Nouvelles du jour d’après #6

le 26 avril 1986, le réacteur numéro quatre de la centrale nucléaire de
Tchernobyl explosait. C’était une autre catastrophe, qui créait elle
aussi un effet de sidération. Plus de 100.000 personnes étaient alors
évacuées de la région entourant la centrale. Cette explosion du réacteur
a provoqué une contamination massive par césium et strontium sur
plusieurs centaines d’années, et par plutonium et radio-nucléides à vie
longue pendant plusieurs milliers d’années. Le « nuage » a survolé
l’ensemble du continent européen, disséminant une contamination massive
au-delà des frontières. Il a même saturé l’atmosphère de la planète en
radioactivité. 150.000 km² sont contaminés à plus de 37.000 becquerels
de césium 137/m². Un quart de la Biélorussie est fortement contaminé.
L’Ukraine et la Russie sont également très touchées. Une zone étendue
autour de la centrale a même été baptisée « zone d’exclusion » et reste
interdite. C’est en fait un territoire invivable qui se découvre où huit
millions d’habitants et d’habitantes doivent s’adapter pour survivre en
zone contaminée. L’eau, la terre et le bétail sont contaminés dans une
région essentiellement agricole. La vie est placée sous le signe de la
contamination. La “vie sous contrainte radiologique” est testée comme
dans un immense labo. Les experts ne sont pas des poètes.

Quelques antinucléaires s’auto-organisent alors au sein du Comité
Irradiés de tous les pays unissons-nous. Les analyses qu’ils font alors
du rôle de l’Etat et des nucléocrates en situation de gestion de crise
sont parfaitement concordantes avec la situation actuelle. Il était
alors affirmé que :
“le nucléaire a placé les individus dans une situation de plus grande
dépendance par rapport à l’Etat. Après leur avoir imposé ces monstres
que sont les centrales et autres lieux de production et de stockage de
matières fissiles, il se présente comme la seule force ayant les moyens
sinon d’empêcher, du moins de juguler leurs principes, et recommande à
tout un chacun de le laisser s’occuper de la sécurité, sans discuter la
moindre des décisions prises au nom de cette sécurité. C’est ainsi que
l’Etat et les nucléaristes, ayant mené l’humanité à un stade
d’insécurité jamais atteint auparavant, se prétendent les seuls
habilités à protéger l’humanité des dangers dont ils sont la cause.
Partout, ils se présentent comme l’unique recours possible contre la
dégradation, qu’ils produisent, des conditions d’existence, et invitent
les populations à venir se ranger en bon ordre sous leur bouclier
fissuré. Ce qui reste de réactions humaines, de réflexes de solidarité,
en cas de catastrophes est transformé en participation civique à un
processus dont l’Etat reste le maître exclusif. S’il suggère aux
individus de se jeter aveuglément dans ses bras salvateurs, c’est avec
la force de sa police et de son armée, par le quadrillage militaire des
régions et la déportation ou le « confinement » des populations, seules
solutions qu’il ait prévues en cas de catastrophe. C’est d’ailleurs bien
normal puisque le même déploiement militaro-policier sert déjà à
réprimer les révoltes des « citoyens » bafoués contre les décisions qui
les affectent.”

Il en est de même avec l’épidémie du coronavirus aujourd’hui. Ce genre
d’épidémie est directement lié aux activités industrielles et aux fortes
concentrations croisées d’humains et d’animaux. Il faut y ajouter les
difficultés à la réguler du fait de la circulation des marchandises à
travers le monde, au délabrement organisé des services de santé, au
démantèlement de toute parcelle d’autonomie et au renforcement de la
dépendance à des systèmes industriels et économiques finalement bien
fragiles. L’Etat et les classes dirigeantes qui ont organisé cet état du
monde sont les mêmes qui se proposent aujourd’hui de nous “sauver”. Au
même moment, leur pouvoir ne cesse de s’étendre à coups de lois
d’exception et d’état d’urgence. Nous voilà pris dans le maillage de
l’Etat, dans les fils de la toile de la gestion post-catastrophe, dont
l’objectif est de sauver un monde, leur monde, avec leurs privilèges,
leur pouvoir, leurs délires technoscientifiques, leur règne de l’argent.
La police surveille, l’armée investit les rues, les médias relaient sans
arrêt les discours officiels, les collabos balancent les réfractaires.
Les gendarmes verbalisent même les gens qui se rendent à une inhumation,
comme à Falaise le 19 mars
( https://actu.fr/normandie/falaise_14258/coronavirus-quatre-personnes-verbalisees-falaise-sortie-dun-enterrement_32431502.html?fbclid=IwAR2XeaUmJ_W6u_e2hoJf6s6MK6rBTeU-O5iOySbgZoJmNKnEVLvK06JneBc ).
L’Etat suspend chaque geste à son contrôle. Le but est surtout d’éviter
que cette situation suscite d’autres désirs, d’autres imaginaires. Que
certains et certaines s’emparent de cette situation pour ouvrir d’autres
possibles. C’est pourtant la chose la plus sensée.