Bruxelles (Belgique) – 100 arrestations pour le week-end anti-keufs

A la suite des émeutes qui ont éclaté dans diverses zones de Bruxelles entre la soirée de vendredi 10 et à l’aube du dimanche 12 avril, il y a eu un total de 100 arrestations, selon les autorités. Ces attaques et incendies qui ont brisé la normalité du confinement sont partis d’un énième contrôle mortelle des flics, vendredi dans la soirée.

Dans la nuit de samedi à dimanche, outre l’attaque groupée d’un commissariat à coups de pierres, « du mobilier urbain a été détruit et cinq voitures de particuliers ont été incendiées », nous dit les médias. Mais à y regarder de plus près, notamment en checkant une vidéo des journaflics, on remarque que parmi ces fameuses « voitures incendiées », l’une d’entre elles est en effet bien particulière. Sur sa carrosserie blanche, on y distingue le logo de l’entreprise Engie, connue pour être notamment un rouage de l’enfermement (en plus d’alimenter en énergie ce monde d’oppression). Puisque la domination a tout intérêt à minimiser ou à dissimuler des incendies qui ciblent un ennemi bien identifié, il ne serait pas étonnant que parmi ces quatre autres (peut-être plus, qui sait?) « voitures de particuliers incendiées », on compte également d’autres ordures similaires, toutes aussi nocives pour nos vies les unes que les autres…

Par ailleurs, on apprend que cette nuit-là, y’avait pas que les flics et les pompiers pour [tenter d’] éteindre les flammes de la révolte dans les rues de Bruxelles…. mais aussi des éducateurs de rue en gilet orange, comme Brahim (cf photo ci-contre), qui discute à la fois avec les flics et les habitants du quartier et dit au micro d’RTL: « nous on est vraiment là pour essayer de calmer la situation, apaiser les coeurs […] ». Il finit son intervention en rappelant l’appel au calme de la famille qui jusqu’à présent n’a pas été suivi d’effet. En plus de cette autre face du maintien de l’ordre, des imams publient des vidéos sur youtube pour dire aux jeunes de rester chez eux et de respecter la police, avec leurs sempiternels refrains en faveur d’une justice divine (« remplacer la justice des Hommes par celle de Dieu »). Comme lors d’émeutes en temps « normal », les pacificateurs – laïques républicains comme religieux – sont de sortie, dans les rues comme sur les écrans…

Concernant l’émeute contre la police de samedi après-midi, il y a eu 65 arrestations (et non pas 57, comme dit précédemment). On ignore le nombre exact de garde à vue (la veille on en annonçait 43). Lors d’une attaque d’un véhicule des flics, une arme avait été dérobé à l’intérieur et elle n’a toujours pas été retrouvée.

On apprend également q’il y a eu une tentative de rassemblement dimanche en début d’après-midi, suite à un appel diffusé sur les réseaux sociaux (comme pour la veille). A cette occasion, une trentaine de personnes de plus ont été arrêtées.

Bruxelles, Belgique : 100 arrestations pour le week-end anti-keufs [+ Quelques notes sur la soirée incendiaire de samedi 11.04]

Et pendant ce temps…

14 Avril 2020, demesure

l’État français vient de passer il y a trois jours un appel d’offre public pour la somme de 3,795 millions d’euros, via le Service de l’achat, des équipements et de la logistique de la sécurité intérieure (SAELSI) du ministère de l’Intérieur, afin de compléter l’équipement policier et gendarmesque. Non, pas en masques et en gants, bien que cette engeance soit l’un des principaux vecteurs de contamination des réfractaires quand elle ne les assassine pas, mais en quelque chose de beaucoup plus utile. Satisfait de l’obéissance (notamment nocturne) de la plupart de ses braves sujets qui désertent les rues sur ordre en laissant les réfractaires à découvert – soit à la merci de la première charogne en uniforme qui passe, plus encore que d’habitude –, le maître s’est peut-être dit qu’il était temps de tirer quelques leçons pratiques du laboratoire technologique géant qui se déploie sous nos yeux et sur notre peau.

Lorsqu’il y a du monde, un drone peut certes leur être utile pour avoir une vue d’ensemble et diriger les manœuvres policières, graver des images comme une super-caméra, patrouiller une zone à risque, voire prendre en filature certains rebelles (choisis par exemple dans une foule émeutière), mais c’est lorsque le vide s’étend que leur joujou technologique devient plus fourbe encore : deux à trois clampins habilités peuvent alors tenter de dénicher sur plusieurs kilomètres et jusque dans des zones plus incongrues les rares individus qui pour des motifs variés braveraient les interdictions (sans parler des haut-parleurs donneurs d’ordre ou des caméras thermiques qu’ils peuvent trimballer).
La limite actuelle des drones restant leur instabilité relative et leur autonomie de vol (environ 30 minutes), il est clair que leur efficacité peut à la fois être renforcée en diminuant le nombre de personnes indues à surveiller, et à la fois en augmentant le nombre d’engins volants. Et ça tombe bien, parce le pouvoir dispose actuellement de ces deux avantages relatifs, outre le fait d’habituer la population à leur présence intrusive au nom de l’urgence. Un avantage qu’il aurait alors tort de ne pas pousser plus loin, vu le niveau de soumission sociale du moment.

C’est donc ainsi que le 10 avril 2020 au milieu du Grand Confinement, l’Etat vient de lancer son appel d’offre pour acquérir pas moins de 651 drones policiers de toutes tailles :

  • 565 « micro-drones du quotidien » (< 1 kg, autonomie > 25 min, capteur thermique, zoom > x6, distance de transmission > 3 km) ;
  • 66 « drones de capacité nationale » (poids < 8 kg, autonomie > 20 min, vidéo 4K, zoom > x30 en caméra jour, distance de transmission > 5 km) ;
  • et 20 « nano-drones spécialisés » (poids < 50 g, autonomie > 25 min, capteur thermique, distance de transmission > 2km, données chiffrées).

Soit 3,555 millions d’euros pour les engins volants, et 240 000 euros pour les « Passerelles de réception des trames wifi des drones», ce qui reste une des pistes pour les neutraliser en brouillant leurs ondes (en plus des coups de fusil ou de fronde, des lasers pour brûler leur cellule optique, des filets et autres drones-kamikazes).

Les 20 « nano-drones spécialisés » pour la police et la gendarmerie seront quant à eux certainement de la même famille d’insectes que ceux acquis il y a un an par l’armée de terre française (janvier 2019), soit près de 1500 engins de type Black Hornet PRS 3 fabriqués par l’entreprise FLIR Systems, pour un coût de 77,3 millions d’euros. Ce dernier fait « 16 centimètres de long et un poids plume de 33 grammes, il peut voler jusqu’à 10 mètres d’altitude et parcourir 5 mètres par secondes, permettant au soldat d’obtenir des vidéos en direct et des images HD, tout en restant discret». Bref, de quoi satisfaire tous les citoyens qui n’hésitent pas à se dépouiller de la moindre parcelle de liberté formelle en échange d’une sécurité illusoire, après avoir délégué chaque aspect de leur (sur)vie à l’Etat.

Une fois de plus, c’est aujourd’hui que tout cela se passe, c’est ici et maintenant qu’il faut agir, même en brisant le Grand Confinement, afin d’attaquer les différents aspects de la domination, et pas demain en se calquant sur une quelconque échéance ou modalité pensée par le pouvoir. Comme le disait plus ou moins la chanson, c’est reculer de d’être stationnaire, on le devient de trop se confiner… : allez, à chacun.e le sien !

NB : L’appel d’offre de drones policiers du 10 avril 2020 au BOAMP est ici. Le résultat de l’appel d’offre de drones militaires du 17 janvier 2019 au TED est là.

Près de Paris – Un fin semaine de heine pour la police

A Yvelines, Île-de-France, les affrontements avec la police continuent dans les quartiers. Depuis le début du week-end de pâques, les accrochages s’y sont enchaînés.

Les forces de l’ordre ont été prises à partie durant la nuit de dimanche à lundi à Trappes. Vers 22h30, square Louis-Pergaud, une patrouille a été la cible de cinq tirs de mortiers de feu d’artifice alors qu’elle s’approchait d’un groupe d’une trentaine de personnes, armées pour certaines de barres de fer. Les forces de l’ordre ont quitté les lieux mais vers 23 heures un conteneur poubelle a été incendié dans ce secteur. Les pompiers sont intervenus, épaulés par les policiers qui ont dispersé un groupe hostile en tirant dix grenades incapacitantes.

A 1h30 nouveaux incidents avenue Clément-Ader, où quatre conteneurs poubelle ont été incendiés. Les fonctionnaires ont lancé à nouveau huit grenades incapacitantes. Aucun blessé n’est à déplorer et aucun auteur n’a pu être interpellé.

Dans la nuit de samedi à dimanche, un feu de poubelle et deux jets de pierre sur la police ont également été déplorés à La Verrière, Mantes-la-Jolie et Sartrouville.

Encore des affrontements à la cité de la Noé

Entre vendredi et samedi c’est dans la cité de la Noé, à Chanteloup-les-Vignes, que la police a eu de nouveau maille à partir avec de fauteurs de troubles. Dans la matinée, un policier a été blessé au visage, à l’épaule et à la main par des jets de pierres alors qu’il intervenait pour sauver un homme suicidaire. A 17 heures, d’autres fonctionnaires qui contrôlaient les attestations de déplacement mail du coteau, ont essuyé des tirs de mortier provenant d’un groupe d’une dizaine de personnes.

Et dans la nuit, vers 22h30, un feu de voiture, les pompiers caillassés et un tir de grenade de la police pour disperser un rassemblement hostile place du marché ont une nouvelle fois troublé la nuit du quartier.

Inde – Trois bâtiments incendiés a New Delhi

Trois bâtiments d’un refuge ont été incendiés par leurs occupants à New Delhi, près de la rivière Yamuna.

Le refuge accueillait des travailleurs journaliers sans aucune ressource et incapables de regagner leurs campagnes, alors que l’activité économique et les transports sont paralysés en Inde. Prévu pour une centaine de personnes, il en hébergeait et alimentait des milliers de façon chaotique depuis le confinement.

Vendredi, des affrontements entre le personnel et les occupants avaient éclaté autour de la nourriture. La police était alors intervenue brutalement et quatre ouvriers avaient sauté dans la rivière. L’un d’entre eux s’y était noyé, ce qui avait en retour fait exploser la contestation le lendemain.Samedi soir, le feu était maîtrisé et la police a annoncé avoir arrêté six émeutiers.

Foi dans la science

Dans ce contexte, il semble que la science a pris les commandes de la situation, que c’est elle qui vient apporter des certitudes au milieu du chaos, nous sauver de la catastrophe. Mais il nous faut rompre définitivement avec cette idée, certainement cinématographique, d’une science déployant tout son potentiel pour garantir la santé des personnes. La technoscience, telle que nous caractérisons l’état actuel des connaissances rationnelles, est un système complexe entrepreneurial—technico-scientifique et constitue l’une des multiples facettes simultanées qu’articule la machinerie capitaliste. Elle n’est absolument pas neutre. Il n’y pas de science séparée du Capital. Ils se sont développés en synergie, en s’alimentant mutuellement.

Nous ne pouvons oublier que ces envoyés de la Science sur Terre sont les mêmes qui justifient l’utilisation de produits agrotoxiques dans la région, qui développent non seulement les armes pour les guerres, mais aussi les médicaments qui nous rendent malades et nous tuent, ainsi qu’une liste interminable d’éléments qui étayent ce système apparemment irrationel.

Le Capital produit des experts scientifiques comme pleine expression de la division du travail. Ils définissent le problème et tracent la stratégie, profitant de l’une des multiples dépossessions qui sous-tendent la société moderne : la privation des savoirs du soin et de la préservation de la dynamique du vivant. Les spécialistes quantifient le monde, exercent une réduction mathématique du réel, créant des modèles de compréhension-domination de la nature humaine et non-humaine. Un savoir qui, en dépassant le plan discursif pour devenir action concrète, brutalise la matérialité de manière irréversible.

Cette forme de compréhension du monde assigne des “propriétés” aux “objets d’étude”, dans ce cas au virus, qui posséderaient certaines caractéristiques absolues, indépendamment du milieu ou ils surgissent et déploient leur existence. Tout se focalise sur l’agent. L’operation efface les conditions matérielles ou l’action a lieu. On parle du virus, de la maladie et des mesures pour en réduire les effets, mais jamais des rapports sociaux de production et de reproduction qui incubent les événements.

Un autre aspect de la codification que le savoir dominant fait du monde est l’identification de l’étrange(r) en tant qu’ennemi. C’est le totalitarisme imposé par la métaphore militaire, le jeu macabre de la défense et de l’attaque, la destruction systématique de l’autre. Les gouvernements appliquent la tactique, le comment faire du que faire imposé par l’armée rationnelle, et ainsi se prennent des décisions déterminantes comme déclarer une quarantaine, arrêter telle ou telle ligne de production, fermer un établissement ou un autre, obliger à ou interdire de travailler, poursuivre, enfermer et torturer quiconque ne se conforme pas à leur directives.

La subordination des actions à une branche technoscientifique spécifique est temporaire et changeante. Dès qu’un autre type d’action sur le réel sera nécessaire, le savoir expert s’adaptant le mieux à la gestion de cette situation sociale particulière prendra les manettes. Ils sont aussi facilement interchangeables que l’on remplace une roue de secours. Parce qu’ils font partie de la même chose. Engrenages de ce système qui se mettent alternativement aux commandes ou à disposition. Qui parlent si nécessaire des personnes, de l’environnement, du passé, du futur ou de la vie, mais toujours la calculette à la main.

Coronavirus y questión social

https://boletinlaovejanegra.blogspot.com/2020/04/fe-en-la-ciencia.html

Mutinerie au CRA de Mesnil Amelot

Mutinerie au CRA de Mesnil Amelot par une suspicion de covid-19.

“On a ni masques ni gel hydro-alcoolique, et les deux personnes qui font le ménage n’ont ni produits ni javel.

On a ni visites de nos familles ni cigarettes ni vêtement propre.

Nous voulons des tests nous voulons être soignés, le service médical est là une heure par jour et la laverie ne marche pas non plus.

Depuis le 11 soir a 19h nous subissons la violence de la police au centre de rétention du Mesnil-Amelot suite au tabassage et au gazage de l’un d’entre nous qui, poussé par la faim, a gardé discrètement du pain sur lui en sortant du réfectoire.

En solidarité nous avons franchi les grilles pour nous rassemblé dans la cour. Le directeur du centre a dit : « très bien » puis a cadenassé l’entrée des bâtiments. « Eh bien vous dormirez dehors par terre » a-t-il dit, puis il nous ont pris nos matelas pour nous punir.”

Les policiers interviennent aussi la matin du 12 avril. Les sans papiers résistent pacifiquement aux matraques et au gazage.

La Rebelle N°2

This is a newspaper in french (the two previous issues cannot be found on the internet, by choice).

The theme is the situation of prisons in Italy (and an article on the migrant retention centers), with translations (from italian to french) of texts mainly from roundrobin.org and macerie.org

Le Rebelle 2

Le virus de la contrainte. Pieces et Main d’oeuvre

dimanche 12 avril 2020,  par Pièces et main d’œuvre

Voici nos derniers rapports sur les événements en cours. D’abord, une analyse théorique de la société de contrainte, puis une illustration d’actualité à partir de l’état d’urgence sanitaire et de la mise en place de la traque électronique.

Il se dit beaucoup ces jours-ci que la première victime d’une guerre – y compris d’une guerre sanitaire -, c’est la vérité (merci Kipling). Aussi, nous en apprenons chaque jour davantage sur les opérations du Virus.
En janvier, nous avions pitié des Chinois incarcérés par leur technocratie et traqués par des moyens technologiques. En avril, nous sommes tous chinois.
Gouverner, c’est mentir.
Gouverner, c’est contraindre.
Et ce qui nous est communiqué par la Voix des Ondes derrière le masque du Virus, ce sont les ordres de nos experts, scientifiques et technocrates.

L’épidémie, la vraie, c’est la peste numérique dont les puces électroniques sont le vecteur, et qui saisit l’occasion pour nous réduire à l’état de numéros esclaves. De machins dans la machine. Le virus, le vrai, c’est celui de la contrainte technologique, qui trouve un terrain d’autant plus favorable dans le désir de prise en charge de ceux à qui la liberté pèse trop lourd.

Il se dit aussi que les zéros sociaux murmurent sur les « réseaux sociaux » : ce sera pire après.
Ce n’est pas de manière virtuelle que les zéros sociaux, physiquement dispersés par l’urgence sanitaire, peuvent résister à la contamination numérique.
Ce n’est pas sur les réseaux sociaux qu’un peuple physiquement dispersé par l’épidémie d’autorité peut résister au coup d’Etat permanent de la technocratie dirigeante.

Numéros zéros ! il ne tient qu’à vous de briser vos chaînes numériques. Fuyez les « réseaux sociaux », jetez vos smartphones, refusez le puçage électronique (notamment les compteurs Linky), boycottez Amazon et la consommation virtuelle !

(Pour lire les deux textes, ouvrir les documents ci-dessous.)

Lire aussi :
(vieux articles, sauf le premier)

 

Leurs virus, nos morts. Pieces et Main d’oeuvre

L’espoir, au contraire de ce que l’on croit,
équivaut à la résignation.
Et vivre, c’est ne pas se résigner.
Albert Camus, Noces

Les idées, disons-nous depuis des lustres, sont épidémiques. Elles circulent de tête en tête plus vite que l’électricité. Une idée qui s’empare des têtes devient une force matérielle, telle l’eau qui active la roue du moulin. Il est urgent pour nous, Chimpanzés du futur, écologistes, c’est-à-dire anti-industriels et ennemis de la machination, de renforcer la charge virale de quelques idées mises en circulation ces deux dernières décennies. Pour servir à ce que pourra.

1. Les « maladies émergentes » sont les maladies de la société industrielle et de sa guerre au vivant
La société industrielle, en détruisant nos conditions de vie naturelles, a produit ce que les médecins nomment à propos les « maladies de civilisation ». Cancer, obésité, diabète, maladies cardio-vasculaires et neuro-dégénératives pour l’essentiel. Les humains de l’ère industrielle meurent de sédentarité, de malbouffe et de pollution, quand leurs ancêtres paysans et artisans succombaient aux maladies infectieuses.

C’est pourtant un virus qui confine chez lui un terrien sur sept en ce printemps 2020, suivant un réflexe hérité des heures les plus sombres de la peste et du choléra.

Outre les plus vieux d’entre nous, le virus tue surtout les victimes des « maladies de civilisation ». Non seulement l’industrie produit de nouveaux fléaux, mais elle affaiblit notre résistance aux anciens. On parle de « comorbidité », comme de « coworking » et de « covoiturage », ces fertilisations croisées dont l’industrie a le secret (1).

« “Les patients souffrant de maladies cardiaques et pulmonaires chroniques causées ou aggravées par une exposition sur le long terme de la pollution de l’air sont moins capables de lutter contre les infections pulmonaires, et plus susceptibles de mourir”, alerte Sara De Matteis, professeur en médecine du travail et de l’environnement à l’Université de Cagliari en Italie. C’est principalement dans les grandes villes que les habitants seraient les plus exposés à ce risque (2). »

Encore plus efficace : la Société italienne de médecine environnementale a découvert un lien entre les taux de contamination au Covid 19 et ceux des particules fines dans l’air des régions les plus touchées d’Italie. Fait déjà constaté pour la grippe aviaire. Selon Gianluigi de Gennaro, de l’Université de Bologne :

« Les poussières transportent le virus. [Elles] agissent comme porteurs. Plus il y en a, plus on crée des autoroutes pour les contagions (3). »

Quant au virus lui-même, il participe de ces « maladies émergentes » produites par les ravages de l’exploitation industrielle du monde et par la surpopulation. Les humains ayant défriché toute la terre, il est naturel que 75 % de leurs nouvelles maladies soient zoonotiques, c’est-à-dire transmises par les animaux, et que le nombre de ces zoonoses ait quadruplé depuis 50 ans (4). Ebola, le Sras, la grippe H5N1, le VIH, le Covid-19 et tant d’autres virus animaux devenus mortellement humains par le saccage des milieux naturels, la mondialisation des échanges, les concentrations urbaines, l’effondrement de la biodiversité.

La sédentarisation d’une partie de l’espèce humaine et la domestication des animaux avaient permis la transmission d’agents infectieux des animaux aux hommes. Cette transmission s’est amplifiée avec l’élevage industriel, le braconnage, le trafic d’animaux sauvages et la création des parcs animaliers.

La déforestation, les grands travaux, l’irrigation, le tourisme de masse, l’urbanisation détruisent l’habitat de la faune sauvage et rabattent mécaniquement celle-ci vers les zones d’habitat humain. Ce ne sont pas le loup et la chauve-souris qui envahissent les villes, mais les villes qui envahissent le loup et la chauve-souris.

La société industrielle nous entasse. Dans les métropoles, où les flux et les stocks d’habitants sont régulés par la machinerie cybernétique. La métropole, organisation rationnelle de l’espace social, doit devenir, selon les plans des technocrates, l’habitat de 70 % des humains d’ici 2050. Leur technotope. Ville-machine pour l’élevage industriel des hommes-machines (5).

Entassés sur la terre entière, nous piétinons les territoires des grands singes, des chauves-souris, des oies sauvages, des pangolins. Promiscuité idéale pour les contagions (du latin tangere : toucher). Sans oublier le chaos climatique. Si vous craignez les virus, attendez que fonde le permafrost.

Faut-il le rappeler ? L’humain, animal politique, dépend pour sa survie de son biotope naturel et culturel (sauf ceux qui croient que « la nature n’existe pas » et qui se pensent de pures (auto)constructions, sûrement immunisées contre les maladies zoonotiques). La société industrielle prospère sur une superstition : on pourrait détruire le biotope sans affecter l’animal. Deux cents ans de guerre au vivant (6) ont stérilisé les sols, vidé forêts, savanes et océans, infecté l’air et l’eau, artificialisé l’alimentation et l’environnement naturel, dévitalisé les hommes. Le progrès sans merci des nécrotechnologies nous laisse une Terre rongée à l’os pour une population de 7 milliards d’habitants. Le virus n’est pas la cause, mais la conséquence de la maladie industrielle.

Mieux vaut prévenir que guérir. Si l’on veut éviter de pires pandémies, il faut sortir de la société industrielle. Rendre son espace à la vie sauvage – ce qu’il en reste –, arrêter l’empoisonnement du milieu et devenir des Chimpanzés du futur : des humains qui de peu font au mieux.

2. La technologie est la continuation de la guerre – de la politique – par d’autres moyens. La société de contrainte, nous y entrons.
Nul moins que nous ne peut se dire surpris de ce qui arrive. Nous l’avions prédit, nous et quelques autres, les catastrophistes, les oiseaux de mauvais augure, les Cassandre, les prophètes de malheur, en 2009, dans un livre intitulé À la recherche du nouvel ennemi. 20012025: rudiments d’histoire contemporaine :

« Du mot “crise” découlent étymologiquement le crible, le crime, l’excrément, la discrimination, la critique et, bien sûr, l’hypocrisie, cette faculté d’interprétation. La crise est ce moment où, sous le coup de la catastrophe – littéralement du retournement (épidémie, famine, séisme, intempérie, invasion, accident, discorde) –, la société mise sens dessus dessous retourne au chaos, à l’indifférenciation, à la décomposition, à la violence de tous contre tous (René Girard, La Violence et le Sacré, Le Bouc émissaire, et toute la théorie mimétique). Le corps social malade, il faut purger et saigner, détruire les agents morbides qui l’infectent et le laissent sans défense face aux agressions et calamités. La crise est ce moment d’inquisition, de détection et de diagnostic, où chacun cherche sur autrui le mauvais signe qui dénonce le porteur du maléfice contagieux, tremblant qu’on ne le découvre sur lui et tâchant de se faire des alliés, d’être du plus grand nombre, d’être comme tout le monde. Tout le monde veut être comme tout le monde. Ce n’est vraiment pas le moment de se distinguer ou de se rendre intéressant. […]

Et parmi les plus annoncées dans les années à venir, la pandémie, qui mobilise aussi bien la bureaucratie mondiale de la santé, que l’armée et les autorités des mégalopoles. Nœuds de communication et foyers d’incubation, celles-ci favorisent la diffusion volontaire ou accidentelle de la dengue, du chikungunya, du Sras ou de la dernière version de la grippe, espagnole, aviaire, mexico-porcine, etc. […] Bien entendu, cette “crise sanitaire” procède d’une “crise de civilisation”, comme on dit “maladie de civilisation”, inconcevable sans une certaine monstruosité sociale et urbaine, sans industrie, notamment agro-alimentaire et des transports aériens. […]

On voit l’avantage que le pouvoir et ses agents Verts tirent de leur gestion des crises, bien plus que de leur solution. Celles-ci, après avoir assuré pléthore de postes et de missions d’experts aux technarques et aux gestionnaires du désastre, justifient désormais, dans le chaos annoncé de l’effondrement écologique, leur emprise totale et durable sur nos vies. Comme l’État et sa police sont indispensables à la survie en monde nucléarisé, l’ordre vert et ses technologies de contrôle, de surveillance et de contrainte sont nécessaires à notre adaptation au monde sous cloche artificiel. Quant aux mauvais Terriens qui – défaillance ou malfaisance – compromettent ce nouveau bond en avant du Progrès, ils constituent la nouvelle menace pour la sécurité globale. »

Au risque de se répéter : avant, on n’en est pas là ; après, on n’en est plus là. Avant, on ne peut pas dire ça. Après, ça va sans dire.

L’ordre sanitaire offre une répétition générale, un prototype à l’ordre Vert. La guerre est déclarée, annonce le président Macron. La guerre, et plus encore la guerre totale, théorisée en 1935 par Ludendorff, exige une mobilisation totale des ressources sous une direction centralisée. Elle est l’occasion d’accélérer les processus de rationalisation et de pilotage des sans-pouvoir, au nom du primat de l’efficacité. Rien n’est plus rationnel ni plus voué à l’efficacité que la technologie. Le confinement doit être hermétique, et nous avons les moyens de le faire respecter.

Drones de surveillance en Chine et dans la campagne picarde ; géolocalisation et contrôle vidéo des contaminés à Singapour ; analyse des données numériques et des conversations par l’intelligence artificielle pour tracer les contacts, déplacements et activités des suspects en Israël (8). Une équipe du Big Data Institute de l’université d’Oxford développe une application pour smartphone qui géolocalise en permanence son propriétaire et l’avertit en cas de contact avec un porteur du virus. Selon leur degré de proximité, l’application ordonne le confinement total ou la simple distance de sécurité, et donne des indications aux autorités pour désinfecter les lieux fréquentés par le contaminé (9).

« Les données personnelles, notamment les données des opérateurs téléphoniques, sont aussi utilisées pour s’assurer du respect des mesures de quarantaine, comme en Corée du Sud ou à Taïwan. C’est aussi le cas en Italie, où les autorités reçoivent des données des opérateurs téléphoniques, ont expliqué ces derniers jours deux responsables sanitaires de la région de Lombardie. Le gouvernement britannique a également obtenu ce type d’information de la part d’un des principaux opérateurs téléphoniques du pays (10). »

En France, Jean-François Delfraissy, le président du Comité consultatif national d’éthique et du « conseil scientifique » chargé de la crise du coronavirus, évoque l’éventualité du traçage électronique au détour d’un entretien radiophonique.

« La guerre est donc un acte de violence destiné à contraindre l’adversaire à exécuter notre volonté. » Ceux-là même qui n’ont pas lu Clausewitz, savent aujourd’hui que la technologie est la continuation de la guerre par d’autres moyens. La pandémie est le laboratoire du techno-totalitarisme, ce que les opportunistes technocrates ont bien compris. On ne rechigne pas en période d’accident nucléaire ou d’épidémie. La technocratie nous empoisonne puis elle nous contraint, au motif de nous protéger de ses propres méfaits.

Nous le disons depuis quinze ans : « La société de contrôle, nous l’avons dépassée ; la société de surveillance, nous y sommes ; la société de contrainte, nous y entrons. »

Ceux qui ne renoncent pas à l’effort d’être libres reconnaîtront avec nous que le progrès technologique est l’inverse et l’ennemi du progrès social et humain.

3. Les experts aux commandes de l’état d’urgence : le pouvoir aux pyromanes pompiers.
Nous ayant conduits à la catastrophe, les experts de la technocratie prétendent nous en sauver, au nom de leur expertise techno-scientifique. Il n’existe qu’une seule meilleure solution technique, ce qui épargne de vains débats politiques. « Écoutez les scientifiques ! » couine Greta Thunberg. C’est à quoi sert l’état d’urgence sanitaire et le gouvernement par ordonnances : à obéir aux « recommandations » du « conseil scientifique » et de son président Jean-François Delfraissy.

Ce conseil, créé le 10 mars par Olivier Véran (11), à la demande du président Macron, réunit des experts en épidémiologie, infectiologie, virologie, réanimation, modélisation mathématique, sociologie et anthropologie. Les prétendues « sciences humaines » étant comme d’habitude chargées d’évaluer l’acceptabilité des décisions techniques – en l’occurrence la contrainte au nom de l’intérêt supérieur de la santé publique.

Excellent choix que celui de Delfraissy, un homme qui vit avec son temps, ainsi que nous l’avons découvert à l’occasion des débats sur la loi de bioéthique :

« Il y a des innovations technologiques qui sont si importantes qu’elles s’imposent à nous. […] Il y a une science qui bouge, que l’on n’arrêtera pas (12). »

Ces cinquante dernières années en effet, les innovations techno-scientifiques se sont imposées à nous à une vitesse et avec une violence inégalées. Inventaire non exhaustif : nucléarisation de la planète ; OGM et biologie synthétique ; pesticides, plastiques et dérivés de l’industrie chimique ; nanotechnologies ; reproduction artificielle et manipulations génétiques ; numérisation de la vie ; robotique ; neurotechnologies ; intelligence artificielle ; géo-ingénierie.

Ces innovations, cette « science qui bouge », ont bouleversé le monde et nos vies pour produire la catastrophe écologique, sociale et humaine en cours et dont les progrès s’annoncent fulgurants. Elles vont continuer leurs méfaits grâce aux 5 milliards d’euros que l’État vient de leur allouer à la faveur de la pandémie, un effort sans précédent depuis 1945. Tout le monde ne mourra pas du virus. Certains en vivront bien.

On ignore quelle part de ces 5  milliards ira par exemple aux laboratoires de biologie de synthèse, comme celui du Genopole d’Évry. La biologie de synthèse, voilà une « innovation si importante qu’elle s’impose à nous ». Grâce à elle, et à sa capacité à fabriquer artificiellement des organismes vivants, les scientifiques ont recréé le virus de la grippe espagnole qui tua plus que la Grande Guerre en 1918 (13).

Destruction/réparation : à tous les coups les pyromanes pompiers gagnent. Leur volonté de puissance et leur pouvoir d’agir ont assez ravagé notre seule Terre. Si nous voulons arrêter l’incendie, retirons les allumettes de leurs mains, cessons de nous en remettre aux experts du système techno-industriel, reprenons la direction de notre vie.

4. L’incarcération de l’homme-machine dans le monde-machine. L’effet cliquet de la vie sans contact.
Le contact, c’est la contagion. L’épidémie est l’occasion rêvée de nous faire basculer dans la vie sous commande numérique. Il ne manquait pas grand-chose, les Terriens étant désormais tous greffés de prothèses électroniques. Quant aux attardés, ils réduisent à toute allure leur fracture numérique ces jours-ci, afin de survivre dans le monde-machine contaminé :

« Les ventes d’ordinateurs s’envolent avec le confinement. […] Tous les produits sont demandés, des équipements pour des vidéoconférences à l’ordinateur haut de gamme pour télétravailler en passant par la tablette ou le PC à petit prix pour équiper un enfant. Les ventes d’imprimantes progressent aussi. Les Français qui en ont les moyens financiers sont en train de reconstituer leur environnement de travail à la maison (14). »

Nous serions bien ingrats de critiquer la numérisation de nos vies, en ces heures où la vie tient au sans-fil et au sans-contact. Télétravail, téléconsultations médicales, commandes des produits de survie sur Internet, cyber-école, cyber-conseils pour la vie sous cloche – « Comment occuper vos enfants ? », « Que manger ? », « Tuto confinement avec l’astronaute Thomas Pesquet », « Organisez un Skypéro », « Dix séries pour se changer les idées », « Faut-il rester en jogging ? » « “Grâce à WhatsApp, je ne me suis jamais sentie aussi proche de mes amis”, constate Valeria, 29 ans, chef de projet en intelligence artificielle à Paris. »

Dans la guerre contre le virus, c’est la Machine qui gagne. Mère Machine nous maintient en vie et s’occupe de nous. Quel coup d’accélérateur pour la « planète intelligente » et ses smart cities (16). L’épidémie passée, quelles bonnes habitudes auront été prises, que les Smartiens ne perdront plus. Ainsi, passé les bugs et la période d’adaptation, l’école à distance aura fait ses preuves. Idem pour la télémédecine qui remplacera les médecins dans les déserts médicaux comme elle le fait en ces temps de saturation hospitalière. La « machinerie générale » (Marx) du monde-machine est en train de roder ses procédures dans une expérience à l’échelle du laboratoire planétaire.

Rien pour inquiéter la gauche et ses haut-parleurs. Les plus extrêmes, d’Attac à Lundi matin, en sont encore à conspuer le capitalisme, le néolibéralisme, la casse des services publics et le manque de moyens. Une autre épidémie est possible, avec des masques et des soignants bien payés, et rien ne serait arrivé si l’industrie automobile, les usines chimiques, les multinationales informatiques avaient été gérées collectivement, suivant les principes de la planification démocratique assistée par ordinateur.

Nous avons besoin de masques et de soignants bien payés. Nous avons surtout besoin de regarder en face l’emballement du système industriel, et de combattre l’aveuglement forcené des industrialistes.

Nous, anti-industriels, c’est-à-dire écologistes conséquents, avons toujours été minoritaires. Salut à Giono, Mumford, Ellul & Charbonneau, Orwell et Arendt, Camus, Saint Exupéry, et à quelques autres qui avaient tout vu, tout dit. Et qui nous aident à penser ce qui nous arrive aujourd’hui.

Puisque nous avons du temps et du silence, lisons et méditons. Au cas où il nous viendrait une issue de secours.

Pièces et main-d’œuvre
Grenoble, 22 mars 2020

Notes

1. Rappel : la pollution de l’air tue chaque année 48 000 Français et plus de 100 Grenoblois.
2. http://www.actu-environnement.com, 20/03/20.
3. Idem.
4. Revues Nature et Science, citées par Wikipedia.
5. Cf. Retour à Grenopolis, Pièces et main-d’œuvre, mars 2020, http://www.piecesetmaindoeuvre.com
6. Cf. J.-P. Berlan, La guerre au vivant, Agone, 2001.
7. Pièces et main-d’œuvre, À la recherche du nouvel ennemi. 2001-2025 : rudiments d’histoire contemporaine, Éditions L’Échappée, 2009.
8. « Israël approves mass surveillance to fight coronavirus », https://www.ynetnews.com, 17/03/20
9. https://www.bdi.ox.ac.uk/news/infectious-disease-experts-provide
10. Le Monde, 20/03/20.
11. Le nouveau ministre de la Santé est un médecin grenoblois, député LREM après avoir été suppléant de la socialiste Geneviève Fioraso, ex-ministre de la Recherche. Selon Le Monde, « un ambitieux “inconnu” » qui « sait se placer » (lemonde.fr, 23/03/20).
12. Jean-François Delfraissy, entretien avec Valeurs actuelles, 3/03/18
13. Virus recréé en 2005 par l’équipe du professeur Jeffrey Taubenberger de l’Institut de pathologie de l’armée américaine, ainsi que par des chercheurs de l’université Stony Brook de New York.
14. http://www.lefigaro.fr, 19/03/20.
15. Le Monde, 19/03/20.
16. Cf. « Ville machine, société de contrainte », Pièces et main-d’œuvre, in Kairos, mars 2020 et sur http://www.piecesetmaindoeuvre.com

(Mis en ligne le 22 mars 2020 sur le site de Pièces et main d’œuvre)

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