France – Ca s’agite dans les prisons d’Angers et de Perpignan

A Perpignan (Pyrénées-Orientales).

Ce mardi 17 mars après-midi, vers 15h30, « une centaine de détenus en promenade dans la cour de la prison de Perpignan n’a pas voulu rentrer pour regagner les cellules. Les prisonniers voulaient montrer leur mécontentement car ils n’ont pas eu droit aux parloirs. Tous ont été annulés pour cause de coronavirus. Tout est rentré dans l’ordre en début de soirée, après l’intervention des forces de l’ordre, des ERIS, les Équipes régionales d’intervention et de sécurité de l’administration pénitentiaire. […] Les revendications porteraient également sur les cantines où ils peuvent s’approvisionner en denrées alimentaires et produits d’hygiène mais dans le contexte actuel, ces moments de leur vie quotidienne sont suspendus. D’où leur colère. » (France3 Occitanie, 17.03.2020)

A Angers (Mayenne).

« La situation est revenue à la normale », un peu avant 22 h ce mardi 17 mars, à la maison d’arrêt d’Angers. Depuis le milieu d’après-midi, 54 détenus ont refusé de regagner leurs cellules, après la promenade.

« Un peu plus tôt, vers 20 h 30, les 38 surveillants pénitentiaires spécialisés dans le maintien de l’ordre des équipes régionales d’intervention et de sécurité (Éris) ont commencé à reconduire, manu militari, les prisonniers dans leurs cellules. Depuis la fin d’après-midi, ces hommes protestaient contre la suppression des parloirs. […]
La situation se serait tendue vers 17 h 30 environs, quand un groupe de prisonniers a décidé de manifester son mécontentement. […]

« Remettez nos parloirs », auraient-ils scandé après avoir incendié une cabine téléphonique. La suspension des visites, « une mesure de précaution » dans le cadre du confinement général décidé dans la soirée de lundi 16 mars, par le Président de la République Emmanuel Macron pour lutter contre la propagation du coronavirus. Une mesure entrée en vigueur à 12 h ce mardi 17 mars, comme l’a expliqué le ministre de l’Intérieur Christophe Castaner, qui avait, dès son annonce, suscité une vague de protestation dans la maison d’arrêt.

Dans un appel téléphonique, un homme se présentant comme le frère d’un prisonnier a tenu à témoigner. « Depuis plusieurs mois », les détenus dénonceraient également les agissements d’un membre du personnel pénitentiaire, surveillant-chef. Notre interlocuteur évoque des brimades, menaces, insultes, utilisation abusive des menottes… « Plusieurs courriers ont déjà été envoyés à la directrice, sans que rien ne se passe. J’ai eu mon frère au téléphone, aujourd’hui. Il était en pleurs, c’est la galère. Je m’inquiète beaucoup pour lui, il a perdu 7 kg. Il faut faire quelque chose, car les conditions sont terribles. » L’état de vétusté de la maison d’arrêt d’Angers est régulièrement dénoncé par les détenus et leurs avocats. (Ouest-France, 17.03.2020)

 

Ca s’agite dans les prisons d’Angers et de Perpignan

Posons une question différente : Regagner son autonomie d’action pendant le virus

Soumission anonyme à North Shore Counter-Info

La situation change d’heure en heure. Comme tout le monde, je le suis de près et je partage les nouvelles infos, je regarde nos vies changer chaque jour, je sombre dans l’incertitude. Il nous arrive d’avoir l’impression qu’il n’y a qu’une seule crise dont les faits sont objectifs et qui ne permettent qu’une seule voie: celle de la séparation, de l’enfermement, de la soumission, du contrôle. L’État et ses appendices deviennent donc les seuls acteurs légitimes et le récit des médias de masse, avec la peur qu’ils véhiculent, inonde notre capacité d’action autonome.

Certain·e·s anarchistes ont signalé l’existance de deux crises qui se déroulent en parallèle. La première c’est la pandémie qui se répand à toute allure, qui nuit gravement et provoque même la mort pour des milliers de personnes. L’autre, c’est la stratégie de gestion de crise de l’État. Il veut nous faire croire qu’il agit pour défendre la santé de tout le monde — il veut qu’on voit sa réponse à la crise comme objective et inévitable.

La gestion de crise permet à l’État de décider les conditions qui existera une fois la crise passée, ce qui lui permet de choisir les gagnants et les perdants, selon des critères prévisibles. Si on reconnait l’inégalité comme partie intégrante de ces mesures soi-disant neutres, il faut aussi avouer que certain·e·s payeront un prix bien plus élevé pour ce que les puissants nomment le bien collectif. Je veux retrouver l’autonomie et la liberté d’action dans cette situation et pour ce faire il sera nécessaire d’échapper au récit qui nous est donné.

Lorsqu’on permet à l’État de contrôler le récit et les questions que l’on pose, on lui permet aussi de contrôler la réponse. Si on désir un résultat autre que ce que préparent les puissants, il sera nécessaire de poser une question différente.

Nous ne faisons pas confiance aux récits médiatiques sur bien des sujets et nous restons d’habitude conscient·e·s du pouvoir des puissants de façonner le récit pour rendre inévitable les actions qu’ils ont envie de prendre. Ici au Canada, l’exaggération et les mensonges sur l’impact des blocages liées au mouvement #shutdowncanada ont préparé le terrain pour un retour violent au normal. Il est possible de comprendre l’importance d’un protocol pour limiter les infections tout en restant critique de la manière dont l’État s’en sert à ses propres fins. Même si on regarde la situation pour nous même et on arrive à accepter certaines recomandations que prône aussi l’État, il ne nous est pas nécessaire d’adopter son projet comme le notre. Il y a toute une différence entre suivre des ordres, et la pensée indépendante qui mène à des conclusions semblables.

Lorsqu’on porte vraiment notre propre projet, il nous est plus facile d’arriver à une analyse indépendante de la situation, d’examiner les diverses informations et suggestions pour nous même et de se demander ce qui est en accord avec nos buts et priorités. Par exemple, céder la possibilité de manifester quand grand nombre ont encore besoin de bosser dans le commerce du détail ne peut être qu’une mauvaise décision pour tout projet libérateur. Ou bien reconnaître la nécessité d’une grêve des loyers, tout en propageant une peur qui interdit toute manière de se retrouver entre voisin.e.s.

Abandonner les moyens de lutter tout en accomodant l’économie n’a rien en commun avec nos buts à nous mais découle du but de l’État qui veut gérer la crise tout en limitant les dégats économiques et empêchant toute atteinte à sa légitimité. Ce n’est pas que l’État cherche à limiter la dissidence, c’est juste un sous-produit. Mais si nous avons un point de départ différent — cultiver l’autonomie au lieu de protéger l’économie — nous arriverons sans doûte à un équilibre différent sur ce qui nous est acceptable.

Pour ma part, un point de départ c’est que mon projet en tant qu’anarchiste est de créer les conditions pour des vies libres et enrichissantes et non simplement des vies les plus longues possibles. Je veux écouter des conseils intelligents sans céder mon autonomie et je veux respecter l’autonomie des autres — au lieu d’un code moral à imposer, nos mesures pour le virus devrait se baser sur des accords et des limites, comme toute pratique de consentement. En discutant des mesures qu’on a choisi, on arrive à des accords et là où l’accord est impossible, nous établissons des limites auto-exécutoires qui n’ont pas besoin de coercition. Nous prenons en compte comment l’accès aux soins médicaux, la classe, la race, le genre, la géographie et bien sûr la santé interagissent avec en même temps le virus et la réponse de l’État et nous prenons celà comme une base pour notre solidarité.

Le récit de l’État insiste sur l’unité — l’idée qu’il est nécessaire de se rassembler comme société pour un bien singulier qui nous appartiendrait à tous et toutes. Les gens aiment le sentiment de faire partie d’un grand effort de groupe et aiment l’idée qu’ils puissent contribuer par leurs gestes individuels — le même genre de phénomène qui rend possible les mouvements sociaux contestataires permetant aussi à ces moments d’obéissance de masse. Notre rejet de ce récit peut donc commencer en se rappellant de l’opposition fondamentale entre les intérêts des riches et des puissants et les nôtres. Même dans une situation où ils pourraient tomber malade et mourir eux aussi (en différence avec la crise des opiacés ou l’épidémie du SIDA avant), leur réponse à la crise à peu de chance de satisfaire nos besoins et risque même une intensification de l’exploitation.

Le sujet présumé de la plus part des mesures tel que l’auto-isolement et l’éloignement social est de classe moyenne — ils imaginent une personne avec un emploi qu’elle peut facilement faire de chez elle ou bien qui a accès à des congé payée (ou dans le pire des cas, à des économies), une personne avec un chez-elle spacieux, une voiture personelle, sans beaucoup de relations intimes et avec du fric à dépenser sur la garde d’enfants et le loisir. Tout le monde est exhorté à accepter un niveau d’incomfort, mais ceci augmente à force que nos vies diffèrent de cette idéale implicite, ce qui augmente l’inégalité du risque des pires conséquences du virus.

En réponse à cette inégalité on voit circuler de nombreux appels pour des formes de redistribution étatique, telles que l’expansion de l’assurance emploi, des prêts ou des reports de paiement. La plus part de ces mesures se résument à de nouvelles formes de dette pour des gens déjà en difficulté, ce qui fait écho de la crise financière de 2008, où tout le monde a partagé les pertes des riches tandis que les pauvres ont été laissés pour compte.

Je n’ai aucun intérêt à donner des conseils à l’État et je ne suis pas parmi celleux qui voit en ce moment un point de bascule vers des mesures socialistes. La question centrale à mon avis, c’est si on veut ou non que l’État ait le pouvoir de tout arrêter, peu importe ce qu’on pense des raisons invoqués.

Le blocages #shutdowncanada étaient jugées innacceptables, bien qu’ils ne causaient pas une fraction des dégats que ce qu’a pu faire l’État, à peine une semaine plus tard. C’est clair que le problème n’est pas le niveau de perturbation, mais qui est l’acteur légitime. De la même manière, le gouvernement de l’Ontario ne cessait de répéter à quel point la grève des enseignant·e·s et leurs quelques journées d’actions auraient été un fardeau inacceptable pour les familles, juste avant d’ordonner la fermeture des écoles pendant trois semaines. Encore une fois, le problème c’est que c’était des travailleurs·euses et non un gouvernement ou un patron. La fermeture des frontières à des gens mais non à des biens intensifie le projet nationaliste déjà en marche partout dans le monde et la nature économique de ces mesures à l’apparence morale deviendra évidente après le pic du virus et quand les appels deviendront plutôt “achêter, pour l’économie”.

L’État rend légitime ses actions en les positionnant comme la simple mise-en-pratique des recommandations expertes et de nombreux gauchistes répètent cette même logique dans leurs appels pour la gestion directe de la crise par des experts. Tous les deux prônent la technocratie et le règne des experts. On a vu de ça dans certains pays européens, où des experts économiques étaient nommés chef d’État pour mettre en place des plans d’austérité “neutres’ et “objectifs”. On trouve souvent à gauche des appels à céder notre autonomie pour se fier à des experts, surtout dans le mouvement contre les changements climatique, et aucune surprise de les retrouver pour le virus.

Ce n’est pas que je ne veux pas l’avis d’experts ou qu’il existe des individus avec une connaissance profonde de leur domaine — c’est que je trouve que la manière de présenter un problème anticipe déjà la solution. La réponse au virus en Chine nous montre de quoi la technocratie et l’autoritarisme sont capables. Le virus ralenti et les postes de contrôle, les couvre-feu, les technologies de reconaissance faciale et la mobilisation de main d’oeuvre peuvent servir à d’autres fins. Si on ne veut pas cette réponse, il faut savoir poser une question différente.

Les écrans ont déjà réussi à enfermer énormément la vie sociale et cette crise ne fait qu’accélérer ce processus — que peut-on faire pour lutter contre l’aliénation en ce moment? Que peut-on faire pour répondre à la panique de masse que répandent les médias, ainsi qu’à l’anxiété et la solitude qui viennent avec?

Comment répandre la possibilité d’agir? Les projets d’entraide et de santé autonomes sont une bonne idée, mais peut-on passer à l’offensive? Peut-on entraver la capacité des puissants de décider quelles vies valent la peine de sauver? Peut-on aller au-delà du soutien pour s’attaquer aux rapports de proprieté? Aller vers le pillage ou l’expropriation, ou même extorquer les patrons au lieu de mendier pour un peu de congé maladie?

Que fait-on pour préparer à esquiver les couvre-feu ou des restrictions de déplacements, même à traverser des frontières bouclées, si on décide que c’est approprié? Cela comprendra d’établir nos propres standards pour la sécurité et la nécessité et de ne pas accepter bêtement celles de l’État.

Que peut-on faire pour avancer nos engagements anarchistes? En particulier, notre haine de la prison dans toutes ses formes me parait pertinente. Que peut-on faire pour cibler les taules en ce moment? Et les frontières? Et si la police s’en mêlent pour appuyer les mesures de l’État, comment faire pour délégitimer et limiter leur pouvoir?

Le pouvoir se reconfigure autour de nous — comment cibler ses nouveaux points de concentration? Quels intérêts cherchent à “gagner” au virus et comment les miner (pensons aux opportunités d’investissement, mais aussi aux nouvelles lois et l’expansion de pouvoirs autoritaires). Quelles infrastructures de contôle se renforcent? Qui sont les profiteurs et comment les atteindre? Comment préparer pour ce qui viendra après et se préparer pour le moment de possibilité qui pourrait exister entre le pire du virus et un retour à la normalité économique?

Développer notre propre récit de ce qui se passe, ainsi que des buts et priorités qui nous sont propres, n’est pas mince affaire. Il sera nécessaire d’échanger des textes, experimenter en action et communiquer sur les résultats. Il nous sera nécessaire d’élargir notre idée d’intérieur-extérieur pour avoir suffisament de gens avec qui s’organiser. Il sera nécessaire de continuer d’agir dans l’espace publique et refuser de se replier sur l’internet. Avec les mesures pour combattre le virus, la peur intense et la pression de se conformer chez nombreuses personnes qui seraient autrement nos alliées rend difficile la tâche de discuter de la crise autrement. Mais si on veut vraiment défier la capacité des puissants de façonner la réponse au virus selon leurs intérêts, il faut commencer par regagner l’abilité de poser nos propres questions.

Les conditions sont différentes partout, mais les États se regardent et se prennent en exemple, alors il nous ferait bien de regarder les anarchistes ailleurs pour voir comment illes font face à des conditions qui seront bientôt les notres. Alors je vous laisse avec cette citation d’anarchistes en France, où le confinement obligatoire est en place depuis une semaine, maintenu par la force armée de la police:

Alors oui, on va éviter les activités trop collectives, les réunions superflues, on va maintenir des distances de sécurité, mais on niquera votre confinement, déjouera autant que possible vos contrôles, hors de question qu’on cautionne la restriction de nos libertés et la répression ! A tou.te.s les pauvres, les marginaux et les révolté.e.s, soyons solidaires et entre-aidons nous pour maintenir les activités nécessaires à notre survie, éviter les arrestations et les amandes et continuer à nous exprimer politiquement.

Contre le confinement généralisé, Indymedia Nantes

Temps des fins ou fin des temps

Temps des fins ou fin des temps

Alors qu’à Tchernobyl, la catastrophe fut niée, les différents pouvoirs
orchestrent aujourd’hui la prise en main de la situation.

Pandémie bien ou mal gérée, les buts sont atteints :
– la soumission des corps,
– l’habituation des esprits à un monde géré militairement,
– des individus acteurs de leur propre servitude.

Dans cette guerre qui nous est déclarée, l’ennemi ne serait-il pas aussi
ces aveugles qui nous gouvernent, menés par leurs idiots de
scientifiques ?

Pour que la vie ne se résume pas à de la survie, auto-organisons nous
contre le virus et refoulons l’autorité aux confins de notre monde.

fin de tempsA3

Vauclin (Martinique) – Local technique d’Orange incendié

Vauclin (Martinique) : Local technique d’Orange incendié – Plus de 2000 foyers et entreprises sans internet ni téléphone – 19 mars 2020

Dans la nuit du mercredi 18 au mercredi 19 mars 2020, des installations d’Orange ont été incendiées au Vauclin, coupant les télécommunications pour plus de 2000 foyers et entreprises en pleine période d’état d’urgence (sanitaire).

« En pleine période de confinement imposée par le Coronavirus, au moment ou la demande de connexions est importante, l’opérateur Orange a été victime d’acte de vandalisme sur son réseau au Vauclin.
Un ou plusieurs individus ont provoqué un incendie dans un local technique. Cet acte malveillant provoque la coupure des services de téléphonie fixe et internet pour plus de 2000 foyers et entreprises localisés dans les communes du Vauclin, le Marin et Sainte-Anne.

Les télécommunications sur réseau mobile sont également coupées à Sainte-Anne dans une zone s’étendant du Calvaire aux Salines, en passant par Beauregard.
Les équipes techniques d’Orange sont mobilisés depuis ce jeudi matin (19 mars) pour rétablir les télécommunications. »

[Repris de la1ere.francetvinfo.fr/martinique

Déborder le gérable

Une des définitions qu’offre la racine de gérer est celle de s’occuper de l’administration, de l’organisation et du fonctionnement d’une entreprise, d’une activité économique ou d’un organisme.
C’est un terme qui, de manière évidente, provient de la sphère économique, du monde juridico-entreprenarial et s’est installé dans tous les domaines de nos vies, à tel point qu’il fait désormais fondamentalement partie de nos activités quotidiennes.
Tout est susceptible d’être géré, nous sommes tous et toutes susceptibles d’être géré-e-s (y compris auto-géré-e-s). Tout concept pensable est gérable : les personnes, les conflits, les relations, les émotions, l’environnement, le temps, les migrations … Rien n’a pu échapper à la puissante influence de la marchandisation. Tout est un produit, nous le sommes toutes et tous. Les grands gourous, haut-placés comme la voix de leurs maîtres, nous invitent à être de bons gestionnaires. Tout cela a lieu parce que jusqu’au dernier recoin de notre vie a été conquis par la méga-machine capitaliste pour se voir transformé en simple produit.
Désormais conflits et défis ne sont plus affrontés, ils sont gérés. On ne réclame ou on ne se confronte plus, on gère. Ni on souffre ni on aime parce qu’à présent les émotions se gèrent. Tout s’est converti en maudite bureaucratie individualisée.
Les gouvernements ont adopté comme façon habituelle de fonctionner la gestion de la crise permanente, nous soumettant à l’exceptionalité constante qui devient ainsi la norme. De cette manière, la crise est continue et sa gestion posée comme indispensable. Au nom de cette urgence constante, le pouvoir trouve mille et une occasions de se restructurer et de modifier sans cesse ses mécanismes de contrôle, tandis que la majorité espère la venue de temps meilleurs. Des temps qui ne viendront jamais.
Il serait logique de penser que la crise est l’échec du système, c’est-à-dire que ce que nous vivons actuellement ne serait que la gestion sans fin d’un effondrement qui n’en finit pas d’arriver, mais que nous ne pouvons (voulons ?) pas éviter parce qu’en fin de compte la lutte finit toujours par chercher la meilleure manière de gérer. Parce que nous avons perdu la capacité même d’imaginer quelque chose de différent.
Nous avons adopté le vocabulaire de l’ennemi et nous l’avons intériorisé au point de le faire nôtre. Par là-même, nous avons accepté son cadre conceptuel, sa logique de raisonnement, celle du bénéfice économique. Nous faisons partie de lui, nous jouons dans la même équipe.
La seule option est de déborder le gérable, de rendre impossible leur manière de nous gouverner et de nous dominer. Rendre impensable la neutralisation des conflits et des possibilités de changement. Briser le cadre théorique qui aujourd’hui restreint tout, pour pouvoir ainsi nier la gestion. Parce que nier la gestion revient finalement à nier la possibilité d’être gouvernés. C’est ouvrir la porte vers un nouvel horizon.

Quebrantando el silencio

 

Après-demain. Demain. Aujourd’hui.

Il est indiscutable que les autorités aient navigué à vue ces jours-ci. Il suffirait de regarder la succession convulsive de décrets qui, en seulement trois jours, ont transformé des mesures de confinement localisées (à 16 provinces et une région) en mesures étendues à l’ensemble du pays. Certes, la difficulté de fabriquer des tests [ https://www.ilpost.it/2020/03/19/coronavirus-bucci-numero-contagi/ ] puis de les développer met le gouvernement face à l’incapacité de comprendre à quel point en est la contagion et donc comment limiter les dégâts économiques et sociaux du pays, à commencer par les personnes qui subissent le plus d’isolement et qui pourraient commencer à s’agiter.

L’épidémie est en constante évolution et les mesures drastiques adoptées jusqu’à hier ne semblent pas avoir eu d’effet, à tel point que dans certaines régions – la Lombardie surtout – la situation a désormais dépassé ce seuil de sécurité que les autorités, depuis le début, avaient évoqué une limite à laquelle ils ne devaient en aucun cas s’approcher. Sous la pression de nombreuses autorités locales, le gouvernement a décidé de resserrer encore les possibilités de déplacement des personnes, exigeant également la fermeture des parcs et jardins publics.

 [ https://www.ilsole24ore.com/art/coronavirus-new-strict-government-close-park-andgarden-limits-sport-all-outdoor-AD9RbqE ].

Des contrôles plus méticuleux et plus stricts seront mis en place, les militaires auront le feu vert pour entrer en jeu là où les administrations locales le jugeront approprié, probablement à partir des villes déjà impliquées dans l’ opération Strade Sicure (1) ou dans les pays où la contagion galope, et avec elle de nombreux décès et hospitalisations sérieuses. La possibilité que, dans certaines régions, les militaires soient également utilisés pour distribuer de la nourriture ou soutenir des activités logistiques fonctionnelles pour la subsistance de la population enclavée n’est pas exclue. En plus des opérations de contrôle.

Le gouvernement central a déjà annoncé que l’ Etat d’urgence à l’échelle nationale il y a quelques semaines sera prolongé bien au-delà du 3 avril. En ce sens de l’idée d’introduire, peut-être par décret, une loi qui permet, par dérogation à la législation sur la vie privée, de contrôler ex post les mouvements des téléphones portables, afin de vérifier le respect de la quarantaine et la véracité des auto-certifications est indicative. Ce qui a déjà été fait à Milan en termes de contrôle des flux de personnes. [ https://milano.corriere.it/notizie/cronaca/20_marzo_18/coronavirus-si-spostano-4-lombardi-10-solo-milano-1200-denunce-scatta-surveillance-digital-2227e1f0-68df-11ea-913c -55c2df06d574.shtml ]

Peut-être que nous devons commencer à abandonner l’idée que cette situation peut avoir une fin,   ou du moins redéfinir le sens de ce concept . Repensez donc le fait que le monde dans lequel nous vivons, ses relations et ses formes de pouvoir reviendront à l’identique.

Une étude du Collège impérial .pdf ] a décrit une série de scénarios possibles. Il convient de noter que ce sont des hypothèses basées sur certaines variables qui sont loin d’être sûres, mais toujours utiles pour s’orienter (par exemple, cela dépendra beaucoup des caractéristiques intrinsèques de ce virus: sa saisonnalité, la possibilité et la durée d’une éventuelle immunité chez les personnes guéries, la possibilité qu’il y ait plus de souches avec des virulences et des effets différents (autant de choses à l’heure actuelle, à ce que nous avons pu constater, non vérifiées). Les données qui ressortent avec plus de clarté sont la forte probabilité que cette épidémie continue de se propager, et donc que les différents gouvernements, après avoir allégé les mesures suite au ralentissement de la courbe des contagions, se retrouveront à devoir les proposer à nouveau plus tard pour faire face à toute nouvelle éclosion. Bref, il semble que la perspective soit ” le début d’un mode de vie complètement différent” et se résigne à l’idée de vivre dans un état pandémique . .

À ce stade, une question spontanée se pose que, sans trop d’envolée lyriques sur l’avenir, nous devons nous demander maintenant: comment pouvons-nous essayer de combattre dans un état de pandémie ?

Le caractère unique de la situation que nous vivons rend également difficile pour les dirigeants de comprendre quels problèmes surgiront et quelles formes prendront les conflits qui pourraient survenir dans les temps à venir, en particulier avec la poursuite de plusieurs semaines de ces mesures. Que se passera-t-il par exemple sous peu ou au plus tard dans quelques semaines lorsque les personnes n’ayant pas de réserves ne pourront plus faire leurs courses?

Après la première vague d’émeutes massives, même la situation dans les prisons ne semble pas avoir beaucoup changé: les mesures prises n’ont pas réduit le surpeuplement, les parloirs avec les membres de la famille n’ont en aucun cas été rétablis et le Covid-19 semble avoir commencé à se propager entre les cellules. Malgré les difficultés de communication de plus en plus graves, les premiers signalements de détenus et de gardes positifs au virus ont été fait.

Le couvre-feu, la quarantaine généralisée et l’armée dans les rues serviront principalement à prévenir ou à tuer dans l’œuf la possibilité de faire face aux nombreux problèmes économiques, sanitaires et sociaux que nous devrons traiter dans un proche avenir, avec Covid-19. Il convient de s’en rendre compte rapidement. Ces mesures variées et mixtes sont peut-être imminentes. Une fois adoptées, clarifier les idées sera encore plus difficile et les chances d’y penser face à face et peut-être de réfléchir à la manière de les gérer seront réduites encore plus. Le temps presse.

Pour une propagation de la révolte!

A propos des mutineries dans les prisons italiennes, contre les mesures de l’Etat face au coronavirus

Pour une propagation de la révolte !

A propos des mutineries dans les prisons italiennes, contre les mesures de l’Etat face au coronavirus

Depuis plusieurs semaines le gouvernement italien a testé des mesures de plus en plus radicales de restrictions de liberté dans le but de gérer l’épidémie du coronavirus.
Si l’isolement et le contrôle deviennent de plus en plus durs à l’extérieur, la situation se fait insupportable à l’intérieur des taules. Cela fait déjà deux semaines que les parloirs, le travail et les activités complémentaires sont interrompus. Ces derniers jours, les personnes qui étaient en semi-liberté ne peuvent plus sortir et les permissions spéciales ne sont plus autorisées. Cela signifie aussi la privation d’accès à des produits et biens de base (nourriture, vêtements propres, argent…)

Suites à ces décisions, les premières mutineries éclatent le samedi 7 mars, pour s’étendre à une trentaine de prisons en l’espace de 2 jours sur l’ensemble du territoire italien.
Les moyens de révolte se font clairs et efficaces. Du nord au sud de l’italie, le feu se propage d’une prison à l’autre, des prisonniers montent sur les toits aux cris de « liberté et amnistie », des matons sont pris en otage, les barreaux se tordent, des documents officiels partent en cendre. Plus de traces des agents de l’ordre dans certaines ailes des bâtiments. A Modène, c’est l’entiereté de la prison qui a fermé, car les révoltes l’ont rendue inutilisable.
Les chiffres qui commencent à circuler parlent de plus d’une centaine de prisonnier.es évadés. On leurs souhaite bon courage !

Tandis que la fumée monte haut dans le ciel les proches et personnes solidaires se retrouvent en bas des prisons, que ce soit pour crier leur soutien ou organiser des barrages de rue, bloquant ainsi l’arrivée de la police, des GOM (équivalent des ERIS, CRS de la prison) et des militaires.

La révolte est intense, la répression est féroce : coupures d’eau et d’electricité, hélicos survolant des taules,  violences policières… On compte au moins 12 morts dans plusieurs prisons. Si la presse bourgeoise et l’administration pénitentiaire parlent d’overdoses suite aux pillages d’infirmeries, les proches ont entendu des coups de feu. Et plusieurs prisonnier.es sont hospitalisés en soins intensifs.
Parallelement, politiciens en tout genre cherchent à pacifier en proposant des accès à des téléphones ou à skype, tout en demandant aux familles de calmer leurs proches… mais ça n’a pas suffit à casser leur détermination.
On leur envoie toute notre solidarité!

Nous n’avons pas besoin de faire des analyses des révoltes en cours, elles parlent d’elles-mêmes de l’attaque d’un système qui enferme et contrôle par la peur et la menace.
En s’appuyant sur une urgence et une peur généralisée qu’ils ont contribué à créer, les différents états se placent en sauveurs face à la catastrophe et nous imposent leur logique et leurs mesures. Ils rivalisent d’inventivité pour approfondir le contrôle et la surveillance et expérimentent au passage différents outils de gestion des populations.
D’ailleurs, la France parle de mettre en place un dispositif spécifique par rapport aux prisons dans les jours qui viennent.
En dehors de ces situations, la réalité carcérale est toujours dégueulasse. Face à l’enfermement, il n’y a que des bonnes raisons de se révolter!

Corona virus ou pas, en Italie ou ailleurs, feu à toutes les prisons !!

11 mars 2020

Le recto et le verso au format PDF

[Publié sur indymedia nantes, 12.03.2020]

 

Le monde Covid-19 : les épidémies à l’ère du Capitalisme

L’exploitation des ressources naturelles de la planète est en train d’amener l’humanité au bord de l’autodestruction ; nous vivons au milieu d’épidémies causées principalement par la diffusion continue de produits chimiques (pesticides, insecticides, perturbateurs endocriniens, etc.) nuisibles pour notre santé ; en même temps, nous vivons entourés d’une atmosphère avec des niveaux de pollution si élevés qu’une grande partie de la population développe des allergies et des maladies. Cette exploitation des ressources naturelles entraîne également la dévastation du territoire par la techno-industrie : la Méditerranée transformée en égout, l’Asie du Sud-Est en désert chimique, l’Afrique en grande décharge, etc.

L’apparition du virus connu sous le nom de Covid-19 est une conséquence de la civilisation industrielle ; pour nous, l’important n’est pas que le virus a muté à partir d’une chauve-souris, peut-être en raison de l’industrialisation de son habitat, ou qu’il s’agisse d’une attaque des États-Unis contre l’économie chinoise ; pour nous, l’important est qu’il s’agit de la conséquence d’un système qui transforme en marchandise chaque processus, objet ou être vivant sur terre, c’est l’avidité d’un système qui poursuit l’anéantissement de tous les êtres vivants, en direction de l’artificialisation le monde. Nous ne pouvions pas penser que notre mode de vie, basée sur une croissance perpétuelle dans une planète qui en effet est finie, n’entraînerait pas des conséquences de ce type et d’autres catastrophes à venir. Des centaines de produits chimiques présents dans notre vie quotidienne modifient les processus naturels et donnent lieu à des centaines de « catastrophes » (des épidémies, le changement climatique, etc.) ; ce sont ces mêmes produits qui, en Chine, provoquent un million et demi de morts par an, des morts qui ne font pas la une des journaux, qui ne provoquent ni alarme sociale, ni enfermement, ni état d’urgence. En Espagne, elles sont 10.000 les personnes qui meurent chaque année à cause de la pollution et il n’y a pas de panique : elles font partie des victimes nécessaires pour que le monde industriel puisse continuer à fonctionner, l’important est que le progrès et son avidité ne s’arrêtent pas.

En principe, le Covid-19 (bien qu’il continue d’être étudié) est une grippe, dont les symptômes sont similaires à ceux de la grippe ordinaire et tous deux touchent davantage des personnes ayant souffert de pathologies antérieures et notamment les personnes âgées ; les deux grippes se distinguant par la rapidité de propagation et la contagiosité de la première, ce qui a causé l’alerte sanitaire. Au moment de la rédaction de ce texte, près de 300 personnes sont mortes de Covid-19, cependant, l’année dernière la grippe commune a causé en Espagne plus de 6000 décès et en 2018 elle a atteint 8000 morts. Face à cela, nous nous demandons le pourquoi de cette situation exceptionnelle d’alarme sociale, créée en grande partie par les médias et par l’opacité des informations données par ceux qui gèrent nos vies.

Afin de mettre fin à la pandémie, l’État a décrété l’« état d’urgence », ce qui implique l’interdiction de se déplacer, le confinement, un contrôle accru, la suspension des réunions et en général de la vie publique, le contrôle des moyens de transport et qui sait si bientôt ce ne sera pas aussi le contrôle de la distribution de la nourriture. Dans ce processus, nous voyons comment l’État prend une forme éco-fasciste, où le gouvernement sera de plus en plus contraint d’agir pour gérer les ressources et l’espace, chaque fois plus « rares », ce qui fait que la préservation des ressources les plus nécessaires n’est garantie qu’en sacrifiant un autre besoin : la liberté.

En l’absence d’un ennemi interne ou externe, l’État a trouvé un ennemi devant lequel il peut montrer tout son potentiel de guerre et en même temps accentuer l’asservissement de la population par la peur et la répression, alors qu’il se pose comme seule possibilité de salut face à la terreur produite par l’épidémie. Pour nous, la solution n’est pas un État plus autoritaire, mais la disparition de toute forme d’autorité. Désormais, il est possible que les états d’alarme, d’urgence… se succèdent, à cause de la dévastation écologique et sociale du monde, car nous sommes sûrs que les catastrophes continueront. Nous n’exagérons pas lorsque nous parlons de potentiel de guerre : on voit déjà l’armée prendre position dans des endroits stratégiques, la police contrôler davantage les rues et des drones dotés des caméras surveiller les mouvements de la population. Les mesures de l’état d’urgence visent non seulement à mettre fin à la pandémie de grippe mais aussi à propager une autre pandémie : celle de la servitude volontaire de la population par l’obéissance aux lois, face au danger de la pandémie ; elles visent à mettre fin aux critiques de l’État et du Capitalisme, face à la peur et aux risques éventuels. Cette servitude volontaire serait impossible sans la soumission à nos dispositifs technologiques et au mode de vie qu’ils créent. Face à une situation de pandémie ou à toute autre catastrophe, nous restons soumis à des technocrates, des spécialistes, des experts, des scientifiques, etc., à ces gestionnaires de l’espace et du temps qui ont tout prévu dans leurs calculs rationnels.

De même, les conséquences de cette épidémie, ou de tout autre désastre industriel, seront économiquement dévastatrices ; on voit déjà la situation critique de milliers de personnes qui seront contraintes au chômage ou à la précarisation de leurs emplois ; comme toujours, la détérioration des conditions de vie sera subie par les couches les plus défavorisées de la société, qui depuis, des années, subissent déjà les durs assauts de la « crise capitaliste » et de ses coupes budgétaires. Au contraire, elle apportera certainement des grands profits aux classes supérieures, comme les propriétaires des grandes entreprises pharmaceutiques.

Face à l’épidémie, le confinement industriel dans lequel nous vivons devient dramatique, on nous enferme dans nos cages en brique et en béton et nous ne pouvons échapper que virtuellement à cette réalité écrasante, à travers nos dispositifs technologiques. Ces mêmes dispositifs qui nous soumettent et perpétuent l’aliénation du mode de vie industriel. Ces dispositifs qui nous déshumanisent et façonnent nos perceptions, notre cerveau, nos sentiments, etc., qui redéfinissent la façon dont nous percevons nous-mêmes et le monde. Connectés au monde virtuel, nous restons à l’écart de la réalité d’un monde hostile, d’une épidémie ou d’une catastrophe nucléaire. Ceux qui gèrent nos vies refusent toute responsabilité, en essayant de nous faire participer aux catastrophes du capitalisme industriel ; c’est curieux car une des caractéristiques de la post-modernité est l’absence de responsabilité dans les actions de chacun d’entre nous, puisque nous participons à la machine tout en étant « aliens » à ses effets. Pour nous, les seules responsables sont l’organisation technique de la vie et ceux qui la gèrent.

Contra toda nocividad
mars 2020

Le monde Covid-19 : les épidémies à l’ère du Capitalisme