Coronavirus, industrie agroalimentaire et état d’urgence

Contra Toda Nocividad / jeudi 5 mars 2020

On parle beaucoup du coronavirus Covid-19, et pourtant très peu. Certains éléments fondamentaux restent dans l’ombre. Je voudrais en citer quelques-uns, différents mais complémentaires.

Le premier fait référence au fonctionnement pervers du capitalisme, qui cache les causes véritables des problèmes afin de ne pas les affronter, parce que cela toucherait à ses intérêts, alors qu’il fait des affaires avec un prétendu traitement des symptômes. Pendant ce temps, les États consacrent d’énormes ressources publiques à des mesures de prévention, de contention et de traitement, qui eux non plus n’agissent pas sur les causes, de sorte que cette façon de faire face aux problèmes se transforme en affaire, accaparée par les sociétés transnationales, par exemple avec les vaccins et les médicaments.

L’approche dominante aux virus et aux bactéries veut qu’il s’agisse exclusivement d’organismes nuisibles qui doivent être éliminés. Ce qui prévaut est une perspective guerrière, comme dans tant d’autres aspects du rapport du capitalisme à la nature. Cependant, en raison de leur capacité à sauter entre les espèces, les virus et les bactéries sont un élément fondamental de la coévolution et de l’adaptation des êtres vivants, y compris les humains, ainsi que de leur équilibre avec l’environnement et de leur santé.

La Covid-19, qui fait aujourd’hui la une des journaux du monde entier, est une souche de la famille des coronavirus, qui provoque des maladies respiratoires généralement bénignes, mais qui peuvent être graves pour un très faible pourcentage des personnes touchées, en raison de leur vulnérabilité. D’autres souches de coronavirus ont causé le Syndrome respiratoire aigu sévère (SARS), considéré comme une épidémie en Asie en 2003, mais ayant disparu depuis 2004, et le Syndrome respiratoire aigu du Moyen-Orient (MERS), qui a pratiquement disparu aussi. Comme la Covid-19, il s’agit de virus qui peuvent être présents chez les animaux ainsi que chez les humains et, comme c’est le cas pour tous les virus, les organismes affectés ont tendance à développer une résistance, qui provoque à son tour une nouvelle mutation du virus.

Il y a un consensus scientifique sur le fait que l’origine de ce nouveau virus – comme tous ceux qui ont déclenché ou menacés de déclencher une pandémie ces dernières années, y compris la grippe aviaire et la grippe porcine qu’il y au eu au Mexique – est zoonotique. C’est-à-dire qu’il provient d’animaux et qu’ ensuite il mute, en affectant les êtres humains. Dans le cas de la Covid-19 et du SARS, on présume qu’il provient de chauves-souris. Bien que l’on mette en cause la consommation de chauves-souris sur les marchés asiatiques, en réalité la consommation d’animaux sauvages de manière traditionnelle et locale ne pose pas de problème. L’élément fondamental est la destruction des habitats propres aux espèces sauvages et leur remplacement par des installations urbaines et/ou par l’expansion de l’agriculture et de l’élevage industriels, ce qui crée des situations favorisant la mutation accélérée des virus.

La véritable usine systématique des nouveaux virus et bactéries qui sont transmis aux êtres humains est l’élevage industriel d’animaux, principalement de oiseaux, de porcs et de vaches. Plus du 70% des antibiotiques dans le monde sont utilisés pour l’engraissement ou la prévention des infections chez des animaux non malades, ce qui a engendré un très grave problème de résistance aux antibiotiques, aussi chez les êtres humains. Depuis 2017, l’OMS a fait appel aux industries agricoles, d’élevage, piscicoles et alimentaires afin qu’elles cessent d’utiliser systématiquement des antibiotiques pour stimuler la croissance d’animaux en bonne santé. Les grandes entreprises agricoles et alimentaires ajoutent régulièrement à leur nourriture des doses d’antiviraux et de pesticides.

Cependant, il est plus facile et plus pratique de pointer du doigt quelques chauves-souris ou civettes – dont les habitats naturels ont certainement été détruits – que de remettre en question ces usines de maladies humaines et animales.

La menace de pandémie est également sélective. Toutes les maladies qui ont été considérées comme des épidémies au cours des deux dernières décennies, y compris la Covid-19, ont produit beaucoup moins de décès que des maladies courantes, comme la grippe – à cause de laquelle meurent chaque année, selon l’OMS, jusqu’à 650 000 personnes dans le monde. Toutefois, ces nouvelles épidémies motivent des mesures de surveillance et de contrôle extrêmes.

Comme l’a déclaré le philosophe italien Giorgio Agamben, se confirme ainsi la tendance croissante à utiliser l’état d’exception comme paradigme normal de gouvernement.

Se référant à l’épidémie de Covid-19 en Italie, Agamben souligne que « le décret-loi immédiatement approuvé par le gouvernement, pour des raisons de santé et de sécurité publique, donne lieu à une véritable militarisation des communes et des zones qui sont citées comme sources de transmission, une formule, celle-ci, si vague qu’elle permet d’étendre l’état d’exception à toutes les régions ». A cela, continue Agamben, s’ajoute l’état de peur qui s’est propagé ces dernières années dans les consciences des individus et qui se traduit par le besoin d’états de panique collective, auquel l’épidémie offre une fois de plus le prétexte idéal. Ainsi, dans un cercle vicieux et pervers, la limitation de la liberté imposée par les gouvernements est acceptée au nom d’un désir de sécurité qui a été induit par ces mêmes gouvernements qui interviennent maintenant pour le satisfaire.

Silvia Ribeiro
chercheuse du groupe ETC

Coronavirus, industrie agroalimentaire et état d’urgence

Contre le confinement généralisé

Alors oui nous traversons une crise sanitaire importante qu’il ne s’agit pas de négliger, mais même si Corona est assez coriace et contagieux, il reste assez peu mortel. l’extrême majorité de la population peut donc (et va sûrement) le contracter et en guérir tranquillement. Bien sûr le problème est la saturation de l’accès aux soins et cela sans surprise puisque les moyens accordés au secteurs de la santé n’ont fait que diminuer au fil des politiques capitalistes et libérales. L’État et les gouvernements successifs sont responsable de la situation actuelle, c’est à cause de leurs politiques, leur négligence de l’humain, du soin, des secteurs « non rentables » en général qu’aujourd’hui nous sommes obligés d’essayer de retarder la propagation du Covid-19 qui sinon aurait bien pu se répandre à la vitesse qu’il voulait sans plus de conséquence qu’une mobilisation intensive des services de santé (et de tout à chacun.e niveau hygiène).

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Alors oui, lavons nous les mains, évitons de nous toucher ou nous tousser dessus, désinfectons régulièrement autours de nous, ne côtoyons plus les personnes les plus à risque (tout en maintenant le lien) mais le confinement général, sérieux ? S’assigner à résidence pendant 15 jours, 1 mois, plus ? Devoir justifier ses déplacements ? Ces mesures malheureusement vont au-delà des considérations sanitaires, elles ont de grosses conséquences économiques, sociales et politiques. Bon l’économique, pour le moment l’État promet d’en prendre une partie en charge et du reste que le capitalisme tourne au ralenti ou s’en trouve affaiblit ne peut que nous réjouir. Les bon.ne.s français.e.s travailleu.r.euse.s verront leurs loyers sauter et pourront toucher le chômage partiel, super ! Ah oui mais les autres ? Celleux qui ne sont pas français.e.s ou qui n’ont même pas de papiers, celleux qui bossent au black ou dans « l’économie parallèle », celleux qui n’ont pas de loyer mais dépendent d’actes illégaux comme squatter ou faire les poubelles pour survivre et tout.te.s celleux qui n’ont pas de chez elleux où se confiner…

Dans les rues désertes des villes confinées devinez qui devient tout d’un coup visible, sans plus pouvoir compter sur la protection (certes insuffisante) des passant.e.s qui peuvent réagir en cas de problèmes ou d’abus. Merci la ville laissée aux flics en toute impunité… Comme les rafles de sans-papiers vont être facilités, comme le commerce de drogue et la prostitution vont être limités, comme les manifestations et autres contestations politiques vont disparaître ! Quelle aubaine pour l’État !

Alors oui, on va éviter les activités trop collectives, les réunions superflues, on va maintenir des distances de sécurité, mais on niquera votre confinement, déjouera autant que possible vos contrôles, hors de question qu’on cautionne la restriction de nos libertés et la répression ! A tou.te.s les pauvres, les marginaux et les révolté.e.s, soyons solidaires et entre-aidons nous pour maintenir les activités nécessaires à notre survie, éviter les arrestations et les amandes et continuer à nous exprimer politiquement.

Par solidarité avec celleux qui ont besoin de se déplacer pour survivre et avec celleux qui hier comme aujourd’hui ne peuvent pas se permettre un contrôle de police, on propose pour commencer un info-traflic des contrôles sur Nantes, ce peut être au moins ici en commentaires ou sur d’autres plateformes sécurisées. On espère aussi que les camarades continuerons de s’organiser (pensez outils informatiques sécurisés) pour résister et lutter contre toutes les oppressions, la lutte ne doit pas s’arrêter. S’adapter, trouver de nouveaux outils, de nouvelles failles, l’épidémie et l’état de restrictions sanitaires que nous traversons peuvent être un bon exercice, un bon test pour les milieux militant.e.s face au sécuritaire. Il nous faut dès aujourd’hui échanger les informations : Qui se fait contrôle ? Est ce qu’ils demandent les attestations ? Est ce qu’ils vérifient les identités ? Est ce qu’ils donnent des amandes systématiquement, envoient en vérif ou en gardav’ ? Tester et si besoin déjouer ou saboter les dispositifs de contrôle (tout en restant lucides sur les risques sanitaires), observer, produire de la réflexion et de l’analyse sur les évènements mais surtout garder coûte que coûte notre esprit de solidarité et d’autonomie, passons nous autant que faire se peut des institutions.

Alors oui, c’est la pandémie et cette grosse bronchite de Covid-19 est mortelle et fait peur, mais nous voulons, hier comme aujourd’hui avoir et garder le contrôle de nos vies. Je veux pouvoir choisir et que chacun.e ait le choix de s’exposer ou non, de prendre des risques mais surtout de se soigner comme iel l’entend. C’est pourquoi on ferra tout notre possible pour ne mettre en danger personne mais on se sentira libre aussi de ne pas choisir le médecin ou l’hôpital, de tester nos propre remèdes. Il serait idiot de faire soudainement pleine confiance à l’institution médicale qui à si souvent prouvé quels intérêts elle sert. Si patriarcale, si capitaliste nous ne pouvons nous en remettre à elle seule. Si nous ne voulons pas engraisser les gros laboratoires pharmaceutiques alors soignons nous par nous même, mais si nous estimons qu’eux seuls possèdent des remèdes efficaces alors choisissons leurs produits pour le moment, à chacun.e de juger, mais nul doute que dans ce domaine aussi une lutte est nécessaire pour se ré-approprier les savoirs et les ressources et gagner notre autonomie.

Comme toujours c’est la balance entre liberté et sécurité, si vous pencher vers l’un vous payerez par l’autre. L’État nous ordonne la sécurité sanitaire et nous la fait payer de notre liberté de circulation. Que chacun.e trouve l’équilibre qui lui convient mais par pitié qu’on arrête, par peur, de cracher sur celleux qui choisiront toujours la liberté parce que mourir du coronavirus ou d’autre chose leur importe peu, vivre est un risque et vivre sans liberté c’est, pour elleux être déjà mort.e.s !

Courage à tou.te.s les malades et personnes vulnérables. Force aux illéga.ux.les et claustro de tout poils.

Eradiquons le Corona et l’Etat ! Solidarité et autonomie.

https://nantes.indymedia.org/articles/49289

Nouvelles du jour d’après #6

le 26 avril 1986, le réacteur numéro quatre de la centrale nucléaire de
Tchernobyl explosait. C’était une autre catastrophe, qui créait elle
aussi un effet de sidération. Plus de 100.000 personnes étaient alors
évacuées de la région entourant la centrale. Cette explosion du réacteur
a provoqué une contamination massive par césium et strontium sur
plusieurs centaines d’années, et par plutonium et radio-nucléides à vie
longue pendant plusieurs milliers d’années. Le « nuage » a survolé
l’ensemble du continent européen, disséminant une contamination massive
au-delà des frontières. Il a même saturé l’atmosphère de la planète en
radioactivité. 150.000 km² sont contaminés à plus de 37.000 becquerels
de césium 137/m². Un quart de la Biélorussie est fortement contaminé.
L’Ukraine et la Russie sont également très touchées. Une zone étendue
autour de la centrale a même été baptisée « zone d’exclusion » et reste
interdite. C’est en fait un territoire invivable qui se découvre où huit
millions d’habitants et d’habitantes doivent s’adapter pour survivre en
zone contaminée. L’eau, la terre et le bétail sont contaminés dans une
région essentiellement agricole. La vie est placée sous le signe de la
contamination. La “vie sous contrainte radiologique” est testée comme
dans un immense labo. Les experts ne sont pas des poètes.

Quelques antinucléaires s’auto-organisent alors au sein du Comité
Irradiés de tous les pays unissons-nous. Les analyses qu’ils font alors
du rôle de l’Etat et des nucléocrates en situation de gestion de crise
sont parfaitement concordantes avec la situation actuelle. Il était
alors affirmé que :
“le nucléaire a placé les individus dans une situation de plus grande
dépendance par rapport à l’Etat. Après leur avoir imposé ces monstres
que sont les centrales et autres lieux de production et de stockage de
matières fissiles, il se présente comme la seule force ayant les moyens
sinon d’empêcher, du moins de juguler leurs principes, et recommande à
tout un chacun de le laisser s’occuper de la sécurité, sans discuter la
moindre des décisions prises au nom de cette sécurité. C’est ainsi que
l’Etat et les nucléaristes, ayant mené l’humanité à un stade
d’insécurité jamais atteint auparavant, se prétendent les seuls
habilités à protéger l’humanité des dangers dont ils sont la cause.
Partout, ils se présentent comme l’unique recours possible contre la
dégradation, qu’ils produisent, des conditions d’existence, et invitent
les populations à venir se ranger en bon ordre sous leur bouclier
fissuré. Ce qui reste de réactions humaines, de réflexes de solidarité,
en cas de catastrophes est transformé en participation civique à un
processus dont l’Etat reste le maître exclusif. S’il suggère aux
individus de se jeter aveuglément dans ses bras salvateurs, c’est avec
la force de sa police et de son armée, par le quadrillage militaire des
régions et la déportation ou le « confinement » des populations, seules
solutions qu’il ait prévues en cas de catastrophe. C’est d’ailleurs bien
normal puisque le même déploiement militaro-policier sert déjà à
réprimer les révoltes des « citoyens » bafoués contre les décisions qui
les affectent.”

Il en est de même avec l’épidémie du coronavirus aujourd’hui. Ce genre
d’épidémie est directement lié aux activités industrielles et aux fortes
concentrations croisées d’humains et d’animaux. Il faut y ajouter les
difficultés à la réguler du fait de la circulation des marchandises à
travers le monde, au délabrement organisé des services de santé, au
démantèlement de toute parcelle d’autonomie et au renforcement de la
dépendance à des systèmes industriels et économiques finalement bien
fragiles. L’Etat et les classes dirigeantes qui ont organisé cet état du
monde sont les mêmes qui se proposent aujourd’hui de nous “sauver”. Au
même moment, leur pouvoir ne cesse de s’étendre à coups de lois
d’exception et d’état d’urgence. Nous voilà pris dans le maillage de
l’Etat, dans les fils de la toile de la gestion post-catastrophe, dont
l’objectif est de sauver un monde, leur monde, avec leurs privilèges,
leur pouvoir, leurs délires technoscientifiques, leur règne de l’argent.
La police surveille, l’armée investit les rues, les médias relaient sans
arrêt les discours officiels, les collabos balancent les réfractaires.
Les gendarmes verbalisent même les gens qui se rendent à une inhumation,
comme à Falaise le 19 mars
( https://actu.fr/normandie/falaise_14258/coronavirus-quatre-personnes-verbalisees-falaise-sortie-dun-enterrement_32431502.html?fbclid=IwAR2XeaUmJ_W6u_e2hoJf6s6MK6rBTeU-O5iOySbgZoJmNKnEVLvK06JneBc ).
L’Etat suspend chaque geste à son contrôle. Le but est surtout d’éviter
que cette situation suscite d’autres désirs, d’autres imaginaires. Que
certains et certaines s’emparent de cette situation pour ouvrir d’autres
possibles. C’est pourtant la chose la plus sensée.

Nouvelles du jour d’après #5

Le mouvement anarchiste a depuis bien longtemps son lot d’autoritaires
responsables et citoyens. Dans la situation actuelle, la gestion de
crise sanitaire a par conséquent ses relais dans les milieux dits
radicaux, justifiant les attestations de sortie et les mesures
d’isolement au détriment de l’entraide. Il y a des moments propices pour
que les masques tombent. Le site Socialisme libertaire, qui diffuse des
contenus variés et de tendances fort contradictoires, a ainsi trouvé que
c’était le bon moment pour diffuser un vieux texte de Pierre Bance,
apôtre acritique sur le Rojava et du municipalisme libertaire en France,
où il est question de Droit, de Justice et de Police libertaires. Le
titre est évocateur : Maintien de l’ordre en anarchie. “Ainsi
faudrait-il qu’en société communiste, il y ait un droit, s’indigne le
naïf. Un droit mais aussi une justice et une police pour le faire
appliquer.” J’ajoute : à coups sûrs il y aura aussi des anarchistes et
des rebelles pour les combattre, et c’est tant mieux. Kropotkine avait
écrit un texte sur L’organisation de la vindicte appelée justice il y a
bien longtemps (https://infokiosques.net/spip.php?article1376). Les
frères de la forêt combattant le tsarisme ont quant à eux refuser la
discipline. Après avoir élu un chef, puis pris les décisions
collectivement à la majorité, ils ont finalement décidé de ne rien
décider pour les autres. Les décisions collectives ne s’imposaient
jamais à qui que ce soit et tout un chacun pouvait refuser de s’y plier.
Se replonger dans cette histoire (cf Vive la révolution, à bas la
démocratie, Mutines séditions), comme beaucoup d’autres, serait plus
judicieux que d’apposer les oripeaux libertaires sur des institutions
autoritaires et étatiques. A leur maintien de l’ordre, quel qu’il soit,
il y aura toujours des individus pour y opposer la conflictualité contre
toute domination.
La peur est rarement bonne conseillère. L’isolement n’ouvre aucune
perspective émancipatrice. La crise dans laquelle nous sommes plongés
n’est pourtant pas une crise sanitaire provenant d’un virus arrivé là
par hasard de façon toute naturelle. C’est une crise aux multiples
facettes qui est d’abord celle d’un monde absurde, cynique, inégalitaire
et liberticide. Et par la même occasion ravageur pour tout ce qu’il y a
de vivant. Les choses sont claires : les cadres télétravaillent pendant
que les ouvriers et ouvrières taffent et s’exposent à la maladie (dont
le coronavirus n’est qu’un aspect plus immédiat) ; les sans-papiers et
sans-abris sont “oubliés” ; le gouvernement commence déjà à profiter de
la situation pour renforcer les conditions d’exploitation à la demande
du patronat et pour accélérer une société de contrôle toujours plus
technologisée, etc. Il y aurait par ailleurs beaucoup à dire et
réfléchir sur la question du rapport à la mort et à ce qui fait une vie
plutôt que rester “confiné” à la survie. Peut-on seulement affirmer
qu’on préfère continuer à vivre et à lutter au risque de sa santé plutôt
que de s’isoler à ne rien faire pour peut-être y passer quand même ? Il
serait idiot de nier la gravité de la catastrophe en cours. Il y a
d’ores et déjà des tas de morts, et il y en aura d’autres. Il faudra y
ajouter les tas de gens qui ne pourront pas payer leurs factures et qui
se retrouveront dans des situations de merde, des gens traumatisés, des
gens embastillés. Il est toutefois certain que la révolte et l’entraide
ont bien des vertus thérapeutiques !

Encore et toujours pour la liberté !

Le Coronavirus redimensionne Defender Europe et les forces italiennes s’entrainent dans le Nevada

” Après une évaluation minutieuse des activités en cours pour l’entraînement [militaire] Defender Europe 2020 et à la lumière de l’épidémie de coronavirus d’aujourd’hui, nous modifierons l’exercice en réduisant le nombre de participants américains; les activités associées à l’entraînement seront remodelées en accord étroit avec les Alliés et les partenaires pour répondre à nos plus grandes priorités [en termes] d’ objectifs d’entraînement “.

Maintenant c’est officiel: le Commandement des Forces Armées Américaines en Europe basé à Stuttgart (Allemagne) a décidé d’amputer les jeux de guerre programmés en Europe centrale et orientale aux mois d’avril et mai dans le cadre du maxi-exercice auquel plus de 37 000 militaires, des milliers de véhicules lourds, des chasseurs-bombardiers et des unités navales et sous-marines des pays qui ont rejoint l’Alliance atlantique étaient attendus. “La protection de la santé de nos forces armées et celle de nos alliés de l’OTAN est un objectif prioritaire”, poursuit la note publiée par le Commandement européen américain. “Nous prenons l’épidémie de coronavirus au sérieux et sommes convaincus qu’en prenant cette décision, nous continuerons à faire notre part pour empêcher la propagation du virus, tout en maximisant nos efforts pour développer notre alliance et partenariat. et renforcer la réponse générale contre toute crise et éventualité “. De nouvelles mises à jour concernant Defender Europe seront annoncées dans les prochaines heures.
La décision américaine a été officialisée après l’annulation de la première phase de l’exercice prévu en Norvège et dans la mer Arctique (exercice Cold Response 20).Précisément à cause de l’explosion sur le vieux continent de l’urgence du coronavirus, il y a quelques jours, la Finlande avait annoncé son retrait des jeux de guerre en mer Baltique; le ministre italien de la défense, Lorenzo Guarini, avait également annoncé, le 12 mars, son intention de ne pas participer à Defender Europe. “Les hommes et les femmes de la Défense sont sur le terrain sans relâche pour faire face, en ce moment délicat, à l’urgence sanitaire et pour garantir la mise en œuvre des délibérations importantes décidées par le gouvernement”, a déclaré Guerini. «Pour cette raison, j’ai évalué conjointement, en notifiant le commandement de l’OTAN, de ne pas confirmer notre contribution à l’exercice, conjointement avec le chef de la défense. Tout en soutenant sa valeur stratégique, j’ai jugé approprié de maintenir la contribution des forces armées dans cette situation aussi élevée que possible “.
La décision du gouvernement a été partagée par toutes les forces politiques et l’opinion publique. Dommage que dans les mêmes heures où celle-ci a mûri, de l’autre côté de l’océan, au Nevada (USA), un autre maxi-exercice aérien, le Red Flag (Red Flag 2020-02), a commencé avec la participation des départements d’excellence de l’armée de l’air provenant des bases de Pise, Grosseto, Gioia del Colle, Trapani-Birgi, Pratica di Mare et Amendola (Foggia). “Avec les premiers décollages des moyens italiens, le Red Flag a officiellement commencé le 9 mars, l’un des exercices aériens les plus complexes et les plus réalistes organisés à l’échelle internationale, qui implique également les forces aériennes américaines, espagnoles et allemandes à la base américaine de Nellis” , signale avec force le communiqué de presse publié par l’état-major de la défense. «Pour la première fois depuis 1989, l’Air Force participe à trois types d’avions: les Eurofighters de 4e, 36e et 37e Escadre; le CAEW (Conformal Airborne Early Warning) du 14e Escadron de Pratica di Mare et les F-35 de la 32e Escadron d’Amendola, tous deux à la première présence dans ce scénario particulier. Il s’agit de l’événement de formation le plus important de 2020 pour l’Air Force, un exercice dans lequel les pilotes consolident la capacité d’utiliser les systèmes d’armes fournis et la validité de leurs tactiques respectives, à travers l’organisation et la coordination de formules consistant en un grand nombre d’avions, renforçant en même temps la capacité d’opérer conjointement avec d’autres départements, tant de la Force armée que d’autres nations ».

Pas de danger de coronavirus donc pour Red Flag qui se terminera le 20 mars. De plus, aucun des protagonistes armés ne pouvait manquer l’occasion d’expérimenter en direct les nouveaux systèmes de renseignement et pour l’acquisition de la cyber-guerre : les simulations des futures guerres aérospatiales et cybernétiques auront lieu dans un immense champs de tir du Nevada qui se hausser près de la base vue aérienne de Nellis, l’une des plus grandes installations militaires du monde. Dans ce champ de tir, plus de 75% de toutes les munitions et bombes à la disposition des forces armées américaines et de l’OTAN ont été testées. De sa première édition en 1975 à nos jours, Red Flag a accueilli les forces aériennes de 29 pays et plus de 506 000 militaires. “Le déploiement opérationnel et logistique dans le Nevada pour les exercices aériens a été effectué par notre Force armée comme prévu, malgré les efforts organisationnels concomitants au niveau national dans le contexte des actions actuelles de contraste et de gestion des urgences de COVID-19”, conclut la note de l’état-major. Qui sait si après la mission irresponsable aux États-Unis, l’isolement obligatoire au domicile sera décrété contre tout le personnel participant, à titre préventif pour la propagation du coronavirus dans toute l’Italie …

Il Coronavirus ridimensiona Defender Europe e l’Italia si esercita nel Nevada

Turin – ecrit sur l’épidémie en cours

Ces jours, enfermés de force à la maison, semblent une excellente occasion d’essayer de réfléchir et de mettre sur papier quelques considérations sur ce qui se passe, sur les scénarios possibles qui s’ouvriront et vers quoi, en tant que compagnons, il conviendra de tourner notre attention.
Les notes que vous lirez sont des réflexions à chaud sur lesquels nous essaierons de revenir et continuerons de raisonner dans les temps à venir, et donc n’avons aucune prétention à l’exhaustivité.
Une première clarification sur les nombreuses rumeurs qui tendent à minimiser cette épidémie nous semble juste. Nous ne sommes ni médecins ni infirmières mais à notre avis l’absurdité de cette position peut être contestée dans le cadre de la théorie révolutionnaire. Ceux qui visent à changer le présent comme objectif de leur vie devraient être les premiers à savoir que la relation entre le Capital et la Nature, drames et catastrophes surviennent inévitablement qui, malgré le récit dominant, n’ont rien de “naturel”, qui ne sont pas des cygnes noirs mais, selon les périodes, ont une certaine périodicité, comme les crises économiques. Les tremblements de terre dans les zones peuplées, la désertification, la pollution des aquifères, les inondations et les épidémies sont des fils de la même logique. L’épidémie à laquelle nous sommes confrontés, malgré toutes ses spécificités, ne nous semble pas d’une autre nature que cette série de catastrophes produites par le régime capitaliste. Des spécificités qui, bien entendu, sont loin d’être négligeables et qui mériteront d’être approfondies au cours de cet écrit.

Les origines

La maladie s’est développée sur le marché de Wuhan, la capitale du Hubei, l’une des régions les plus peuplées de Chine. Région devenue le haut fourneau du pays: voici le cœur battant des hauts fourneaux et des cimenteries qui a soutenu la croissance industrielle du géant asiatique. La grande quantité de matériaux de construction et la formation d’ingénieurs qualifiés dont la région est le berceau ont soutenu toute la période post-crise de 2008: l’État chinois a en effet lancé au cours de ces années d’impressionnants projets d’infrastructure et de construction.
La couverture sanitaire dans toute la Chine est presque inexistante, un très grand nombre de travailleurs d’autres régions sont en effet illégaux dans celles [les régions] dans lesquelles ils se retrouvent à travailler (en raison du système diabolique hukou ) et vivent donc dans un état semi-clandestin et sans aucune protection. Il est important de souligner en quoi il s’agit d’une situation structurelle et non due à la dureté plus ou moins grande des dirigeants en place. Comme nous l’avons déjà souligné dans d’autres écrits [https://macerie.org/wp-content/uploads/2018/03/def-tuttattorno.pdf ] la fin des politiques keynésiennes a une de ses explications pour la baisse des profits mondiaux, un phénomène accentué par la récession qui a commencé en 2008. Une étude publiée dans un article intéressant du blog de Chuang [ http://chuangcn.org/2020/02/social-contagion/ ou en italien https://pungolorosso.wordpress.com/ 2020/03/12 / social-contagion-class-warfare-micro-biologique-in-china / ] – dont nous recommandons fortement la lecture – souligne comment, si dans la région de Dongguan les entreprises devaient prendre en charge la couverture sanitaire du leur main-d’œuvre, ceux-ci réduiraient leurs profits de moitié et seraient donc contraints de délocaliser la production ailleurs.
La concentration de la population dans des endroits insalubres et surpeuplés et l’impossibilité d’avoir un système de santé décent ont contribué à l’apparition du fameux Covid-19. Diverses études indiquent que le passage de formes virulentes des animaux aux humains sera de plus en plus probable à l’avenir et, ajoutons-nous, de plus en plus meurtrier.

Le choc

La Chine, suivie de l’Italie et de nombreux autres pays, a réagi à cette pandémie en mettant en quarantaine l’ensemble de la population. Les effets et l’impact de ces mesures sur les économies nationales et mondiales font encore débat. Des images satellite impressionnantes des émissions de CO2 ont été prises dans les journaux, avant et après l’arrêt de la plupart des activités en Chine, dont il est possible de d’obtenir “seulement” les donnée pour un mois du géant asiatique qui s’est arrêté complètement presque [ https://www.corriere.it/cronache/20_marzo_02/coronavirus-cina-measures-counter- the- epidemic- will-scale-l- pollution-of-the-air-eceb67ba-5c8a-11ea-9c1d- 20936483b2e0.shtml ] . Il n’est pas clair/certain que cela signifie que l’arrêt de l’économie ai de fait transporté le monde hors des sables mouvants de la récession. Certes, les banques centrales rejoigent ce choc, que beaucoup comparent à l’éclatement de la bulle des prêts hypothécaires à risque, avec un essoufflement. Dix ans de liquidités forcées sur les marchés nationaux et les taux d’intérêt maintenus constamment bas pour maintenir en vie le système financier mourant, laissant peu de marge de manœuvre. Une confirmation est la réaction des marchés, un bruit sourd historique pour Piazza Affari suite aux propos qui auraient dû être rassurants et réconfortants par le nouveau président de la BCE Lagarde, le 12 mars.
Il faut certes faire attention à interpréter les à-coups du monde financier qui sont souvent le résultat de manœuvres spéculatives; Cependant, il ne semble pas hasardeux de prédire que de nombreuses économies nationales seront à genoux après ces mois de quarantaine: de nombreuses entreprises devront peut-être fermer leurs portes et nombre de celles qui survivront devront plutôt faire face à une profonde restructuration à plusieurs niveaux. Tout laisse penser que cette crise sera en fait la cause, et aussi l’occasion, avec le temps nécessaire, d’une restructuration de l’économie vers une nouvelle automatisation, avec tout ce que cela implique en termes d’emploi, de conditions de travail et de concentration du capital.[Https://www.repubblica.it/economia/affari-e-finanza/2020/03/16/news/l_impatto_del_coronavirus_sull_italia_spa_possibile_un_danno_da_641_miliardi-251367463/].

En Italie

Depuis le 10 mars, une sorte de couvre-feu est également appliqué ici en Italie. Tous les magasins sont fermés, seuls les magasins alimentaires, les buralistes, les quincailleries, les usines, les services essentiels (par exemple nettoyage publique, l’élimination des déchets et les transports publics) et pas beaucoup plus.
Le gouvernement Conte, soutenu par l’Europe qui concède beaucoup en termes de déficit toléré, légifère avec frénésie pour essayer de mettre quelques correctifs à cette situation d’arrêt forcée: le plan est d’essayer de rassembler autant de liquidités que possible et de les faire pleuvoir d’en haut, en cascade, sur les entreprises. Le financement spécial, le fonds de prêt extraordinaire et l’amortissement semblent faire partie de la solution. Nous convenons tous que les fonds ne seront pas suffisants. La réalité de la production italienne est parsemée de moyennes et petites entreprises dont la faible rentabilité depuis au moins une décennie et le fort endettement suggèrent, comme nous l’avons dit, que le contrecoup contre la pandémie, en termes de sociétés fermées et d’emplois éliminés, pourrait être extrêmement violent .
Quant aux travailleurs, une série de parachutes sociaux sont en préparation: un chômage spécial de trois mois, l’arrêt des hypothèques et des factures pour les licenciés et la suspension de certaines taxes municipales. Des mesures qui semblent insuffisantes à plusieurs points de vue.
L’environnement de travail italien est largement constitué de contrats dits atypiques: pour les numéros de TVA et pour les pseudo [travailleurs] indépendants, le gouvernement travaille sur un remboursement de seulement cinq cents euros pour trois mois; on ne sait pas ce qui arrivera à ceux qui ont des contrats temporaires ou qui sont complètement au noir.  On parle vaguement d’aides pour les loyers mais aussi ici liées à ceux qui peuvent prouver qu’ils sont restés à la maison en raison de la crise sanitaire. Des milliers de travailleurs sont hors jeu depuis mars, sans voir un sou et avec des dépenses à payer qui deviendront bientôt insoutenables.
Cela mériterai une discussion séparée pour ceux qui sont obligés d’aller travailler malgré l’urgence sanitaire.
Les infirmières et le personnel de santé sont soumis à une forte pression: entre ceux qui sont obligés de travailler avec des horaires exténuants et ceux qui, parce qu’ils étaient initialement employés dans des services fermés en raison d’urgence, ont été mis en congé forcé. Sans oublier qu’en vue du contrôle des dépenses, les sociétés hospitalières et coopératives disposent de peu de réserves de gants et de masques et découragent souvent voire interdisent totalement leur utilisation.
Les travailleurs des usines ou des secteurs stratégiques sont ensuite envoyés au cases pipe sans le minimum de protections nécessaires et de compensation contractuelle. Dans un climat rendu particulièrement morose par l’interdiction de se rassembler, et donc par une grève “active”, il existe cependant de nombreux sites de production où la main-d’œuvre a décidé de croiser les bras [refusé de travailler, ndt], au point de contraindre les syndicats confédéraux à faire pression sur le gouvernement pour avoir un entretien avec les parties concernées. Après cette réunion, la fermeture des usines a été officialisée pour quelques jours afin de permettre la réorganisation des espaces conformément au décret et l’achat de protections individuelles pour les travailleurs.
Le cadre pour l’avenir semble particulièrement sombre, dans un horizon qui va bien au-delà de la contingence du coronavirus . Dans les discours prononcés en permanence par le Premier ministre Conte, il est fait constamment référence à l’unité nationale, à l’Italie qui, ensemble, surmontera ce moment. Rien de plus faux. Il est vrai que le virus affecte tout mais les conséquences, tant sanitaires qu’économiques, seront vécues de manière différente: ceux qui ont accumulé des réserves au cours de ces années pourront se permettre de se débrouiller, ceux qui ne vivront que de leur salaire seront obligés de faire d’énormes sacrifices. Les morts du Covid-19 pourraient avoir une connotation aussi bien plus singulière : la privatisation féroce du secteur de la santé menée depuis plusieurs années a entraîné la perte de nombreuses places en soins intensifs et nous imaginons que ceux qui peuvent se le permettre ont déjà recours à des cliniques privées et une quarantaine plus ou moins dorée, sans oublier toutes les autres maladies qui actuellement ne reçoivent aucun traitement car l’attention est toute dirigée vers le coronavirus , à moins que vous ne puissiez accéder à des installations privées.
L’Etat jouera un jeu fondamental sur le plan idéologique. L’exécutif dirigé par Conte après les premières bévues semble avoir trouvé la boussole de la gouvernementalité et ces mesures de mise en quarantaine extrême à la Chinoise semblent trouver un soutien dans la population. Les mesures économiques, même insuffisantes, seront probablement chaleureusement accueillies par ceux qui pensent avoir un peu plus de répit. Mais ces aides coûteront cher, difficile de ce point de vue de tracer des scénarios précis: si l’Europe veut tout reprendre avec des intérêts et une série de politiques d’austérité féroce et de mémorandum de larmes et de sang, pour ainsi dire, elle tombera sur l’Italie; ou si, d’autre part, cette crise fera plutôt vaciller définitivement l’Europe ou remodeler substantiellement ses contours et ses équilibres.

Paravants et tapis roulants

Si nous tournons maintenant notre regard vers tous ces camarades et compagnons qui ont depuis longtemps décidé de lutter contre l’État et le système capitaliste dans lequel nous vivons, nous ne pouvons que commencer par une dure autocritique:cette crise nous laisse sans préparation.
Non préparés de plein de points de vue, à partir desquels nous commencerons à comprendre comment y remédier, au moins à récupérer le terrain perdu et à comprendre si nous aurons la capacité d’intervenir si le mécontentement généralisé devait se transformer en colère puis en action. Non préparé non seulement à cause de nos limites et de notre incapacité, mais aussi à cause d’un faible conflit social répandu parmi les couches exploitées de la population, qui a certainement influencé les possibilités d’intervention des compagnonnes et compagnons. Difficultés causées également par le travail idéologique mené par l’État dans la décennie de l’après-crise de 2008, par sa capacité à accepter des conditions d’exploitation toujours plus élevées et par les mesures répressives mises en place petit à petit. Des difficultés qui ont créé peu d’opportunités d’affrontement et de confrontation, tout en limitant limiter l’osmose entre révolutionnaires et franges du prolétariat disposé à lutter.
Mais comme cela arrive souvent, chaque crise génère des processus d’accélération, dans les conditions matérielles de la vie ainsi que dans la perception des gens qui nous entourent, de manière à nous faire penser que tout n’est pas perdu … en effet. Et que nous devons retrousser nos manches avant qu’il ne soit trop tard. Première étape et objectif minimum réalisable, sortir de la phase d’urgence (si l’on peut parler de sortie) avec une bonne compréhension du phénomène qui se déroule et des défis auxquels il est confronté.
Même pour nous, dans notre ville spécifique, il n’était pas facile de comprendre immédiatement ce qui se passait. À quel point ce virus est-il dangereux? Comment ce danger est-il lié aux caractéristiques structurelles du système de santé et du système socio-économique qui le sous-tend? Comment va se développer le phénomène qui nous entoure? Quelles mesures l’Etat prendra-t-il?
Nous ne cachons pas qu’au cours des deux premières semaines, nous avons continué les éventements, obligés de revoir quotidiennement nos idées et nos ébauches de propositions, sans trop combiner. La réaction qui s’est produite dans les prisons a perturbé tous les plans, montrant peut-être au plus profond de notre inadéquation à la situation, à la capacité de réagir aux événements et de soutenir ce qui se passait.
Que les effets de l’épidémie soient strictement liés à une vie forcée dans des villes de plus en plus peuplées et à un système de santé consacré de plus en plus à d’autres objectifs plutôt qu’à la prise en charge les tranches exploitées, est incontestable. Que l’épidémie existe vraiment, également. Réaliser un plan de confrontation, des discours et des propositions de lutte qui ne prennent pas en compte le réel danger de contagion est naïf, pour le moins irresponsable. Penser que vous pouvez remettre un dépliant à un monsieur de 70 ans qui vit à côté de nous sans les précautions nécessaires, au risque de l’infecter, n’est pas acceptable. Penser à proposer une assemblée dans le quartier pour discuter de la manière de traiter les problèmes économiques, sans penser aux spécificités du moment, serait tout aussi téméraire.
Il est évidemment aussi du devoir des compagnons de ne pas céder à la paranoïa généralisée et de se consacrer à une analyse attentive et précise des événements, pour être ensuite transmis à ceux qui nous entourent. Une analyse qui a ses difficultés intrinsèques en raison de la complexité du phénomène, qui ne peut certainement pas être assimilé, par exemple, à l’étude des politiques de logement public dans une ville, au niveau de militarisation d’une nation ou aux effets d’un ouvrage majeur nuisible au territoire. Analyse rendue encore plus difficile par le fait que le détenteur des données et informations, ainsi que le promoteur des décisions qui guident les critères (pensez par exemple au critère du nombre de tampons à réaliser et sur qui ) est l’État avec ses institutions de recherche.
Permettez-nous donc une brève digression pour essayer de se focaliser sur le problème. On semble pouvoir dire que dans le débat «du milieu» les lectures et les positions sont écrasées sur deux pôles discursifs. D’une part, une tentative de minimiser, sinon de nier, la gravité de la situation, d’autre part, de s’approprier la raison d’État avec sa rhétorique sur l’urgence à laquelle tout doit être subordonné. Une polarisation qui vient de loin et n’est certainement pas le produit de l’épidémie en cours, même si cela ne fait que la rendre plus évidente. Une polarisation qui affecte une grande partie de l’activité et de la production théoriques révolutionnaires, au moins à cette époque et qui oscille entre 1) la possibilité d’entrevoir et d’essayer de prendre une voie indépendante par rapport au système capitaliste et 2) la nécessité de pour faire face à une série de besoins pour lesquels, jusqu’à l’achèvement d’un processus révolutionnaire, ce système ne peut être ignoré. Un contraste donc entre la nécessité de lutter pour obtenir et déchirer, même cet ordre de choses, ce dont nous avons besoin pour vivre mieux et celui d’essayer de comprendre entre-temps quels chemins d’autonomie sont «constructibles» “Au fur et à mesure que les luttes grandissent et se répandent. Des voies d’autonomie dans lesquelles les aspects matériels et théoriques / imaginatifs doivent s’entremêler et se nourrir mutuellement.
En général, soit nous avons tendance à être écrasés par le poids de la nécessité, en devenant plus réalistes que le roi, et au mieux en invoquant un “retour dans le passé” dans lequel l’ État providence “fonctionnait mieux” , soit nous parlons d’autonomie et inconnu, ne tenant en rien compte de la sphère de la nécessité qui, petit problème, est celle grâce à laquelle on peut vivre. On oublie donc que la condition pour pouvoir vivre dans un monde libre et égal est celle de pouvoir vivre. Une question qui se pose de manière extrêmement claire dans une situation comme celle actuelle où les problèmes ont tendance à émerger nus et crus, sans le verni habituel qui les entoure, du moins dans ce coin du monde. À moins que nous ne nions la gravité actuelle de la santé ou que nous n’émettions l’hypothèse que, fatalement, étant donné les conditions actuelles, il n’y a rien d’autre à faire que d’accepter de mourir du capitalisme – parce qu’il s’agit de ça- nous devrions nous efforcer d’élaborer et de soutenir dans la pratique un discours qui viser à protéger votre propre santé et celle des autres et à prendre en compte les besoins de santé, sans être submergé par l’ état . Nous nous rendons compte que cette déclaration ne semble guère plus qu’un slogan, certainement plus facile à dire qu’à faire ou même juste à raisonner correctement. Mais il n’y a rien de simple dans cet ordre de problèmes, et les difficultés structurelles devant lesquelles nous nous trouvons doivent être explicitées et nous accompagner à chaque étape de nos tentatives comme de nos réflexions. La question est évidemment de n’accepter en aucune façon la raison d’État avec ses logiques d’urgence, utile pour discipliner la population, freiner et préparer à l’avance l’émergence du mécontentement et des conflits, ainsi que d’être une expérience importante vers laquelle les autorités tendrons certainement à l’avenir pour tirer plus de leçons. Il n’est pas nécessaire de préfigurer une situation dystopique, de normalisation totale des mesures de confinement actuelles des demain, pour comprendre leur gravité . D’un autre côté, c’était hier, ou plutôt depuis des décennies, que les États s’emploient à étudier les techniques de contre-insurrection et la gestion militaire des crises de toutes sortes. Par exemple, il est possible que la contrepartie exploite cette situation pour relancer la 5G (en faisant appel et en se légitimant, ne serait-ce que comme imaginaire, à une gestion de l’épidémie coréenne. Https://ilmanifesto.it/alta-diagnostica-e-controllo-sociale -le-modèle-corée du sud-bascule-les-nombres-pour-retourner-les-nombres / ) ou d’appliquer un couvre-feu atténué dans d’autres situations critiques.
Cette logique d’urgence, cependant, répond également à des besoins indéniables pour contenir la contagion et c’est la différence profonde entre la situation actuelle et d’autres situations d’urgence sociale ou de catastrophes liées pour ainsi dire à des phénomènes naturels. Négliger ou minimiser ces données ou faire semblant de les oublier ne renforcera certainement pas notre capacité à critiquer et à essayer de contraster les dispositifs et le processus d’auto-légitimation mené par les autorités. Il serait intéressant, par exemple, de comprendre quelles critiques nous devrions adresser à une stratégie comme celle du Royaume-Uni visant à créer la soi-disant immunité de masse …
La critique et l’opposition au soi-disant état d’urgence doivent alors être au moins complémentaires à un discours et aux luttes qui parviennent à mettre au centre les dégradantes politiques de santé, guidées par la féroce logique du profit, de plus en plus au fil des ans et surtout maintenant, ils font de la possibilité d’être soigné pour ceux qui n’ont pas certaines ressources économiques un luxe extrêmement sélectif. Cela ne signifie certainement pas revendiquer le rôle et la logique de la santé publique comme objectif ultime vers lequel tendre, mais la lutte pour pouvoir vivre librement , nous le répétons, passe par la possibilité de vivre et la restructuration dans le domaine de la santé a été et continue d’être de véritables actes de guerre contre de nombreux exploités. Un échec dans la possibilité de se guérir que dans un monde comme [le monde] capitaliste, structurellement hostile à toute forme d’autonomie, équivaut à de vraies condamnations à mort, même au-delà de Covid-19. S’efforcer d’élargir ces possibilités, parallèlement à la construction d’une connaissance et d’une logique autres que celles de la santé publique, représente un élément fondamental pour une perspective révolutionnaire qui ne veut pas s’opposer idéologiquement à la liberté et à la nécessité de la vie. Comment articuler des propositions concrètes à cet égard est un problème qui va certainement au-delà de ce court essai et, au moins pour le moment, des compétences et de l’expérience de ses auteurs. Nous apprendrons à le faire, si nous apprenons, à le faire et à raisonner de manière critique sur les luttes que nous serons en mesure de construire.
Tenter, dans la mesure du possible, d’analyser correctement le phénomène a des répercussions à la fois éthiques et stratégiques: d’une part, nous ne pouvons pas contribuer à mettre en danger les autres et les éventuels complices face au risque de contagion. Nous, les compagnonnes et compagnons, qui sont déjà peu nombreux et avec des énergies limitées, ne pouvons pas être malades. Nos éventuels complices ne peuvent pas tomber malades et mourir … laissez les riches, les dirigeants et les patrons tomber malades, au moins. D’autre part, nous devons essayer de comprendre comment la situation et les scénarios qui pourraient se produire évolueront pas à pas.
Nous ne pouvons certainement pas nous permettre d’attendre, car malgré le déterminisme le plus approximatif ou même vouloir imaginer une catastrophe certaine et sûre qui se présente à nous, il s’agit de savoir comment essayer de transformer la catastrophe en révolution.

Lutter… [mais] comment

Reprenant le fil de ce qui a manqué, nous ne pouvons manquer de constater une certaine lacune dans notre relation avec les exploité.e.s qui vivent autour de nous. Certaines choses qui devraient être à la base de notre intervention sont déjà difficiles: créer des relations de solidarité avec les personnes les plus touchées par les répercussions sociales et matérielles en contournant certains diktats idiots du gouvernement et la dépendance à l’égard de l’appareil de contrôle;contraster le récit dominant et révéler les répercussions futures qui auront sur la qualité de vie; tenter de partager avec le prolétariat et les migrants prolétariens des outils pour comprendre le phénomène du virus et les mouvements de l’État; aider à comprendre le type de répression mis en place et comment y faire face (pensez à l’application généralisée de l’article 650 du code pénal). Que les amortisseurs [aides d’état, ndt] mis en place seront destinés à ne soutenir que la partie la plus récupérable de la population est certain, mais aussi le récit mis en place jusqu’à présent dénote une certaine sélection face à l’infection elle-même: une grande partie des migrant.e.s exploité.e.s, qui ne savent pas bien la langue italienne, ont de sérieuses difficultés à comprendre quelque chose, même si seulement comprendre comment bien utiliser un masque ou des gants. [sic, ndt]
Là aussi, il est nécessaire de saisir les aperçus qu’une situation de crise entraîne et d’essayer de prendre ce processus d’accélération, d’essayer de rencontrer en peu de temps beaucoup plus de personnes que nos luttes spécifiques n’ont pu le faire ces derniers temps. Un déficit qui ne peut peut-être pas être entièrement comblé. En même temps pour comprendre si et comment rencontrer à nouveau ces personnes avec qui nous avons partagé des morceaux de lutte, ou avec qui nous les partageons toujours. Par exemple, si les luttes dans les CRA n’avaient pas cessé et s’ils n’avaient pas retiré les téléphones portables à l’intérieur de ces cages, cela aurait peut-être été un autre champ de bataille comme les prisons, mais avec plus de possibilités d’interaction.
Si nous voulions nous pencher sur les défis auxquels nous sommes confrontés même en se concentrant sur une analyse temporelle, nous devrions commencer à imaginer ce qu’il faut faire dans la phase sortante de cette urgence sanitaire (si et quand il y en aura), et les conséquences sociales que cela entraînera … avec plus la possibilité de retourner dans la rue. Il n’y aura pas une feuille qui bouge et tout le monde sera content du retour à la normale avec le cri de “RinascItalia”? Y aura-t-il plutôt des glissements de terrain qui canaliseront une colère collective colérique? Une série de conflits va-t-elle commencer dans des secteurs spécifiques de la société (travailleurs de la restauration, agents de santé, chômeurs, personnes atteintes de maladies aggravées par l’urgence du coronavirus , lutte pour les factures, etc.)? Ici aussi, nous partons des lacunes.
Qui plus ou moins, dans les différentes régions de l’Italie, a développé au fil des années des études et des recherches dans les différents domaines qui composent cette société, consacrée à la production et à la reproduction du système capitaliste. Souvent avec l’idée d’extraire une analyse qui guiderait et éclairerait les propositions de lutte et d’action. Pourtant, au moins pour l’écrivain, si l’urgence se termine maintenant et par exemple un entonnoir de visites de santé suspendues à récupérer est créé, avec le risque pour les situations les plus urgentes de devoir se tourner vers le particulier cher, saurions-nous également à quelle entreprise aller casser les bonbons? Indiquer en détail qui sont les responsables de cette condition? Il faudra se doter d’étude et d’observation, mais aussi d’un échange avec les éventuels complices que nous connaîtrons. En revanche, nous sommes nous-mêmes immergés dans la société et subissons l’exploitation qu’elle apporte. Au travail, parmi les voisins de l’immeuble, les amis et les amis étudiants, des proches enfermés dans les zones rouges et avec des postes de soins intensifs épuisés. D’éventuels complices, nous en connaissons peut-être déà.
Certains problèmes immédiats concerneront principalement la santé des personnes et présenteront immédiatement un aspect de classe: qu’adviendra-t-il de toutes les chronicités et pathologies qui, dans cette situation de crise et de manque de traitement, seront entrées en stade critique? Quel avantage le détournement d’une partie des consultations vers les cliniques payantes aura-t-il pour la santé privée? Comment les personnels de santé, contraints depuis longtemps à des conditions contractuelles dégradantes et à des horaires de travail épuisants, dont la sortie de crise sanitaire sera beaucoup plus longue?
Habitués au fil des ans aux coups répressifs, aux difficultés des conflits sociaux, au côté partiel des luttes, nous risquons de perdre l’élan imaginatif et utopique. Un élan qui doit nécessairement pouvoir tirer des mondes idéaux libérés du capitalisme, mais jeter le cœur au-delà de l’obstacle de la résignation. Et voyons grand.
Un regard qui, pour couper le problème avec la hache de guerre, oscille entre la capacité d’attaquer et l’autogestion des ressources dans la reproduction de la vie dans un processus insurrectionnel, ainsi que ses méthodes d’organisation. Parce que si nous soutenons que le monde capitaliste en tant que tel est à la base de la crise des coronavirus , si nous soutenons que la possibilité s’ouvre à de nombreuses personnes d’acquérir cette conscience à travers une lutte difficile, alors la portée est radicale.
Nous nous arrêterons à «remuer» ou à soutenir plus trivialement les manifestations de rue et leur niveau de confrontation, ou en même temps nous nous poserons le problème de savoir comment se ravitailler, comment continuer à se soigner sans reproduire ses modèles à but lucratif, comment utiliser la terre et des espaces agricoles pour produire de la nourriture? Comment pourrons-nous nous défendre des attaques de l’homologue contre un territoire, même partiel, en ébullition? Comment dialoguer avec d’autres territoires loin de nous? D’un autre côté, s’ils coupent l’eau et le courant d’une section en révolte d’une prison, pourquoi ne le feraient-il pas avec tout un quartier?
Ici le vertige s’insinue trop, mieux vaut dormir. Nous espérons seulement que ces arguments partiels pourront guider la confrontation à venir.

Turin, 16 mars 2020

Posons une question différente : Regagner son autonomie d’action pendant le virus

Soumission anonyme à North Shore Counter-Info

La situation change d’heure en heure. Comme tout le monde, je le suis de près et je partage les nouvelles infos, je regarde nos vies changer chaque jour, je sombre dans l’incertitude. Il nous arrive d’avoir l’impression qu’il n’y a qu’une seule crise dont les faits sont objectifs et qui ne permettent qu’une seule voie: celle de la séparation, de l’enfermement, de la soumission, du contrôle. L’État et ses appendices deviennent donc les seuls acteurs légitimes et le récit des médias de masse, avec la peur qu’ils véhiculent, inonde notre capacité d’action autonome.

Certain·e·s anarchistes ont signalé l’existance de deux crises qui se déroulent en parallèle. La première c’est la pandémie qui se répand à toute allure, qui nuit gravement et provoque même la mort pour des milliers de personnes. L’autre, c’est la stratégie de gestion de crise de l’État. Il veut nous faire croire qu’il agit pour défendre la santé de tout le monde — il veut qu’on voit sa réponse à la crise comme objective et inévitable.

La gestion de crise permet à l’État de décider les conditions qui existera une fois la crise passée, ce qui lui permet de choisir les gagnants et les perdants, selon des critères prévisibles. Si on reconnait l’inégalité comme partie intégrante de ces mesures soi-disant neutres, il faut aussi avouer que certain·e·s payeront un prix bien plus élevé pour ce que les puissants nomment le bien collectif. Je veux retrouver l’autonomie et la liberté d’action dans cette situation et pour ce faire il sera nécessaire d’échapper au récit qui nous est donné.

Lorsqu’on permet à l’État de contrôler le récit et les questions que l’on pose, on lui permet aussi de contrôler la réponse. Si on désir un résultat autre que ce que préparent les puissants, il sera nécessaire de poser une question différente.

Nous ne faisons pas confiance aux récits médiatiques sur bien des sujets et nous restons d’habitude conscient·e·s du pouvoir des puissants de façonner le récit pour rendre inévitable les actions qu’ils ont envie de prendre. Ici au Canada, l’exaggération et les mensonges sur l’impact des blocages liées au mouvement #shutdowncanada ont préparé le terrain pour un retour violent au normal. Il est possible de comprendre l’importance d’un protocol pour limiter les infections tout en restant critique de la manière dont l’État s’en sert à ses propres fins. Même si on regarde la situation pour nous même et on arrive à accepter certaines recomandations que prône aussi l’État, il ne nous est pas nécessaire d’adopter son projet comme le notre. Il y a toute une différence entre suivre des ordres, et la pensée indépendante qui mène à des conclusions semblables.

Lorsqu’on porte vraiment notre propre projet, il nous est plus facile d’arriver à une analyse indépendante de la situation, d’examiner les diverses informations et suggestions pour nous même et de se demander ce qui est en accord avec nos buts et priorités. Par exemple, céder la possibilité de manifester quand grand nombre ont encore besoin de bosser dans le commerce du détail ne peut être qu’une mauvaise décision pour tout projet libérateur. Ou bien reconnaître la nécessité d’une grêve des loyers, tout en propageant une peur qui interdit toute manière de se retrouver entre voisin.e.s.

Abandonner les moyens de lutter tout en accomodant l’économie n’a rien en commun avec nos buts à nous mais découle du but de l’État qui veut gérer la crise tout en limitant les dégats économiques et empêchant toute atteinte à sa légitimité. Ce n’est pas que l’État cherche à limiter la dissidence, c’est juste un sous-produit. Mais si nous avons un point de départ différent — cultiver l’autonomie au lieu de protéger l’économie — nous arriverons sans doûte à un équilibre différent sur ce qui nous est acceptable.

Pour ma part, un point de départ c’est que mon projet en tant qu’anarchiste est de créer les conditions pour des vies libres et enrichissantes et non simplement des vies les plus longues possibles. Je veux écouter des conseils intelligents sans céder mon autonomie et je veux respecter l’autonomie des autres — au lieu d’un code moral à imposer, nos mesures pour le virus devrait se baser sur des accords et des limites, comme toute pratique de consentement. En discutant des mesures qu’on a choisi, on arrive à des accords et là où l’accord est impossible, nous établissons des limites auto-exécutoires qui n’ont pas besoin de coercition. Nous prenons en compte comment l’accès aux soins médicaux, la classe, la race, le genre, la géographie et bien sûr la santé interagissent avec en même temps le virus et la réponse de l’État et nous prenons celà comme une base pour notre solidarité.

Le récit de l’État insiste sur l’unité — l’idée qu’il est nécessaire de se rassembler comme société pour un bien singulier qui nous appartiendrait à tous et toutes. Les gens aiment le sentiment de faire partie d’un grand effort de groupe et aiment l’idée qu’ils puissent contribuer par leurs gestes individuels — le même genre de phénomène qui rend possible les mouvements sociaux contestataires permetant aussi à ces moments d’obéissance de masse. Notre rejet de ce récit peut donc commencer en se rappellant de l’opposition fondamentale entre les intérêts des riches et des puissants et les nôtres. Même dans une situation où ils pourraient tomber malade et mourir eux aussi (en différence avec la crise des opiacés ou l’épidémie du SIDA avant), leur réponse à la crise à peu de chance de satisfaire nos besoins et risque même une intensification de l’exploitation.

Le sujet présumé de la plus part des mesures tel que l’auto-isolement et l’éloignement social est de classe moyenne — ils imaginent une personne avec un emploi qu’elle peut facilement faire de chez elle ou bien qui a accès à des congé payée (ou dans le pire des cas, à des économies), une personne avec un chez-elle spacieux, une voiture personelle, sans beaucoup de relations intimes et avec du fric à dépenser sur la garde d’enfants et le loisir. Tout le monde est exhorté à accepter un niveau d’incomfort, mais ceci augmente à force que nos vies diffèrent de cette idéale implicite, ce qui augmente l’inégalité du risque des pires conséquences du virus.

En réponse à cette inégalité on voit circuler de nombreux appels pour des formes de redistribution étatique, telles que l’expansion de l’assurance emploi, des prêts ou des reports de paiement. La plus part de ces mesures se résument à de nouvelles formes de dette pour des gens déjà en difficulté, ce qui fait écho de la crise financière de 2008, où tout le monde a partagé les pertes des riches tandis que les pauvres ont été laissés pour compte.

Je n’ai aucun intérêt à donner des conseils à l’État et je ne suis pas parmi celleux qui voit en ce moment un point de bascule vers des mesures socialistes. La question centrale à mon avis, c’est si on veut ou non que l’État ait le pouvoir de tout arrêter, peu importe ce qu’on pense des raisons invoqués.

Le blocages #shutdowncanada étaient jugées innacceptables, bien qu’ils ne causaient pas une fraction des dégats que ce qu’a pu faire l’État, à peine une semaine plus tard. C’est clair que le problème n’est pas le niveau de perturbation, mais qui est l’acteur légitime. De la même manière, le gouvernement de l’Ontario ne cessait de répéter à quel point la grève des enseignant·e·s et leurs quelques journées d’actions auraient été un fardeau inacceptable pour les familles, juste avant d’ordonner la fermeture des écoles pendant trois semaines. Encore une fois, le problème c’est que c’était des travailleurs·euses et non un gouvernement ou un patron. La fermeture des frontières à des gens mais non à des biens intensifie le projet nationaliste déjà en marche partout dans le monde et la nature économique de ces mesures à l’apparence morale deviendra évidente après le pic du virus et quand les appels deviendront plutôt “achêter, pour l’économie”.

L’État rend légitime ses actions en les positionnant comme la simple mise-en-pratique des recommandations expertes et de nombreux gauchistes répètent cette même logique dans leurs appels pour la gestion directe de la crise par des experts. Tous les deux prônent la technocratie et le règne des experts. On a vu de ça dans certains pays européens, où des experts économiques étaient nommés chef d’État pour mettre en place des plans d’austérité “neutres’ et “objectifs”. On trouve souvent à gauche des appels à céder notre autonomie pour se fier à des experts, surtout dans le mouvement contre les changements climatique, et aucune surprise de les retrouver pour le virus.

Ce n’est pas que je ne veux pas l’avis d’experts ou qu’il existe des individus avec une connaissance profonde de leur domaine — c’est que je trouve que la manière de présenter un problème anticipe déjà la solution. La réponse au virus en Chine nous montre de quoi la technocratie et l’autoritarisme sont capables. Le virus ralenti et les postes de contrôle, les couvre-feu, les technologies de reconaissance faciale et la mobilisation de main d’oeuvre peuvent servir à d’autres fins. Si on ne veut pas cette réponse, il faut savoir poser une question différente.

Les écrans ont déjà réussi à enfermer énormément la vie sociale et cette crise ne fait qu’accélérer ce processus — que peut-on faire pour lutter contre l’aliénation en ce moment? Que peut-on faire pour répondre à la panique de masse que répandent les médias, ainsi qu’à l’anxiété et la solitude qui viennent avec?

Comment répandre la possibilité d’agir? Les projets d’entraide et de santé autonomes sont une bonne idée, mais peut-on passer à l’offensive? Peut-on entraver la capacité des puissants de décider quelles vies valent la peine de sauver? Peut-on aller au-delà du soutien pour s’attaquer aux rapports de proprieté? Aller vers le pillage ou l’expropriation, ou même extorquer les patrons au lieu de mendier pour un peu de congé maladie?

Que fait-on pour préparer à esquiver les couvre-feu ou des restrictions de déplacements, même à traverser des frontières bouclées, si on décide que c’est approprié? Cela comprendra d’établir nos propres standards pour la sécurité et la nécessité et de ne pas accepter bêtement celles de l’État.

Que peut-on faire pour avancer nos engagements anarchistes? En particulier, notre haine de la prison dans toutes ses formes me parait pertinente. Que peut-on faire pour cibler les taules en ce moment? Et les frontières? Et si la police s’en mêlent pour appuyer les mesures de l’État, comment faire pour délégitimer et limiter leur pouvoir?

Le pouvoir se reconfigure autour de nous — comment cibler ses nouveaux points de concentration? Quels intérêts cherchent à “gagner” au virus et comment les miner (pensons aux opportunités d’investissement, mais aussi aux nouvelles lois et l’expansion de pouvoirs autoritaires). Quelles infrastructures de contôle se renforcent? Qui sont les profiteurs et comment les atteindre? Comment préparer pour ce qui viendra après et se préparer pour le moment de possibilité qui pourrait exister entre le pire du virus et un retour à la normalité économique?

Développer notre propre récit de ce qui se passe, ainsi que des buts et priorités qui nous sont propres, n’est pas mince affaire. Il sera nécessaire d’échanger des textes, experimenter en action et communiquer sur les résultats. Il nous sera nécessaire d’élargir notre idée d’intérieur-extérieur pour avoir suffisament de gens avec qui s’organiser. Il sera nécessaire de continuer d’agir dans l’espace publique et refuser de se replier sur l’internet. Avec les mesures pour combattre le virus, la peur intense et la pression de se conformer chez nombreuses personnes qui seraient autrement nos alliées rend difficile la tâche de discuter de la crise autrement. Mais si on veut vraiment défier la capacité des puissants de façonner la réponse au virus selon leurs intérêts, il faut commencer par regagner l’abilité de poser nos propres questions.

Les conditions sont différentes partout, mais les États se regardent et se prennent en exemple, alors il nous ferait bien de regarder les anarchistes ailleurs pour voir comment illes font face à des conditions qui seront bientôt les notres. Alors je vous laisse avec cette citation d’anarchistes en France, où le confinement obligatoire est en place depuis une semaine, maintenu par la force armée de la police:

Alors oui, on va éviter les activités trop collectives, les réunions superflues, on va maintenir des distances de sécurité, mais on niquera votre confinement, déjouera autant que possible vos contrôles, hors de question qu’on cautionne la restriction de nos libertés et la répression ! A tou.te.s les pauvres, les marginaux et les révolté.e.s, soyons solidaires et entre-aidons nous pour maintenir les activités nécessaires à notre survie, éviter les arrestations et les amandes et continuer à nous exprimer politiquement.

Contre le confinement généralisé, Indymedia Nantes

Déborder le gérable

Une des définitions qu’offre la racine de gérer est celle de s’occuper de l’administration, de l’organisation et du fonctionnement d’une entreprise, d’une activité économique ou d’un organisme.
C’est un terme qui, de manière évidente, provient de la sphère économique, du monde juridico-entreprenarial et s’est installé dans tous les domaines de nos vies, à tel point qu’il fait désormais fondamentalement partie de nos activités quotidiennes.
Tout est susceptible d’être géré, nous sommes tous et toutes susceptibles d’être géré-e-s (y compris auto-géré-e-s). Tout concept pensable est gérable : les personnes, les conflits, les relations, les émotions, l’environnement, le temps, les migrations … Rien n’a pu échapper à la puissante influence de la marchandisation. Tout est un produit, nous le sommes toutes et tous. Les grands gourous, haut-placés comme la voix de leurs maîtres, nous invitent à être de bons gestionnaires. Tout cela a lieu parce que jusqu’au dernier recoin de notre vie a été conquis par la méga-machine capitaliste pour se voir transformé en simple produit.
Désormais conflits et défis ne sont plus affrontés, ils sont gérés. On ne réclame ou on ne se confronte plus, on gère. Ni on souffre ni on aime parce qu’à présent les émotions se gèrent. Tout s’est converti en maudite bureaucratie individualisée.
Les gouvernements ont adopté comme façon habituelle de fonctionner la gestion de la crise permanente, nous soumettant à l’exceptionalité constante qui devient ainsi la norme. De cette manière, la crise est continue et sa gestion posée comme indispensable. Au nom de cette urgence constante, le pouvoir trouve mille et une occasions de se restructurer et de modifier sans cesse ses mécanismes de contrôle, tandis que la majorité espère la venue de temps meilleurs. Des temps qui ne viendront jamais.
Il serait logique de penser que la crise est l’échec du système, c’est-à-dire que ce que nous vivons actuellement ne serait que la gestion sans fin d’un effondrement qui n’en finit pas d’arriver, mais que nous ne pouvons (voulons ?) pas éviter parce qu’en fin de compte la lutte finit toujours par chercher la meilleure manière de gérer. Parce que nous avons perdu la capacité même d’imaginer quelque chose de différent.
Nous avons adopté le vocabulaire de l’ennemi et nous l’avons intériorisé au point de le faire nôtre. Par là-même, nous avons accepté son cadre conceptuel, sa logique de raisonnement, celle du bénéfice économique. Nous faisons partie de lui, nous jouons dans la même équipe.
La seule option est de déborder le gérable, de rendre impossible leur manière de nous gouverner et de nous dominer. Rendre impensable la neutralisation des conflits et des possibilités de changement. Briser le cadre théorique qui aujourd’hui restreint tout, pour pouvoir ainsi nier la gestion. Parce que nier la gestion revient finalement à nier la possibilité d’être gouvernés. C’est ouvrir la porte vers un nouvel horizon.

Quebrantando el silencio

 

Après-demain. Demain. Aujourd’hui.

Il est indiscutable que les autorités aient navigué à vue ces jours-ci. Il suffirait de regarder la succession convulsive de décrets qui, en seulement trois jours, ont transformé des mesures de confinement localisées (à 16 provinces et une région) en mesures étendues à l’ensemble du pays. Certes, la difficulté de fabriquer des tests [ https://www.ilpost.it/2020/03/19/coronavirus-bucci-numero-contagi/ ] puis de les développer met le gouvernement face à l’incapacité de comprendre à quel point en est la contagion et donc comment limiter les dégâts économiques et sociaux du pays, à commencer par les personnes qui subissent le plus d’isolement et qui pourraient commencer à s’agiter.

L’épidémie est en constante évolution et les mesures drastiques adoptées jusqu’à hier ne semblent pas avoir eu d’effet, à tel point que dans certaines régions – la Lombardie surtout – la situation a désormais dépassé ce seuil de sécurité que les autorités, depuis le début, avaient évoqué une limite à laquelle ils ne devaient en aucun cas s’approcher. Sous la pression de nombreuses autorités locales, le gouvernement a décidé de resserrer encore les possibilités de déplacement des personnes, exigeant également la fermeture des parcs et jardins publics.

 [ https://www.ilsole24ore.com/art/coronavirus-new-strict-government-close-park-andgarden-limits-sport-all-outdoor-AD9RbqE ].

Des contrôles plus méticuleux et plus stricts seront mis en place, les militaires auront le feu vert pour entrer en jeu là où les administrations locales le jugeront approprié, probablement à partir des villes déjà impliquées dans l’ opération Strade Sicure (1) ou dans les pays où la contagion galope, et avec elle de nombreux décès et hospitalisations sérieuses. La possibilité que, dans certaines régions, les militaires soient également utilisés pour distribuer de la nourriture ou soutenir des activités logistiques fonctionnelles pour la subsistance de la population enclavée n’est pas exclue. En plus des opérations de contrôle.

Le gouvernement central a déjà annoncé que l’ Etat d’urgence à l’échelle nationale il y a quelques semaines sera prolongé bien au-delà du 3 avril. En ce sens de l’idée d’introduire, peut-être par décret, une loi qui permet, par dérogation à la législation sur la vie privée, de contrôler ex post les mouvements des téléphones portables, afin de vérifier le respect de la quarantaine et la véracité des auto-certifications est indicative. Ce qui a déjà été fait à Milan en termes de contrôle des flux de personnes. [ https://milano.corriere.it/notizie/cronaca/20_marzo_18/coronavirus-si-spostano-4-lombardi-10-solo-milano-1200-denunce-scatta-surveillance-digital-2227e1f0-68df-11ea-913c -55c2df06d574.shtml ]

Peut-être que nous devons commencer à abandonner l’idée que cette situation peut avoir une fin,   ou du moins redéfinir le sens de ce concept . Repensez donc le fait que le monde dans lequel nous vivons, ses relations et ses formes de pouvoir reviendront à l’identique.

Une étude du Collège impérial .pdf ] a décrit une série de scénarios possibles. Il convient de noter que ce sont des hypothèses basées sur certaines variables qui sont loin d’être sûres, mais toujours utiles pour s’orienter (par exemple, cela dépendra beaucoup des caractéristiques intrinsèques de ce virus: sa saisonnalité, la possibilité et la durée d’une éventuelle immunité chez les personnes guéries, la possibilité qu’il y ait plus de souches avec des virulences et des effets différents (autant de choses à l’heure actuelle, à ce que nous avons pu constater, non vérifiées). Les données qui ressortent avec plus de clarté sont la forte probabilité que cette épidémie continue de se propager, et donc que les différents gouvernements, après avoir allégé les mesures suite au ralentissement de la courbe des contagions, se retrouveront à devoir les proposer à nouveau plus tard pour faire face à toute nouvelle éclosion. Bref, il semble que la perspective soit ” le début d’un mode de vie complètement différent” et se résigne à l’idée de vivre dans un état pandémique . .

À ce stade, une question spontanée se pose que, sans trop d’envolée lyriques sur l’avenir, nous devons nous demander maintenant: comment pouvons-nous essayer de combattre dans un état de pandémie ?

Le caractère unique de la situation que nous vivons rend également difficile pour les dirigeants de comprendre quels problèmes surgiront et quelles formes prendront les conflits qui pourraient survenir dans les temps à venir, en particulier avec la poursuite de plusieurs semaines de ces mesures. Que se passera-t-il par exemple sous peu ou au plus tard dans quelques semaines lorsque les personnes n’ayant pas de réserves ne pourront plus faire leurs courses?

Après la première vague d’émeutes massives, même la situation dans les prisons ne semble pas avoir beaucoup changé: les mesures prises n’ont pas réduit le surpeuplement, les parloirs avec les membres de la famille n’ont en aucun cas été rétablis et le Covid-19 semble avoir commencé à se propager entre les cellules. Malgré les difficultés de communication de plus en plus graves, les premiers signalements de détenus et de gardes positifs au virus ont été fait.

Le couvre-feu, la quarantaine généralisée et l’armée dans les rues serviront principalement à prévenir ou à tuer dans l’œuf la possibilité de faire face aux nombreux problèmes économiques, sanitaires et sociaux que nous devrons traiter dans un proche avenir, avec Covid-19. Il convient de s’en rendre compte rapidement. Ces mesures variées et mixtes sont peut-être imminentes. Une fois adoptées, clarifier les idées sera encore plus difficile et les chances d’y penser face à face et peut-être de réfléchir à la manière de les gérer seront réduites encore plus. Le temps presse.

Pour une propagation de la révolte!

A propos des mutineries dans les prisons italiennes, contre les mesures de l’Etat face au coronavirus

Pour une propagation de la révolte !

A propos des mutineries dans les prisons italiennes, contre les mesures de l’Etat face au coronavirus

Depuis plusieurs semaines le gouvernement italien a testé des mesures de plus en plus radicales de restrictions de liberté dans le but de gérer l’épidémie du coronavirus.
Si l’isolement et le contrôle deviennent de plus en plus durs à l’extérieur, la situation se fait insupportable à l’intérieur des taules. Cela fait déjà deux semaines que les parloirs, le travail et les activités complémentaires sont interrompus. Ces derniers jours, les personnes qui étaient en semi-liberté ne peuvent plus sortir et les permissions spéciales ne sont plus autorisées. Cela signifie aussi la privation d’accès à des produits et biens de base (nourriture, vêtements propres, argent…)

Suites à ces décisions, les premières mutineries éclatent le samedi 7 mars, pour s’étendre à une trentaine de prisons en l’espace de 2 jours sur l’ensemble du territoire italien.
Les moyens de révolte se font clairs et efficaces. Du nord au sud de l’italie, le feu se propage d’une prison à l’autre, des prisonniers montent sur les toits aux cris de « liberté et amnistie », des matons sont pris en otage, les barreaux se tordent, des documents officiels partent en cendre. Plus de traces des agents de l’ordre dans certaines ailes des bâtiments. A Modène, c’est l’entiereté de la prison qui a fermé, car les révoltes l’ont rendue inutilisable.
Les chiffres qui commencent à circuler parlent de plus d’une centaine de prisonnier.es évadés. On leurs souhaite bon courage !

Tandis que la fumée monte haut dans le ciel les proches et personnes solidaires se retrouvent en bas des prisons, que ce soit pour crier leur soutien ou organiser des barrages de rue, bloquant ainsi l’arrivée de la police, des GOM (équivalent des ERIS, CRS de la prison) et des militaires.

La révolte est intense, la répression est féroce : coupures d’eau et d’electricité, hélicos survolant des taules,  violences policières… On compte au moins 12 morts dans plusieurs prisons. Si la presse bourgeoise et l’administration pénitentiaire parlent d’overdoses suite aux pillages d’infirmeries, les proches ont entendu des coups de feu. Et plusieurs prisonnier.es sont hospitalisés en soins intensifs.
Parallelement, politiciens en tout genre cherchent à pacifier en proposant des accès à des téléphones ou à skype, tout en demandant aux familles de calmer leurs proches… mais ça n’a pas suffit à casser leur détermination.
On leur envoie toute notre solidarité!

Nous n’avons pas besoin de faire des analyses des révoltes en cours, elles parlent d’elles-mêmes de l’attaque d’un système qui enferme et contrôle par la peur et la menace.
En s’appuyant sur une urgence et une peur généralisée qu’ils ont contribué à créer, les différents états se placent en sauveurs face à la catastrophe et nous imposent leur logique et leurs mesures. Ils rivalisent d’inventivité pour approfondir le contrôle et la surveillance et expérimentent au passage différents outils de gestion des populations.
D’ailleurs, la France parle de mettre en place un dispositif spécifique par rapport aux prisons dans les jours qui viennent.
En dehors de ces situations, la réalité carcérale est toujours dégueulasse. Face à l’enfermement, il n’y a que des bonnes raisons de se révolter!

Corona virus ou pas, en Italie ou ailleurs, feu à toutes les prisons !!

11 mars 2020

Le recto et le verso au format PDF

[Publié sur indymedia nantes, 12.03.2020]