulaire de préfecture déjà employé lors des expulsions de squats de migrants et réutilisé sans vergogne par le ministre pour expliquer leur futur travail : la « mise à l’abri », c’est-à-dire ici la mise en quarantaine forcée. En entendant cette novlangue, on se dit que ce n’est peut-être pas pour rien qu’un sociologue, une anthropologue ou une crapule humanitaire (ATD Quart Monde) siègent au Conseil scientifique du gouvernement pour travailler sur le volet « acceptation sociale » des mesures autoritaires qu’il prend.

Avec les 700 000 tests hebdomadaires annoncés en fanfare pour mai-juin au sein de dispositifs variés (mobiles en mode tentes/ drive-in, ou fixes), le nombre de cas positifs détectés en dehors des hôpitaux va se démultiplier –1000 à 5000/jour selon leurs projections–, déclenchant inévitablement une série d’interrogatoires et d’effets en cascade si les cas positifs se mettent à baver leurs contacts à l’État plutôt que de s’auto-organiser en conséquence.
Parmi les premiers enquêteurs (épidémiologiques, puisque c’est leur nom), beaucoup seront les labos et surtout les médecins qui ont prescrit les tests et suivi leurs résultats. Comme n’importe quels flics qui voudraient nous faire croire que seul compte l’amour du métier, les généralistes seront d’ailleurs rémunérés pour ce travail d’enquête, le montant perçu étant encore en cours de négociation avec leurs syndicats. En cas de test positif, les inspecteurs en blouse blanche des cabinets médicaux rentreront donc non seulement les coordonnées de la personne dans un logiciel nommé « contact Covid», qui remonte à l’Assurance Maladie (CPAM), mais également toutes les infos qu’ils auront réussi à gratter sur les contacts de leur patient, directement ou grâce à son entourage (nom, prénom, adresse, liens et surtout téléphone). C’est à partir de là, dans les 24 heures, que vont véritablement entrer en scène les enquêteurs de choc de la Brigade Sanitaire, gris et obtus comme tous les bureaucrates qui suivent des consignes données par un écran, de ceux qu’on connaît déjà trop bien à la CAF ou la Sécu. Ils sont organisés au sein des plateformes départementales de l’assurance-maladie sous forme de cellules dédiées au « contact tracing » : 8000 enquêteurs, dont 60-90 en Haute-Garonne ou 51 dans le Calvados (en temps plein) selon les premiers chiffres sortis. Leur tâche sera bien sûr d’appeler les premières personnes contacts signalées au médecin –ou plutôt balancées, si c’est sans leur consentement– pour recouper l’info, mais surtout de rappeler le cas positif afin de mener une seconde enquête plus poussée et identifier l’ensemble de ses contacts de la manière la plus exhaustive possible (ce qu’on appelle prosaïquement un interrogatoire poussé à base de culpabilisation et de menaces). « Les appels devraient durer une vingtaine de minutes selon des premières estimations et l’hypothèse est que chaque malade peut contaminer 20 à 25 personnes » précise un ponte, « trois critères devant être retenus : la durée de l’échange entre le patient positif et ses contacts ; la distance au moment de l’échange ; et le port ou non d’un masque par les personnes ».
En cas d’absence de coordonnées précises pour retrouver un contact, chaque cellule de « contact tracing » aura tout loisir d’interroger les bases internes de données de la Sécu pour retrouver l’individu qu’elle souhaite. En Italie, un décret gouvernemental a même complété ce point en offrant la possibilité aux enquêteurs de la Sécu de rechercher le numéro de téléphone d’un « cas-contact » grâce aux flics, lorsqu’ils ne l’avaient pas ou ne le trouvaient pas.

A partir de cette petite investigation basée sur les bavardages intempestifs de la personne concernée ou de son entourage proche (et plus tard également de l’appli délatrice), l’enquêteur de la Brigade Sanitaire déterminera quelles personnes-contacts présentent au final un risque potentiel d’infection selon sa grille statistique, et pourra enfin aboutir au troisième objectif de tout ce fouinage : « tester, tracer… isoler », selon la déclaration ministérielle du 28 avril. L’ensemble des présumés touchés par le virus vont donc recevoir l’injonction (par téléphone ou par une visite à domicile) de se faire tester en cessant immédiatement toute activité, puis d’effectuer une quarantaine de 14 jours si le test est positif, et de 3 jours s’il est négatif (par précaution) avec un second test ensuite. Quant à l’aspect répressif de contrôler si ces « cas-contacts » se font bien tester comme on le leur ordonne ou s’ils respectent bien leur quarantaine (surveillance téléphonique à distance, prise de température à domicile, bracelet électronique,…), tout cela sera bien sûr annoncé dans un deuxième temps, mais nul doute que tout réfractaire sera au minimum signalé par les Brigades Sanitaires aux autorités compétentes, à savoir l’Agence régionale de santé (ARS) qui travaille en étroite collaboration avec les préfectures et les forces de l’ordre.
L’avant-projet de loi qui sera présenté samedi 2 mai en Conseil des ministres prolongeant de deux mois supplémentaires l’état d’urgence sanitaire, a ainsi prévu un volet « quarantaine forcée et placement à l’isolement » lors « de l’arrivée sur le territoire national » ou lorsqu’un cas positif, en refusant de manière «réitérée» les prescriptions médicales d’isolement, crée «un risque grave de contaminer d’autres personnes». Le préfet pourra alors, sur proposition du directeur général de l’ARS, prononcer pour une durée de 14 jours la mise en quarantaine et le placement à l’isolement «par décision individuelle motivée». Et c’est là qu’on rejoint la déjà terrible normalité du pouvoir préfectoral d’avant le covid-19, avec par exemple la rétention administrative pour les étrangers sans-papiers ou l’internement d’office en HP (Soins psychiatriques sur décision du représentant de l’État, SDRE).

Qui ? Les enquêteurs de l’Assurance maladie pourront être des médecins, des pompiers ou des infirmières… mais également des téléconseillers, des administratifs ou des commerciaux ! Pour recruter en masse au-delà des seules professions médicales – un personnel estimé à 30 000 personnes selon le Président du Conseil scientifique , une mesure dérogatoire est déjà prévue dans la loi prolongeant l’état d’urgence sanitaire de deux mois, donnant accès aux données médicales individuelles à un tas de fouineurs supplémentaires. Ce petit fichier temporaire (art. 6) qui peut « notamment comporter des données de santé et d’identification » devrait avoir pour finalité « la détermination des personnes infectées ou susceptibles de l’être, la collecte des informations nécessaires pour déterminer les personnes ayant été en contact avec ces dernières, l’organisation des examens de biologie médicale de dépistage», ainsi que « les prescriptions médicales d’isolement prophylactique des personnes».
Ailleurs, la Belgique se propose par exemple de recruter quelque 2 000 enquêteurs issus de la société civile, la Californie planifie une brigade de 20 000 « traceurs », et l’Allemagne qui vise 20 000 personnes songe à faire appel à l’armée en cas de besoin.

En plus. En cas de clusters (groupement de malades dans un même endroit géographique), ce sont directement les inspecteurs-en-chef de l’Agence régionale de santé qui s’occuperont avec moins de pincettes du traçage concentré de tous les cas contacts, à la place des sous-fifres départementaux. Enfin, un dispositif spécial pauvres/galériens/chômeurs et autres plus éloignés ou plus réticents avec les dispositifs médicaux a été pensé pour les Brigades Sanitaires. L’État va ainsi recruter et former une partie de ses enquêteurs au sein des CCAS des mairies et des départements, mais également dans « le milieu associatif » comme la Croix Rouge.

[Synthèse établie à partir de la presse quotidienne d’aujourd’hui]

Gare aux Brigades Sanitaires !

Les transports publics plus que jamais auxiliaires zélés de police

L’absence du port du masque dans les gares ou les taxis sera verbalisée
Capital, 1er mai 2020

Le gouvernement ne va pas desserrer la vis à compter du 11 mai, bien au contraire. Interrogé dans Le Parisien, Jean-Baptiste Djebbari, le secrétaire d’Etat aux Transports, a annoncé que l’obligation du port du masque devrait être étendue dans les avions. “Comme pour les transports terrestres, nous allons demander le port du masque obligatoire dans les avions”, pour les vols domestiques pour l’instant, a-t-il fait savoir. Comme c’est le cas actuellement si vous ne respectez pas les mesures de confinement vous risquerez une amende en cas de non port du masque dans plusieurs situation.

Nous allons aussi donner aux services spécialisés de la SNCF et de la RATP, que sont la Suge et le GPSR, la capacité légale de procéder à des contrôles. Et le cas échéant de mettre des amendes. Les personnes qui voudront prendre un VTC, un taxi ou pénétrer dans une gare sans masque pourront se voir refuser l’accès. Si elles entrent malgré tout, elles recevront une amende”, a-t-il déclaré, précisant que cette amende pourrait s’élever à 135 euro. “Nous devrions être sur quelque chose de similaire à celle infligée en cas d’absence d’attestation de sortie. C’est-à-dire 135 euros. Mais ce n’est pas encore arbitré”.

Il a assuré que le gouvernement ferait preuve de “pédagogie” et ferait en sorte que tous les usagers puissent avoir un masque d’ici le 11 mai et la sortie annoncée du confinement. Jean-Baptiste Djebbari a aussi évoqué la réservation obligatoire dans tous les trains, qui pourrait être mise en place quand cela est possible sur les Intercités, mais pas tous les TER. L’application des gestes barrière et la distanciation sociale seront toujours vivement encouragées pour l’ensemble des voyageurs utilisant les transports en commun en France.


Extrait de l’interview du ministre au Parisien (1er mai 2020) :

  • Lors de son discours sur le déconfinement, mardi, le Premier ministre Edouard Philippe n’a pas parlé du transport aérien. Pourquoi ?
    Pour que le transport aérien reparte correctement, il faut que les mesures prises dans chaque Etat ne soient pas dissymétriques et que le calendrier soit coordonné. Typiquement, si la France est la seule à mettre en place certaines règles de distanciation sociale dans les avions et pas telles autres, je vous garantis que les compagnies françaises, après avoir reçu des milliards d’euros d’aides publiques, seront les premières à disparaître. Il faut donc se baser sur une coordination internationale.
  • Pourquoi la règle de distanciation sociale serait-elle différente dans un train et dans un avion ?
    Vous n’avez pas la même circulation d’air dans un avion et dans un métro. Dans un avion, l’air est renouvelé toutes les trois minutes, avec des filtres comme ceux utilisés dans les blocs opératoires. L’avion est un environnement sanitaire contrôlé qui protège les voyageurs.
  • A quand des mesures concrètes dans l’aérien pour éviter la propagation du Covid-19 et rassurer les passagers ?
    Assez rapidement. Il y a eu un premier conseil des ministres des Transports européens mercredi. Il y en aura un deuxième début juin. Nous avons quelques sujets de discussions, comme la prise de température des voyageurs dans les aéroports. La France y est favorable. ADP s’est d’ailleurs pourvu de caméra thermique. Mais ce n’est pas la position de l’Organisation mondiale de la Santé. Nous estimons pourtant que cela peut être une manière de restaurer la confiance en l’avion. En revanche, nous ne sommes pas favorables au passeport sanitaire.
  • Cela ne vous semble-t-il pas illusoire d’imposer la distanciation physique dans les transports RATP et SNCF ?
    Il est évident que c’est davantage un défi pour des réseaux de transports comme celui de l’Ile-de-France ou d’une ville comme Lille (Nord). A contrario, il y a des régions qui nous ont affirmé que condamner un siège sur deux dans certains types de transports était complètement possible. Notre doctrine sanitaire, c’est la distanciation sociale. On l’applique strictement. Notamment en maximisant l’offre, en contraignant la demande par le télétravail ou encore en lissant les heures de pointe.
  • Comment faire respecter le port du masque ?
    Notamment grâce aux forces de l’ordre. Nous allons aussi donner aux services spécialisés de la SNCF et de la RATP, que sont la Suge et le GPSR, la capacité légale de procéder à des contrôles. Et le cas échéant de mettre des amendes. Les personnes qui voudront prendre un VTC, un taxi ou pénétrer dans une gare sans masque pourront se voir refuser l’accès. Si elles entrent malgré tout, elles recevront une amende.
  • De quel montant ?
    Nous devrions être sur quelque chose de similaire à celle infligée en cas d’absence d’attestation de sortie. C’est-à-dire 135 euros. Mais ce n’est pas encore arbitré.
  • C’est une somme élevée…
    Oui. Mais avant de sanctionner, il y aura de la pédagogie. Nous allons accompagner les usagers dans la pratique du port du masque obligatoire dans les transports. Nous ferons en sorte que tout le monde en ait un pour le 11 mai.
  • Le Premier ministre a exigé une réservation obligatoire dans tous les trains. Comment fait-on pour les TER et les Transiliens ?
    Encore une fois, il faut être pragmatique. Nous voulons mettre en place ce système quand c’est techniquement possible. Sur les Intercités, c’est possible. Sur certains TER, ce sera plus compliqué. Mais réservation ou pas, l’essentiel reste que les règles de distanciation physique puissent être prises en compte.

https://demesure.noblogs.org/archives/2175

1er mai : pour des cortèges sans cortèges

Pourquoi faut-il quand même manifester le 1er mai ? Après un rapide historique de l’évolution des manifestations depuis 2016 on se rend compte que la distanciation sociale peut très bien aller dans le sens d’une dissolution des cortèges purement syndicaux et un développement de cortèges sauvages.

Le printemps s’installe et le 1er mai approche, on est en droit de se demander comment allons-nous faire pour manifester ?
Impossible d’imaginer que la fête internationale des travailleurs n’ait pas lieu en temps de Covid-19, alors même que ce sont les travailleurs qui font tourner le pays et que la menace de payer la facture se fait de plus en plus sentir.
Cette manifestation symbolique est déjà un rendez-vous annuel pour beaucoup d’entre nous et c’est une cérémonie que nous aimons partager.
Le 1er mai est un bon test de dépistage pour savoir si nous avons le virus de la peur, un curseur pour savoir où on en est de la conflictualité dans la rue, un thermomètre pour prendre la température de la fièvre insurrectionnelle et de l’état de nos anticorps face à la répression.
Cette année, l’enjeu est de taille : pas sûr que notre grand-père le mouvement ouvrier, ce vieil asthmatique, ne survive au coronavirus.
À l’heure où certains proposent de numériser les manifestations du renoncement je pense qu’il faut plus que jamais penser notre rapport aux manifestations, et pour cela faisons un rapide détour d’histoire immédiate :
Nous sommes au 1er mai 2016, face à l’immobilisme des cortèges « purement syndicaux » et à leur instrumentalisation par le pouvoir, des éléments « perturbateurs », ceux à qui est habituellement réservée la queue de cortège prennent les devants : c’est l’apparition spectaculaire du cortège de tête (dont on peut situer la naissance vers mi-mars 2016), qui, en assumant dans la rue le rapport de force, s’attaque au paradigme de la manifestation. Le corps principal de la manifestation quant à lui, est (enfin !) confronté à la police, parfois il riposte à ces attaques et ainsi le cortège de tête parvient à mettre en lumière les véritables enjeux de la lutte dans la rue, là où le pacifisme du corps « purement syndical » permettait de l’oublier. Contrairement à ce qu’on pouvait penser alors, cette stratégie – visant à montrer la violence là où elle se cachait – n’était pas seulement symbolique et eu aussi de véritables effets dont nous essayons de retrouver le fil aujourd’hui.
Ces premiers affrontements – que d’autres décriaient (et certains continuent de le faire) comme irresponsables, prématurés, « violents », sauvages, incompréhensibles, etc. – non pas qu’un effet révélateur (découvrant l’état conflictuel entre le pouvoir, ses représentants et nous), ils produisent aussi un éclatement historique de l’anatomie des manifestations. La tête ne correspondant plus au corps, crée des lignes de fuite, des parcours de désertions depuis les couches pacifiques et les strates réformistes jusqu’à la tête. Le sang remonte au cerveau et la manifestation comme processus symbolique de protestation est abandonnée par ces nouveaux autonomes fuyant les cortèges bien rangés et « purement syndicaux ». Ailleurs, la tête elle-même, sous la force de la riposte policière s’éclate en bandes, en manifestations sauvages, satellites détachés/rattachés au corps de la manifestation qui devient une hydre à mille têtes (l’hydre se déplaçant dans le sens de la manifestation déposée en préfecture et les têtes de façon anarchique).
Puis, tout au long des années 2016-2017, en passant par le 1er mai 2017 et son spectaculaire cocktail Molotov, les bouffons de la préfecture et leurs stratèges en carton s’acharnent à comprendre la situation (et à investir dans la répression médiatico-juridique) jusqu’à finalement connaître le système.
Ce débordement original de la manifestation symbolico-pacifique prend fin le 1er mai 2018 avec l’échec d’Austerlitz (clin d’œil à l’Histoire des vainqueurs), où les flics via un grossier piège au McDonald-laissé-sans-surveillance parviennent à briser l’élan d’un bon gros cortège de tête. Cachés dans la gare et derrière le jardin des plantes, ils réussissent à attirer et à condenser le cortège de tête (énormissime : on parle d’un bloc de milliers de personnes) sur le pont d’Austerlitz avant son éclatement en multiples têtes. De là, il ne leur restait plus qu’à couper la tête du corps : en détournant, avec la complicité des directions syndicales bien sûr, le cortège principal vers un autre chemin, puis à réduire la tête, prise en sandwich, par des attaques successives.
Bien que la défaite soit cuisante et sente le gaz, les Gilets jaunes arrivent fin 2018, et ils prennent acte de ces limites du black bloc de tête dès les débuts de leurs manifestations : dispersion, illégalité, multiplicité, rapidité… En fait, ils se comportent massivement (c’est la première différence) et radicalement (c’est la deuxième) comme les mille têtes de l’hydre (2016-2018). Par ailleurs, dès leur formation, le recrutement et la captation des désertions militantes ne se font pas seulement dans la manifestation, même plutôt ailleurs : sur les ronds-points par exemple. Les Gilets jaunes s’arrangent pour manifester en ne dépendant d’aucun corps et de ne jamais avoir besoin d’une centralité (ni en France par rapport à la manifestation parisienne ni dans la manifestation parisienne elle-même), cette stratégie se développe au moins jusqu’à son apogée en décembre 2018 – janvier 2019.
Puis tout au long de l’année 2019, les flics tentent de s’adapter (par la violence extrême, par des réorganisations internes : décentralisation des décisions, création des brigades volantes…) jusqu’à maitriser les actes GJ à l’été 2019. Le 1er mai 2019, la situation est encore ambivalente, les cortèges syndicaux sont désorganisés, traversés et emportés par des vagues enthousiastes de Gilets jaunes qui s’étaient invités à la fête, mais si les cortèges sont désagrégés et volatiles, les flics sont partout et frappent à tort et à travers. Puis, par la force, les manifestations GJ prennent la voie des manifestations symbolico-pacifiques, et sont petit à petit désertées, cette longue agonie et le perfectionnement des FDO dure au moins jusqu’à récemment (fin 2019-début 2020).
Avec la lutte contre la réforme des retraites, on voit un retour de la manifestation de masse, étant donné l’importance du nombre de personnes, l’illusion de la seule force du nombre refait surface, la manifestation symbolico-pacifique semble renaître. Dans ces manifestations on trouve les GJ et les autonomes du cortège de tête, les multiples désertions militantes des dernières années, des forces usées et réduites par la répression inédite. On se rend compte que le cortège de tête, sous une forme plus démocratique, plus institutionnalisée et ritualisée est devenu le corps. La manifestation est sans tête, paradoxalement parce que la tête est devenue corps, et le carré « purement syndical », la queue. Retour donc, d’une manifestation symbolico-pacifique mutilée et impuissante. Ce phénomène fut porté à un tel degré d’absurdité, que lors de certaines manifestations du début d’année, on ne savait plus dans quel sens allait la manif, un immense cortège de tête s’étalait sur tout le parcours de la manif. De leur côté les flics s’étaient perfectionnés et ils construisirent dans les rues un réseau de « tout à l’égout » en forme d’entonnoir dans lequel la masse partait d’un bord large (d’où on ne voyait pas les FDO) jusqu’à un goulot d’étranglement, la nasse géante. Toujours la même histoire de l’extension des technicités de contre-insurrection des marges au centre ; des colonies à la métropole ; des banlieues aux centres-villes. Cette technique de nasse, d’enfermement de la manifestation, d’abord réservée à un cortège de tête minoritaire en 2016 est appliquée à tout le corps devenu tête en 2020. À certains moments, la tête-corps, sans jamais éclater en mille têtes, se condensait et s’arrêtait, refusant d’aller plus loin dans l’entonnoir policier et la queue « purement syndicale » ne partait jamais de son point de départ. Dans ce cas, des résidus de tête ou de queues sortaient du dispositif policier, le débordait, mais sans s’agréger, et ses membres détachés flottaient en dehors. S’ensuivait l’humiliation pour ceux qui allaient au bout, de la sortie de la nasse sous pression des FDO et sans aucune chance de sortie honorable. Autrement, lorsque des microtêtes égermaient, la technique de l’écrasement et/ou de la nasse mobile perfectionnée en temps de Gilet jaune en venait vite à bout. Le meilleur exemple de cette pratique reste les dernières manifestations peu nombreuses des GJ (actes « tous à Paris » début 2020) où les FDO ont carrément pris eux-mêmes la tête du cortège et collé la queue, formant une nasse mobile géante. Puis cette stratégie de décapitation a été essayée sur le cortège des dizaines de milliers de manifestants contre la réforme des retraites et a réussi !
Depuis le début de l’année 2020, en réaction à cette ignoble prise d’otage de la manifestation, il y eut : soit les manifestations sauvages sur le mode GJ (sans rattachement à un corps) à Pompidou, aux halles (…) soit les déambulations festives du comité de grève de la place des fêtes (microtêtes dont le corps est plus stable encore que la manifestation syndicale, et en fait complètement différent, car c’est depuis un territoire, le quartier qu’elles se lancent…) Ces déambulations festives et offensives partaient du quartier de Belleville, défilaient dans le quartier puis rejoignaient le cortège principal en cours de parcours. Elles permettaient des lignes de désertions militantes (de la manifestation purement syndicale symbolico-pacifique) plus vastes et plus longues dans le temps encore que le cortège de tête. Puis, en rejoignant d’autres déambulations de quartier (comme celle de Montreuil), elles gagnaient en puissance et atteignaient parfois plusieurs centaines de personnes jusqu’à peut-être un millier. Malheureusement, au lieu de se développer en une nouvelle hydre aux mille têtes, ces déambulations de quartiers, prenant de la force au fur et à mesure qu’elles grandissaient et prenaient conscience d’elles-mêmes se laissaient couler comme des ruisseaux dans le grand lac de la manifestation déclarée. Le « cortège sans queue ni tête 1 » fut une tentative pour détourner, sans jamais prendre la tête, ces déambulations festives et offensives (mine de rien) de l’attrait irrésistible qu’avait sur elles la nasse géante et massive. À plusieurs reprises, ce cortège sans queue ni tête, continuation des déambulations festives, débordait le dispositif policier, s’enfonçait dans le Marais, coupait la manifestation, parvenait jusqu’aux halles…
Peut-être est ce là qu’une reformulation de ce que nous savons déjà, et cette réflexion n’étant pas exhaustive perd de son efficacité, il faudrait aussi parler des blocages GJ, des manifs pour le climat, des nuits en non-mixité, etc. Néanmoins, suivre ce fil d’histoire immédiate nous permet une chose : Ce processus au long des années 2016-2020 peut-être considéré comme une tentative de dissolution de la manifestation symbolico-pacifique vers d’autres formes de contestation, plus riches, plus variées et surtout éloignées de la forme protestataire, massive et compacte. Les différents échecs et les différentes victoires dans la rue nous montrent ce processus à l’œuvre : plus les formations et les dispersions des cortèges sont multiples, rapides, intraçables, autonomes, moins la centralisation et la capture, la stabilisation et la répression sont possibles. La dissolution de la manifestation de type symbolico-pacifique si elle conduit à la constitution de manifestations autonomes et sauvages est une bonne nouvelle pour la lutte en générale.
Or, qui ne rêvait pas, en voyant l’effet d’aimant exercé par la manifestation déclarée en 2020, de voir ressurgir sous une forme radicalisée le tourbillon nomade des GJ ou l’éclatement sauvage de 2016, qui ne rêvait pas qu’on se mette tous et toutes à faire des manifestions par groupe de 3 ou 4, que des petits groupes de 10 personnes se mettent à construire des barricades dans la rue où ils habitent ?
Et bien, peut-être que les mesures de distanciations sociales, les gestes barrières inévitables tant que dure le confinement, s’ils empêchent de fait les manifestations massives, et par là ce qu’elles ont de rassurant et d’effectif : sentir la force du nombre, la chaleur de la foule… ces mesures hygiénistes contestables, désagréables, obligent à un autre type de manifestation. N’est-ce pas là l’occasion historique de manifestations offensives (à tout niveau et pratique, en allant du bruit à la casse) multiples, décentralisées, mobiles, jamais figées, le moins souvent réprimées… ? Nous qui sommes de plus en plus adeptes de la micropolitique, cette résistance au biopouvoir, ne pourrions-nous pas faire des micromanifs une stratégie ? En rappelant que le slogan hongkongais « be water », soyez de l’eau ne voulait pas dire soyez fleuve, mais plutôt soyez goutte, j’espère pour le 1er mai 2020, une pluie de micromanifs pour éviter la sécheresse des luttes à venir.
Ce qui est déjà possible de faire, partout en France, dans n’importe quel village, dans n’importe quelle ville, peut importe le nombre de participant·e·s prévus, c’est bien de manifester le 1er mai en respectant les distances de sécurité et en étant masqué·e·s !

Des fissures apparaissent dans le confinement mondial et des manifestations s’organisent malgré les mesures de distanciations peut-être nécessaires, mais imposées par la force :

Le 4 avril à Montreuil, manifestation du collectif « des Baras » pour exiger « Papiers et Logements ».

Le 11 avril, à Bruxelles, une émeute éclate suite à la mort d’un jeune de 19 ans percuté par une voiture de police.

Le 11 avril à Rome, enterrement d’un ancien révolutionnaire des Brigades rouges suivi par une cinquantaine de personnes.

La nuit du 19 au 20 avril, révoltes dans plusieurs quartiers populaires français après la blessure grave d’un homme à Villeneuve-la-Garenne après une violente tentative d’interpellation policière.

Le 20 avril, deuxième rassemblement en solidarité avec les victimes des violences policières à Montreuil.

Au Liban : des manifestations ont eu lieu dans de nombreuses villes contre le gouvernement, la baisse du pouvoir d’achat et la corruption des élites : blocages de routes, barricades, affrontements, banques détruites

En Tunisie : résistance collective face aux confineurs et aux arrestations à Sahline. Affrontement avec les flics qui dispersaient des marchands ambulants, des pneus enflammés sur la route. Plusieurs arrestations.

Au Chili : le confinement n’arrête pas la vague de révolte qui dure depuis des mois. Des manifestations enflammées ont eu lieu à Santiago et dans plusieurs villes.

En Colombie, dans la ville de Medellín, manifestation pour obtenir plus de nourritures et tentative d’autoréduction d’un supermarché.

En permanence et partout dans le monde, des manifestations non déclarées d’animaux sauvages.

Pour un 1er mai offensif et vivant.
Vive les cortèges sans queue ni tête !
Vive les cortèges sans cortèges !

Signé X

https://paris-luttes.info/1er-mai-pour-des-corteges-sans-13901?lang=fr

Bretagne – Lamas fâchés, pandores immobilisés

Coronavirus : de plus en plus de Bretons crachent sur la police lors des contrôles
France Bleu, 20 avril 2020

Depuis le début de la crise sanitaire en France, les policiers constatent l’arrivée d’une nouvelle « mode » qui consiste à cracher sur les forces de l’ordre lors des contrôles. Une façon de procéder qui n’épargne pas les policiers bretons.

Depuis le 15 mars, de Rennes à Saint-Brieuc en passant par Vannes ou encore Quimper, les policiers de la région Bretagne constatent une augmentation des crachats lors des contrôles ou des interpellations.

Dans la soirée du jeudi 16 au vendredi 17 avril, une brigade de la police de Saint-Malo est appelée pour tapage nocturne. Sur place, l’homme violent refuse obtempérer. Le contrôle se durcit et les agents décident de conduire le Breton en garde à vue. C’est alors que le malouin crache au visage d’un des policiers, tout en menaçant de lui transmettre le Covid-19. « C’est un moyen d’intenter à l’intégrité des agents en essayant de leur transmettre le virus ou alors de leurs faire peur », raconte un gradé de la brigade malouine.

Rennes, Vannes, Quimper, Saint-Brieuc ou encore Lorient comptent déjà plusieurs cas similaires. Une situation qui commence à inquiéter les syndicats de police. « Lorsque certaines personnes vous crachent dessus en disant qu’elles ont le virus, impossible de savoir si c’est la vérité sur le moment. Mais si c’est vrai ça veut dire qu’on rentre le soir dans notre famille avec la possibilité d’avoir attrapé la maladie. Cela oblige l’agent à se confiner dans le confinement, » regrette Frédéric Gallet, secrétaire départemental Alliance Police Nationale en Ille-et-Vilaine.

Pour limiter les risques de transmission du Covid-19, il existe une procédure. Elle est similaire à celle pour limiter les risques de transmission du VIH, lors des interpellations violentes (avec échanges de coups), bien que le VIH ne soit pas transmissible par simple échange de salive. Les policiers qui se font cracher dessus, doivent systématiquement conduire la personne interpellée effectuer un test. A Saint-Brieuc par exemple, depuis le début du confinement, trois personnes ont été testées après avoir agressé des forces de l’ordre.

Le dernier cas suspect date du jeudi 16 avril, lors d’un contrôle dans un centre commercial. « L’homme a volontairement postillonné sur l’équipage « , raconte un membre du commissariat. Dans ce genre de situation, la règle est simple. Avant de rentrer chez eux, les policiers conduisent la personne interpellée pour qu’elle effectue un test. La voiture utilisée pour l’interpellation est à l’arrêt pour 24h, et les policiers doivent rester chez eux le temps des résultats. « C’est une vrai source de stress pour les forces de l’ordre », raconte un policier briochin. Heureusement, dans ce cas précis, le test s’est révélé négatif après deux jours d’attente. L’homme est convoqué le 14 octobre au tribunal.

A Rennes, la procédure est différente. En cas de doute lors d’un contrôle, les policiers effectuent une petite enquête d’environnement, avant d’emmener l’interpellé chez un médecin. « Si celui-ci présente des symptômes de Covid-19, les fonctionnaires ne sont pas mis à l’écart, mais ils ont pour consignent de contrôler leur température. Et si au bout de quelques jours ils présentent des symptômes, ils doivent téléphoner a un médecin », précise François Angelini, le chef des policiers d’Ille-et-Vilaine. Cracher sur un police reste une circonstance aggravante lors d’une comparution devant le tribunal.

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Belgique – Le pouvoir verrouille l’accès à la carte des antennes

L’IBPT restreint l’accès à sa carte des antennes GSM pour éviter le vandalisme
Belga, 21 avril 2020

Le régulateur fédéral des télécommunications (IBPT) a décidé de flouter la carte des antennes GSM dans le pays, après qu’un mât de téléphonie mobile a été vandalisé en Flandre le week-end dernier. « Les dommages portés aux équipements mobiles sont particulièrement irresponsables durant cette période de confinement que nous connaissons« , souligne l’institut mardi dans un communiqué.

Jusqu’à récemment, le site internet de l’IBPT mettait à la disposition du public une carte indiquant l’emplacement des 7779 sites équipés d’antennes GSM à travers le pays. Les communes, les opérateurs et autres professionnels y ont en effet recours régulièrement. Cette carte est désormais protégée par un mot de passe pour tenter de freiner les mauvaises intentions.

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Une idée formidable

Un fait divers local. On ne sait pas quand, on ne sait pas qui, on ne sait pas pourquoi, mais on sait où. Et cela suffit pour ouvrir le cœur, même si ce qui s’est passé ne semble pas avoir eu beaucoup de succès. Mais, on le sait bien, pour certaines choses, c’est l’idée qui compte.

Une idée comme celle que quelqu’un a laissée sur le mur d’enceinte d’une entreprise à la périphérie de Lecce le week-end dernier. Ce n’était pas une affiche, ce n’était pas un tag, non, c’était une marmite remplie d’essence à laquelle étaient attachées plusieurs cartouches de gaz, le tout assorti d’un retardateur rudimentaire peut-être défectueux. Il y a eu une grande flamme, mais pas d’explosion. Les organes locaux d’information nous en donnent la nouvelle, mais ils ne peuvent préciser quand cela s’est produit. Bah, entre vendredi 24 avril au soir et lundi 27 avril au matin ? Ils ne disent pas non plus qui peut l’avoir accompli, et pour quelle raison. Bah, un acte d’intimidation ou de rétorsion de la part de quelque truand ou d’un déséquilibré ? Par contre, ils ont été très précis sur l’endroit : via del Platano 7, dans le quartier de Castromediano, au siège de l’entreprise Parsec 3.26.

Mais de quoi s’occupe la Parsec 3.26 ? Il s’agit d’une entreprise informatique spécialisée dans les technologies numériques pour l’administration publique. Par exemple, elle a créé le logiciel utilisé par la police et par les banques pour la reconnaissance faciale des visages filmés par les caméras de vidéosurveillance. Ah, rien que ça ? Aurait-elle donc été prise pour cible uniquement parce que sa passion est l’ « E-government », comme on l’apprend en parcourant son site à l’insupportable langage techno-anglo-crétinisant ? Ou, toujours en lisant son site, uniquement parce qu’ « elle a lancé un département nommé Reco 3.26, actif dans la production de software dans le domaine de la Smart Recognition… Dans la recherche de systèmes biométriques en faisant appel à une team inter-disciplinaire composée d’ingénieurs et de chercheurs… Les principaux secteurs qui vont être impactés par cette technologie sont actuellement les transports, la finance, la sécurité (publique et privée). La croissance est surtout poussée par les initiatives des gouvernements en matière de sécurité. Les entreprises appartenant à des secteurs comme celui du retail et des banques sont en train d’adopter des systèmes à reconnaissance faciale pour l’identification des clients et la surveillance de leur comportement. Les solutions proposées par Parsec 3.26 représentent aujourd’hui un état de l’art des technologies de reconnaissance en Italie pour la sécurité publique. En effet, la société s’est distinguée pour avoir réalisé une solution de reconnaissance biométrique aujourd’hui utilisée par le Ministère de l’Intérieur – Direction Centrale Anti-Criminelle – dans le cadre du système SARI » ?

Serait-il donc possible que quelqu’un soit hostile à cette entreprise « distinguée » simplement parce qu’elle aide l’État à remplir les prisons et les banques à protéger leur coffres-forts ? Mais qui l’aurait cru !

En ces temps de confinement, de checks-points, d’attestations de sortie, de traçage, de surveillance avec des drones et autres joyeusetés… – de quoi faire honte aux petits joueurs des régimes totalitaires du passé –, le fait que quelqu’un ait pu avoir une telle idée juste avant, pendant ou un peu après l’anniversaire de la Libération du nazifascisme, nous laisse sous le charme. Cela n’aura été qu’une simple flambée, mais quelle lumière splendide au milieu des ténèbres de la servitude volontaire d’aujourd’hui.

Une lumière de vengeance, une lumière de dignité, une lumière de liberté.

[traduit de l’italien de finimondo, 28/4/20]

https://demesure.noblogs.org/archives/1995

La promesse du Feu

La petite ville de 9000 habitants de Vauclin, située dans les Antilles sur la côte atlantique de la Martinique, présente depuis un mois quelques particularités qu’il serait bien dommage d’ignorer. Par exemple, quand on tire son propre nom de celui d’un colon – le comte de Vauquelin qui a débarqué à partir de 1720 pour faire fortune sur des plantations de canne à sucre et de tabac exploitées avec le sang et la sueur des esclaves–, de garder en mémoire ce que Progrès veut dire.

Avec la pandémie de covid-19, les colonies françaises subissent un traitement spécial, puisqu’elles sont quasi toutes placées sous couvre-feu permanent, et que les troupes militaires de l’opération Résilience ont vite été dépêchées sur place, pour empêcher là comme ailleurs d’éventuels pillages et protéger les infrastructures critiques. La Martinique n’y a pas échappé, avec l’obligation de rester chez soi entre 20h et 5h depuis le 1er avril, et l’arrivée le 19 avril du porte-hélicoptères amphibie Dixmude en provenance de Toulon, notamment chargé d’un hélicoptère de la gendarmerie et de deux autres Puma de l’armée de Terre. De la même façon que les flics et les pandores sont d’importants vecteurs de contamination du covid-19 parmi la population, notamment celle des réfractaires au confinement, les militaires ne sont pas en reste, comme le montrent les plus de mille marins à bord du porte-avion Charles de Gaulle testés positifs. Les assassins en uniforme du Dixmude qui avaient goûté aux charmes du Yémen lors de l’opération anti-piraterie dans l’Océan indien ou à ceux maliens lors de l’intervention française Serval, ne pourront donc certainement qu’admirer de loin le sommet du Mont Vauclin, culminant à un peu plus de 500 mètres.

Tant pis pour eux, car un peu plus en aval, à Morne Carrière, ils auraient pu apercevoir quatre pylônes de 55 mètres de hauteur d’une blancheur étincelante, qui font la fierté des autorités locales depuis 2004, puisqu’il s’agissait du premier « parc éolien » implanté en Martinique (depuis 2019, un second se trouve à Grand-Rivière). Des monstres d’acier propriété du groupe pétrochimique Total (Quadran), concentrant terres rares et métaux arrachés des profondeurs terrestres avec le sang des esclaves modernes, mais qui peuvent également offrir un spectacle remarquable lorsqu’ils s’en donnent la peine, comme cela s’est produit lundi 20 avril.

Après s’être tranquillement consumée en douceur et sans bruit en plein confinement, la turbine d’une de ces quatre éoliennes qui était couchée au sol depuis plusieurs semaines (ou pas selon les sources) a ainsi fini par exploser après manger. Eh ben, n’aurait-elle pas supporté la vue des militaires en rade au point de renoncer à leur fournir de l’énergie ? Ça se comprendrait. S’agirait-il plutôt d’un de ces petits miracles d’auto-combustion aussi spontanée qu’inexplicable qui viendrait se rajouter à la liste de suicides assistés d’aérogénérateurs industriels comme il s’en produit régulièrement en métropole ? Peut-être. S’agirait-il même d’un phénomène de lucidité inédite entre nuisances technologiques, puisque qu’un incendie s’était déjà déclenché le 19 mars dernier dans cette petite commune du Vauclin, cette fois contre un local technique d’Orange, privant 2000 personnes et entreprises d’internet et de téléphone ? Et pourquoi pas.

Alors que les journaflics du coin s’intéressent aux lois de la gravité bien que la saison des cyclones n’ait pas encore débuté (« Chute d’une éolienne et incendie») ou s’alarment surtout des herbes folles (« Une éolienne en feu provoque un feu de broussailles»), il faudrait être un peu rêveur pour noter que les flammes ayant par deux fois touché des piliers de ce monde à un mois d’intervalle, ont dansé près de ces mêmes pentes où s’étaient réfugiés les derniers indiens Caraïbes qui avaient échappé à l’extermination des colons français bénis par les prêtres.

Qu’on se rassure, nul mysticisme ici, juste un petit fil ténu. Selon la légende, leurs derniers combattants de l’autre côté de l’île se seraient suicidés plutôt que de se rendre, en se jetant d’une falaise portant aujourd’hui le nom de Tombeau des Caraïbes. L’un d’eux aurait alors lancé cette malédiction : « La montagne de Feu me vengera ». Les plus superstitieux y verront certainement une prémonition à l’éruption du volcan de la montagne Pelée qui ravagea l’alors capitale de la Martinique deux cents cinquante ans plus tard. Pour notre part, qui sommes plus terre-à-terre, nous y voyons surtout une promesse qui reste toujours d’actualité : le feu comme la plus belle des vengeances face à l’invasion technologique qui amène domestication, dépossession et ravages dans son sillage. Et ce n’est pas cette éolienne noircie par les flammes au Vauclin qui nous démentira.

https://demesure.noblogs.org/archives/1600

Esquisses pour une critique du confinement

Introduction of demesures.noblogs.org

[Malgré quelques désaccords (par exemple sur l’emploi du terme politique, l’absence des révoltes/insoumissions ou son enthousiasme un peu trop collectif à notre goût), Esquisses pour une critique du confinement a trouvé sa place ici.
…Parce qu’il affronte directement la question du confinement avec ses contradictions et absurdités ou comme instrument de pouvoir, sans se cacher derrière son petit doigt ni derrière les idéologies de juste milieu à la mode (genre « ni pour ni contre le confinement », « pour un confinement différent de celui de l’Etat », voire « restons chez nous en attendant le feu vert pour faire ceci ou cela, mais bon quand même, si les crève-la-faim du 93 ou du Liban l’envoient chier, on kiffe pour eux).
…Parce que « Finalement remettre en question le confinement est peut-être la manière la plus sérieuse de considérer la gravité de l’épidémie et de réfléchir aux moyens d’y parer.  »
…Parce qu’ « Au vu de la situation environnementale et des formes de vie capitalistes, des coronavirus risquent fort de venir nous visiter tous les ans. Il nous faudra bien vivre avec eux et ne pas nous barricader chez nous à la moindre alerte. Le risque de la peur de la contagion, c’est la peur de la vie même. »
…Parce qu’ « Il s’agit de ne pas attendre ni la fin du confinement ni la fin du risque épidémique ordonnées par l’État. Il s’agit au contraire de trouver dès maintenant les manières d’y résister, collectivement, et individuellement. »]


Le fil sur lequel se tient l’entièreté de ce texte, c’est le confinement, comme réalité vécue et comme outil de pouvoir.
L’enjeu, l’ambition, n’est absolument pas de produire une réflexion sur la situation dans son ensemble – ce dont nous aurions été bien incapables, et encore moins dans un format comme celui-ci.
« Variations sur le confinement » aurait pu constituer un autre titre.

Esquisses pour une critique du confinement

Confinement : n.m. Fait d’être retiré, enfermé dans des limites étroites. Maintien d’un être vivant dans un milieu de volume restreint et clos.
Syn. « réclusion ».

Un tableau ubuesque

Le confinement généralisé a été décrété du jour au lendemain. Mot inconnu, pratique étrange quelques jours auparavant, le confinement s’est imposé comme une évidence, sans aucune remise en cause corporelle ni théorique. Depuis, l’obéissance est générale.

La rhétorique de la guerre. C’est la forme que choisit le pouvoir pour faire appel à l’effort national. Il fait du personnel soignant ses nouveaux soldats, applaudis chaque soir par celles et ceux qui ne sont pas au front. L’État semble découvrir les conditions lamentables dans lesquelles sont tenues de travailler ces infirmières tout à coup glorifiées. Il supplie l’hôpital de tenir la main de la police pour sauver la Nation. La Nation, cette vieille idée que l’on espérait morte et enterrée. Le tour de force est remarquable ; dans la grande pièce nationale, chacun tient son rôle.

L’État met en scène les discours médicaux pour légitimer son gouvernement. Jusqu’à nouvel ordre, nous n’obéirions donc plus aux hommes politiques mais aux ordonnances médicales agencées par le pouvoir. Face à l’alarme sanitaire et à la dépossession du savoir scientifique, nous n’avons d’autre choix que de nous en remettre aux prescriptions du gouvernement. La peur au ventre, on manifeste à sa fenêtre, pour demander que le personnel soignant soit aussi bien armé que les policiers ; on s’indigne face aux politiques libérales de dislocation de l’hôpital public ; on en appelle à un État plus fort, un État qui enfin prendrait ses responsabilités ; on voudrait remplacer les mauvais politiciens par de bons médecins… Ce sont les seules revendications qui arrivent à émerger dans cette situation de pacification tendue. Démunis, c’est comme si l’arrivée du coronavirus nous avait ôté tout raisonnement critique face à la domination absolue de l’État. L’ordre du confinement est bien gardé.

Pourtant, le confinement à la sauce de l’État ne répond pas à l’exigence médicale préconisée. D’autres l’ont bien montré, les injonctions qui structurent le confinement n’ont aucun sens pratique. Absurdité et incohérence, voilà les sentiments qui nous prennent lorsque l’on sait que l’on doit aller travailler à la centrale Amazon mais qu’il est défendu de se promener sur la plage, ou lorsque l’on voit les grandes surfaces fonctionner à plein régime et les marchés à ciel ouvert interdits de se tenir. La liste des contradictions est longue…

Finalement, cette déraison prend tout son sens si l’on comprend que le seul impératif qui motive ces règles de conduite est le maintien d’un contrat social libéral, qui doit jongler entre logiques sanitaires et intérêts économiques. Il s’agit à la fois de laisser le temps et la possibilité au capitalisme de s’adapter et de laisser une relative liberté au citoyen de consommer comme bon lui semble ; et à la fois de préserver l’apparence d’un « État providence » qui ne laisse pas ses sujets mourir dans la rue, comme ailleurs on a pu le voir.

La mondialisation du confinement et son exécution identique sur la moitié de la population de la Terre renforce encore l’absurdité de cet outil. Le confinement est un produit destiné aux sociétés complètement rationalisées par l’économie et déjà préparées à la séparation des individus. L’application du confinement dans des villes ou des territoires où l’économie n’a pas normalisé tous les espaces et toutes les interactions est impossible sans recours à l’ultra-violence. Ainsi au 20 avril, au Nigeria, le Covid-19 a tué 12 personnes à l’hôpital, la police en a tué 18 dans la rue pour non respect du confinement. Toutes proportions gardées, la violence du confinement est néanmoins partout et la police se défoule dans les quartiers des grandes villes de France.

À la violence et à la peur de la répression s’accompagne le désarroi dans lequel chacun est plongé tant à l’échelle individuelle que collective. L’espace est complètement réduit, complètement vide. Le confinement nous ouvre le temps, le néant qu’il produit nous en prive. Nos journées sont creuses et nous n’avons prise sur rien. Le temps s’étale et nous échappe à la fois. Apathie, ennui, égo-centrisme décuplé, peur d’être empoisonné par autrui, perte de repères, approfondissement des solitudes… c’est tout un environnement affectif et sensible qui est dissous par l’injonction à rester chez soi.

* * * *
S’approprier le danger

Il ne s’agit ni d’oublier les innombrables morts du Covid, ni de nier les conditions infernales dans lesquelles les malades sont soignés, ni d’affirmer bien sûr qu’il ne faut rien faire face à la maladie et à sa propagation. Seulement, le confinement ressemble à s’y méprendre à la prescription d’une forte dose d’antibiotiques à spectre large. L’antibiotique en effet tue la bactérie nocive mais dévaste tout par ailleurs. Il peut s’avérer nécessaire dans certains cas, mais tout le monde sait qu’il n’est plus automatique, et que la réparation suite à de tels traitements peut parfois être longue et pénible. La question est alors la suivante : comment répondre à la maladie sans tuer le vivant ?

Si le danger biologique est bien réel, l’enjeu est de ne pas se retrouver terrassé par la peur du virus et de sa diffusion. Mais pour cela, encore faudrait-il que l’on soit en mesure de comprendre la maladie, de cerner les conditions de sa transmission et ses capacités meurtrières. S’approprier les informations transmises par voie médiatique et produites par la frange des institutions médicales et scientifiques inféodées au pouvoir semble le seul moyen – certes insatisfaisant – de construire nos propres pratiques pour faire face au risque épidémique. Car le Covid-19 n’est pas la peste, et il semble possible de trouver des manières de vivre – et non de survivre – avec l’épidémie.

À nous donc de produire nos propres règles sanitaires pour nous protéger et protéger les autres, à commencer par les personnes vulnérables : trouver nos propres « gestes barrière » et les respecter avec sérieux ; nous voir, discuter, réfléchir ensemble ; déterminer les activités à réduire, à arrêter, à poursuivre… le début d’une liste de préoccupations à appréhender et d’applications à concrétiser. Tout ceci, à l’échelle de collectifs ou de groupes singuliers, en fonction de leurs formes, leurs contraintes et des enjeux qui les animent.

Finalement remettre en question le confinement est peut-être la manière la plus sérieuse de considérer la gravité de l’épidémie et de réfléchir aux moyens d’y parer. C’est en se confrontant au virus qu’on développe une intelligence de la situation ; c’est comme si respecter sans le questionner le confinement rendait idiot face au danger.

Il est primordial de s’approprier les manières de faire face à une épidémie. Au vu de la situation environnementale et des formes de vie capitalistes, des coronavirus risquent fort de venir nous visiter tous les ans. Il nous faudra bien vivre avec eux et ne pas nous barricader chez nous à la moindre alerte. Le risque de la peur de la contagion, c’est la peur de la vie même. Soyons inconfinables !

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Un instrument de pouvoir

Assignation à résidence généralisée, le confinement répond davantage à des logiques de pouvoir qu’à des logiques philanthropiques de santé publique. Il devient l’outil privilégié du rêve politique de l’État en situation d’épidémie de coronavirus. Ce rêve, il faudrait pouvoir le décrire précisément. Mais ses contours sont encore flous, et à tout moment ses bordures peuvent se redessiner. Il est néanmoins possible d’affirmer que contrôle et discipline en sont les deux personnages principaux.

La période actuelle ne signe pas une rupture stricte avec un quelconque monde d’avant fantasmé, elle accélère plutôt des processus déjà enclenchés. Le confinement, en tant qu’outil de pouvoir, creuse la séparation entre les individus, renforce le primat de la santé et du médical, confirme la dépolitisation des espaces publics et la primauté des espaces privés, donne une belle occasion pour le législateur de réduire les libertés publiques, poursuit l’intrication des moyens cybernétiques et policiers, permet à l’économie de se reconfigurer une nouvelle fois.

Les pratiques habituelles de maintien de l’ordre ne suffisent pas à expliquer le succès du confinement. C’est bien davantage parce que la règle est intégrée et l’auto-contrôle général que nous restons chez nous. Le phénomène d’épidémie mortelle ne peut générer que de l’obéissance. La peur généralisée de perdre sa vie fait de la seule solution proposée la seule solution envisageable.

Si l’épidémie est une crise, les moyens imposés pour y faire face semblent calibrés pour s’inscrire dans le temps. Autant que les virus reviendront, le confinement sera remis en place à la moindre occasion. Il n’y aucune raison que l’État ne réutilise pas l’outil tant il lui a permis de régir facilement de manière inconditionnelle nos vies. Et ça, le pouvoir même devait en douter avant cette année. Mais peut-être n’aurons-nous pas besoin d’attendre un nouveau virus pour que la logique du confinement, quelque forme qu’elle prenne, s’intègre au plus profond de notre quotidien.

Rappelons-nous le surgissement des Gilets Jaunes, ce « profond et brusque mouvement de déconfinement de la société française, un moment historique où des mondes intérieurs qui n’étaient plus sortis, ne s’étaient plus croisés depuis des années, ont soudain décidé de se rejoindre dans un nouvel espace commun, en dehors des cadres et normes qui régulaient normalement leurs interactions sociales confinées ». La tendance était alors à percer l’ordre établi de la séparation et de l’enfermement. Une année a passé, et c’est comme si nous prenions désormais le chemin inverse, celui du retour à la maison.

Rester chez soi. Y goûter le confort adéquat. Y trouver de quoi rendre la situation vivable… Rester chez soi, c’est toujours réaliser – même à son insu – le paradigme absolu de l’économie, l’administration de la maison. Oikos, la maison ; et nomos, la gestion, voilà comment l’économie considère sa raison d’être. Confortablement confinés, nous invitons plus que jamais l’économie, sa rationalisation, ses contrôles, dans nos intérieurs. Le télétravail comme norme à venir c’est le stéréotype de la vie à domicile. Et l’économie libérale, avec ses flux de marchandises et de capitaux, se satisfera tout à fait de sujets consommateurs et gestionnaires de leurs domiciles. Au plus, l’économie trouvera là l’occasion d’une petite reconfiguration : moins de restaurants, plus de livreurs.

Finalement, avec le confinement, le fossé se creuse entre deux dimensions, pourtant inséparables, de ce qui constitue la vie. D’un côté, notre vie biologique, nue ; de l’autre, notre vie collective, mise en partage. Mais là, il apparaît clairement que le pouvoir fait le choix de circonscrire nos existences à ce qu’elles ont de biologique, pour préparer nos corps à un configuration toujours plus pacifiée et quadrillée de la société. C’est notre survie qui est en jeu, et c’est pour notre bonne santé que le confinement annule le collectif. Peu importe ce que l’on peut en penser, peu importe que cela relègue au second plan nos existences politiques. Ce processus, encore une fois, n’est pas nouveau. Le confinement ne fait que l’accélérer, c’est l’intérêt ultime du pouvoir – ses contrôles ses disciplines – que de le maintenir.

* * * *
Prendre du souffle

Nous pensions tous que le confinement aurait un début et une fin. Nous savons maintenant que c’était un leurre. Le confinement perdurera, sous d’autres formes. Le déconfinement tel qu’il semble prévu par l’État ne sera pas la fin du confinement mais sa continuité. « Rien ne sera plus comme avant, et avant longtemps », de la bouche même d’un de ses hauts-lieutenant. Nous ne sommes donc qu’au début d’une longue période de mutation de la gouvernementalité, dont la larve est connue, mais dont nous ne pouvons pour le moment que pressentir les formes et l’étendue de ce qu’elle deviendra.

Alors, comment prendre la mesure de ce qui va changer de manière durable ? Comment comprendre que cette situation impactera sur toute activité politique et de quelles manières ?

Envisager des réponses nécessitera de trouver comment sortir de chez soi, et vite. Il s’agit de ne pas attendre ni la fin du confinement ni la fin du risque épidémique ordonnées par l’État. Il s’agit au contraire de trouver dès maintenant les manières d’y résister, collectivement, et individuellement. Individuellement d’abord pour conjurer la possibilité de s’habituer aux logiques du confinement, voire d’y prendre goût ; collectivement ensuite pour contrecarrer les dispositifs de séparation et d’isolement en ayant des perspectives politiques dans un monde qui les cantonne toujours plus.

Aucune fin à attendre ; des tas de solitudes à conjurer par l’enthousiasme du collectif ; autant d’espaces pacifiés et confinés à enflammer… et mille autres choses à réactiver ou à inventer pour arrêter cette mécanique qui fait que nous sommes sans arrêt apathiques et terrassés.

[Quatre pages reçu par mail le 28 avril 2020]