Notes éparses sur la maladie qui sévit

I
La vérité n’est ni au milieu, ni sur le côté

Dans les moments de grande incertitude, on tend à rechercher plus que jamais la « vérité », dans la tentative de s’y agripper pour donner un sens à une situation que l’on n’arrive plus à comprendre ni à contrôler. Sous la loupe de cette considération banale, on peut observer une grande partie des dispositions et des attitudes mises en acte récemment, partout où le coronavirus SARS-CoV-2 semble se diffuser, pouvant développer la maladie du Covid-19.
Des médecins et des chercheurs de toute sorte tentent de reconstruire les scénarios de la première contagion, à la recherche du patient « zéro », en disant tout et son contraire ; des commentateurs à deux francs décrivent dans les détails les symptômes de la maladie (évidemment de ceux qui présentent des symptômes graves, évitant souvent de rappeler qu’il existe toute une série de personnes avec des symptômes simil-grippaux, ou des asymptomatiques qui sont les vecteurs par excellence) et ils invoquent le vaccin ou la énième thérapie comme la panacée de tous les maux.

Si, d’un côté, il est indubitable qu’il y a un grand nombre de personnes ayant besoin d’être hospitalisé – le Covid-19 aggraverait les situations cliniques déjà précaires, soit en raison de l’âge ou d’autres pathologies, même si les exceptions ne manquent pas –, de l’autre, il est aussi indubitable que l’État et en train de réagir à cette situation inédite de la seule manière qu’il connaît et qui lui plaise, avec l’autorité et la peine. En somme, face à la situation perçue comme incertaine, grâce à la fanfare médiatique martellante des spécialistes du « progrès », suit sans surprise la certitude de la répression facile : des interdictions de déplacement – sauf pour des raisons de travail, de santé ou pour des courses, rien de plus ordinaire et fonctionnel pour le capital – des patrouilles massives dans les rues, le tracement des personnes à l’aide des signaux téléphoniques ou du GPS, des drones qui surveillent les sentiers et les cimes des montagnes à la recherche des réfractaires à la maladie de l’autorité.
Si ce n’était pas au prix de son indépendance (au fond nous n’avons jamais pu savourer la « liberté » de cette manière) et de son bien-être que l’on paie ces dispositions, on rirait à en mourir face au spectacle de l’absurde à la recherche de solutions faciles qui n’existent pas. Car si selon certains cette épidémie pouvait être prévue – pas dans l’absolu, mais dans son imminence –, à l’inverse totalement imprévisibles sont les conséquences de la dévastation environnementale des écosystèmes et de la nature sauvage qui est accomplie par les mêmes techniciens du désastre (auprès de qui on cherche maintenant des réponses) et par tous ceux et celles qui ont cru jusqu’à aujourd’hui, ou qui croient encore, vivre dans le meilleur des mondes possibles, si bien qu’ils veulent le préserver à tout prix.
D’ailleurs, reconnaître que la réduction de la complexité du réel à la dichotomie problème-solution ou cause-effet est le produit d’une certaine mentalité peut nous aider à reconnaître le caractère toujours plus dogmatique et contestable de la parole scientifique. Maintenant plus que jamais, il semble que la parole scientifique soit sûre, vraie dans l’absolu, et non plus perfectible (ce qui est vrai l’est jusqu’à preuve du contraire). Le monopole du savoir est dans les mains des spécialistes en blouse blanche, et dans cette situation de « véritable urgence », il vaut mieux que les communs des mortelles sans la moindre compétence ne mettent nullement en doute les affirmations de ceux qui pensent avoir en poche la vérité du moment. Mais, entre l’obscurantisme – entendu comme l’attitude de ceux qui s’opposent à tout changement et, dans un sens plus large, la non-volonté de connaître, l’absence de curiosité – et le scientisme – attitude de ceux qui prétendent appliquer la méthode scientifique à chaque aspect de la réalité –, il y a autre chose. Et c’est dans cette zone grise que les passions peuvent s’insurger, la sensibilité et la sensation, le corps redécouvert et maître de soi, les désirs les plus profonds et sauvages de ceux qui aspirent à com-prendre l’existant, sans avoir la prétention d’y arriver totalement. Et c’est dans cet interstice que nous pourrions faire naître notre critique radical de l’existant.

II
Le temps de la roulette russe

Pourquoi cette pandémie ? D’où ce virus est-il arrivé ? Et maintenant, que faire ? L’étonnement l’emporte, renforcé par la clameur médiatique, et favorisé par la sensation déplaisante de se sentir piégé, même dans les cas où on décide consciemment de ne pas respecter l’isolement forcé.
Pour certaines personnes, la sensation d’être pris au piège, ou pire, d’avoir déjà atteint un point de non-retour, est quelque chose de latent et de viscérale qui émerge avec prépotence chaque fois que l’on fait une promenade en montagne et que l’on entrevoit le énième pylône qui lacère l’horizon, la mine qui détruit la roche, et un autre glacier qui se retire, devenant encore moins imposant que l’année d’avant. À chaque fois que l’on voit disparaître sous nos yeux une partie toujours plus grande de plage, perforée et creusée par une pelleteuse qui doit laisser place à des dockers ou à des touristes, c’est-à-dire à une tranche de profit toujours plus grande. Chaque fois que nous ressentons que notre regard s’habitue à la vue d’une centrale nucléaire ou d’un bois rasé au sol, et peut-être remplacé par une plaine semée d’éco-monstre pour le parc d’éolienne (ah, le tournant green du capitalisme !). Chaque fois que l’on touche avec la main à quel point le monde dans lequel nous vivons est artificiel, totalement non-naturel, quand nous observons l’ours, le python, le dauphin ou la lionne derrière une cage, un grillage ou une vitrine, des vivants non plus sauvages et enfermés dans le énième parc animalier ou tracés dans la réserve naturelle.

Mais si après cet étonnement, une mise en discussion totale et profonde du monde tel que nous le connaissons suivait… voilà que d’autres horizons existeraient alors, et que les questions posées seraient certainement bien différentes, par exemple, la question soulevée il y a quelques jours : « existe-t-il une corrélation entre la diffusion du Covid-19 et la pollution de l’air ? ». Nous déserterions ainsi la bataille dialectique entre ceux qui s’aperçoivent de la dévastation principalement à travers le degré de la température moyenne de la superficie terrestre, ou bien par les tonnes d’émissions de Co2 – qui, dans ce cas particulier, diminuent à cause du blocage temporaire de nombreuses activités productives, ainsi qu’à cause de la réduction des transports, du smog et du trafic.
Nous ignorerions alors les considérations de ceux qui répondent à cette question en ayant toujours exclusivement en tête des nombres et des courbes : « en février les mesures adoptées par la Chine ont provoqué une réduction de 25 pour cent d’anhydride carbonique par rapport à la même période en 2019 […].
D’ailleurs, selon une estimation cela a épargné au moins cinquante mille morts causées par la pollution atmosphérique, c’est-à-dire plus que les victimes du Covid-19 à la même période ». De la même manière, nous ne nous laisserions pas tromper par ceux qui, au contraire, ont la prétention de sembler clairvoyant, en faisant appel à la soi-disant transition énergétique, destinée à l’échec : « […] l’évolution des émissions ne dépend pas seulement de celles de l’économie globale, mais aussi de ce que l’on appelle l’intensité d’émission, c’est-à-dire la quantité de gaz à effet de serre émise par chaque unité de richesse produite. Normalement, l’intensité d’émission diminue avec le temps, en conséquence du progrès technologique, de l’efficacité énergétique, et de la diffusion de sources d’énergie moins polluantes. Mais pendant les périodes de crise, cette réduction peut ralentir ou s’interrompre. Les gouvernements ont moins de ressources à investir dans les projets vertueux, et les mesures de stimulation tendent à favoriser la reprise des activités productives traditionnelles. Si, comme beaucoup le redoutent, dans la tentative de faire repartir l’économie, la Chine devait relancer la construction des centrales à charbon et d’autres infrastructures polluantes, à moyen terme les effets négatifs pourraient supprimer toute amélioration due à la baisse des émissions ».

La liste pourrait aussi s’arrêter là, mais parmi les technocrates qui se sont donnés du mal dans l’étude de cette mystérieuse corrélation, il y a une autre déclaration qui mérite d’être prise en considération car, plus que toutes les autres, elle est emblématique de l’absurdité et du plus profond désespoir (dans le sens étymologique d’« absence d’espoir ») que certains font désormais reposer sur le genre humain. Car, si d’un côté il n’est pas vérifié que ce que l’on appelle particule fine ait agi comme vecteur du coronavirus, favorisant sa diffusion, et si de l’autre il est bien connu que le fait de vivre dans des zones particulièrement polluées a des incidences sur la présence de maladies respiratoires ou cardiovasculaires chroniques, « la covariance entre des conditions de faible circulation atmosphérique, de formation d’aérosol secondaire [qui comprend des particules dérivées de processus de conversion, par exemple des sulfates, des nitrates et d’autres composants organiques], l’accumulation de Pm [le particulat, c’est-à-dire l’ensemble des substances répandues dans l’air], la proximité du sol et la diffusion du virus doivent toutefois être compris dans un rapport de cause/effet ». Et donc, dépourvu de la seule clé interprétative de la réalité, suit la conclusion qui semble une blague de très mauvais goût : « on considère que, dans l’état actuel des connaissances, la proposition de mesures restrictives de limitation de la pollution pour combattre la contagion est injustifiée, même s’il est indubitable que la réduction des émissions atmosphériques, si elle est maintenue pendant une longue période, a des effets bénéfiques sur la qualité de l’air, sur le climat et donc sur la santé générale ». En deux mots, pourquoi limiter les émissions, s’il n’est pas scientifiquement prouvé que le particulat atmosphérique a directement favorisé la diffusion du virus, dans un lien de cause-effet ? Pourquoi les limiter en général, si nous savons que leur réduction a une incidence « seulement » sur la qualité de l’air, sur le climat et sur la santé du corps ?
Soyons clairs. Nous ne comptons demander à personne de réduire les émissions, car nous ne trouvons aucun interlocuteur, ni parmi les spécialistes à deux balles, ni parmi les politiciens des conférences sur le climat. Nous nous livrons cependant à un rire du cœur spontané, quand nous nous souvenons qu’une bonne partie de la dévastation de l’environnement dépend de ces chercheurs-kamikazes ; quand nous oublions de reconnaître dans cette mentalité un fondement de la domination de la technoscience, avec l’argent vil et les rapports de pouvoir-oppression. Laissons ces pensées de côté un moment, ou bien notre rire risque de devenir un ricanement amer. D’ailleurs, nous nous trompons nous-mêmes, nous ne devrions pas nous étonner ainsi face à tout cela car, comme quelqu’un l’a écrit il y a quelque temps : « la civilisation est monolithique, et la manière civilisée de concevoir tout ce qui est observable est elle aussi monolithique »
« Nature as spectacle. The image of wilderness vs. Wildness », traduit et publié en français par les éditions Delenda Est, dans la brochure intitulée Anthropocentrisme et Nature – Regards Anarchistes (février 2018).. Et il a malheureusement vu juste : dans ce monde technoscientifique, la complexité du réel ne peut qu’être aplatie jusqu’à la parodie d’elle-même, afin de légitimer la progressive (auto) destruction de la planète et du vivant.
Dans le passé, beaucoup de sorcières ont défié l’existant, transmettant des savoirs anciens sur la nature et sur le corps non-démonisé, en refusant la loi du père, du prêtre, de l’érudit et du roi, et nous croyons que dans une version contemporaine, elles n’admettraient pas non plus la validité des questions reportées au début de ce texte, vu qu’il ne peut pas y avoir de réponses absolues, mais seulement des raisons concomitantes, des doutes et des interrogations. Dans nos dernières réflexions, nous voulons suivre les traces de ces sorcières.
Considérons les tous premiers foyers de diffusions du Covid-19 – la province industrielle du Hubei en Chine et la Pianura Padana en Italie (entre la basse Lombardie et l’Emilie : Lodi, Codogno, Piacenza, Bergamo e Brescia) : même s’ils ne confirment pas la mystérieuse corrélation, ils font allusion au fait que des zones similaires, si densément peuplées, industrialisées et polluées, sont un terrain fertile pour des agents pathogènes, car d’une certaine manière elles en favorisent la prolifération, et parce que la santé physique de ceux qui y vivent est déjà affaiblie. Par-dessus tout, on ne peut pas savoir si c’est l’une ou l’autre ou les deux raisons ensemble, et dans quelle mesure elles se combinent entre elles, avec d’autres facteurs encore. Asthme, diabète, obésité, tumeurs, maladies (neuro)dégénératives, maladies respiratoires et cardio-circulatoires chroniques – en plus de l’âge avancé – semblent être des facteurs ultérieurs du risque pour ceux qui pourraient souffrir du Covid-19, étant donné que cela pourrait développer des symptômes graves, dont les plus connus sont les crises respiratoires aiguës. Certaines de ces pathologies, d’ailleurs, sont appelées « maladies civilisationnelles », car leur apparition semble être liée à la consommation de nourriture raffinée, parmi laquelle font partie les produits industriels des cultures et des élevages intensifs.
Et encore : cette épidémie s’insère dans la longue série de celles qui se sont suivies au cours des siècles, et qui sont devenues plus fréquentes en présence d’agglomérations urbaines et de voyages intercontinentaux qui, en tout cas, ont remis en question le contact entre l’animal humain et le non-humain. Juste pour citer les épidémies de maladies zoonotiques (c’est-à-dire qui se transmettent de l’animal non-humain à celui humain, en réalisant le « saut d’espèces ») des cinquante dernières années : le Sars et le Mers (tous deux syndromes respiratoires, dans le deuxième cas il est dit du Moyen Orient), l’Hiv/Aids, la grippe porcine et aviaire, la fièvre Dengue, l’Ebola et maintenant le Covid-19. Les deux derniers semblent, entre autres, avoir en commun la chauve-souris comme animal non-humain duquel serait originaire le premier passage à l’humain de service, qui prend le nom de « patient zéro ». Dans le cas de ce coronavirus, à part les fameuses soupes de chauve-souris ou de serpent (l’exotisme le plus vulgaire n’est pas encore mort en occident !), il semble que la contagion puisse avoir eu lieu dans le marché noir où sont commercialisés les animaux sauvages, ou en marge des périphéries urbaines, où les chauves-souris vont à la recherche de nourriture. Quel que soit le cas en question, il nous semble important de reconnaître le déconfinement d’un des protagonistes de la contagion, dans la sphère vitale de l’autre : quel plaisir pendrait en effet la chauve-souris à être au milieu des personnes, si son habitat de toujours n’était pas aujourd’hui devenu une partie de la ville ? Sûrement très peu, surtout si nous pensons qu’elles risquent d’être insérées de force dans la contrebande d’animaux sauvages comme de la marchandise d’échange, aux côtés d’autres animaux de différentes espèces. Il s’agit d’ailleurs d’une activité mondiale florissante, à laquelle participent aussi souvent des petites communautés indigènes qui, dépossédées d’une partie de leur territoire (à cause de la déforestation ou des multinationales agroalimentaires), se replient sur le braconnage, et parfois sur la contrebande du bois, afin de survivre. Ainsi, la marchandisation est véritablement totale, même les rapports de coexistence symbiotiques et séculaires entre ces communautés, le vivant, et ce qu’il restait du sauvage autour d’eux, doit disparaître pour faire de la place à l’autodestruction dictée par le profit. Rien ne peut résister à l’innarêtable avancée du progrès, aucun lieu ne peut fuir à la contamination humaine de ceux qui croient dans la validité de la « civilisation ».
Enfin, en cascade : l’urbanisation et les concentrations démographiques insalubres, les élevages intensifs de l’horreur, les immenses monocultures liées aux cycles de famines et à l’appauvrissement de la terre, le flux incessant de marchandises et de personne en mouvement aux quatre coins du globe, la dévastation environnementale de tout écosystème et la disparition du sauvage, l’énième nuisance justifiée du système énergivore, l’écroulement de la biodiversité, les OGM à bon marché et tous les processus de manipulation génétiques du vivant promus par les biotechnologies… Quand donc arrêter l’énumération des méfaits de la dévastation ? Il n’y a rien à faire, car trop d’équilibres ont été brisés ; dans certains cas nous avons déjà constaté les conséquences néfastes de cette rupture, dans d’autres cas nous aurons bientôt la possibilité de les découvrir. La partie semble déjà perdue dès le départ (et c’est peut-être déjà le cas pour le genre humain, non pas pour les autres vivants) mais cela vaudrait néanmoins la peine de faire une dernière tentative. Last shot.
Au lieu de faire écho à l’impasse des questions initiales (« pourquoi cette pandémie ? D’où provient ce virus ? ») ces sorcières se donneraient la possibilité et, telles que nous les imaginons, elles risqueraient le tout pour le tout afin d’ouvrir d’autres horizons. En hasardant ainsi des questions différentes : « Où trouvons-nous la dévastation ? Qui sont ceux qui la réalisent et de quelle manière ? Et maintenant, que faire ? » – mais sans se demander il y a combien de temps cette dévastation totale a commencé, car le risque est de nous perdre dans les méandres de l’histoire et des interprétations, mais surtout de nous faire perdre cette sensation du ventre, qui nous donne la sensation d’être en échec et qui alimente notre rage. Il nous suffit de savoir que la dévastation existe et qu’elle est permanente. Nous ne pensons pas que c’est une catastrophe car ce n’est pas un événement inattendu, mais bien au contraire, c’est la prévisible (bien que pas dans l’absolu) conséquence d’une guerre au vivant, perpétrée quotidiennement par des personnes, des entreprises, des recherches et des institutions – les tentacules de cette domination technoscientifique mortifère.
Aujourd’hui, 28 mars 2020

Une sorcière ennemie de toute couronne

P.S. L’expression, présente dans le titre, « maladie qui sévit » n’entend avoir aucun rapport avec les vers de quelques nationalistes italiens. Et la maladie dont nous parlons n’est certainement pas le Covid-19.

Kouaoua (Nouvelle-Calédonie) – L’industrie du nickel goûte une nouvelle fois aux flammes

Au petit matin du 24 mai à Kouaoua, le convoyeur de la SLN a de nouveau été la cible des flammes vers 4 h.

Selon le média ‘Nouvelle Calédonie La 1ere’, « 200 mètres de la serpentine auraient brûlé en deux endroits distincts : 100 m en haut, et 100 m en bas, à une centaine de mètres du portail d’accès à la mine, au niveau du creek. L’incendie a été éteint par les camions arroseurs de la SLN. Le tapis qui achemine le minerai de nickel jusqu’au bord de mer a été la cible régulière des incendiaires depuis 2017. »

Le dernier incendie criminel de la serpentine de Kouaoua remonte à mai 2019. Depuis juillet 2017, elle a subi une vingtaine de fois le même sort.

Les multiples condamnations d’individus pour ces feux contre l’extraction du nickel n’ont jamais miné l’opposition incendiaire.

https://sansattendre.noblogs.org/archives/13510

Bouguenais (France) – Cinq véhicules d’Engie partent en fumée

Dans la nuit du 21 au 22 mai, quatre camions et une voiture d’Engie ont été détruits par les flammes, alors qu’ils étaient garés sur le parking de l’entreprise rue Galilée, à Bouguenais.

L’attaque incendiaire contre l’entreprise spécialisée dans l’énergie, mais aussi dans le contrôle social et l’enfermement, a été revendiquée par le groupe « Action Directe Anarchiste » : d’une part par un tag inscrit sur la porte d’entrée du bâtiment ; d’autre part par un communiqué publié sur indymedia nantes (reproduit ci-dessous).

« Des cinq véhicules, il ne reste que des carcasses calcinées. Quatre utilitaires et une voiture, incendiées dans la nuit du jeudi 21 au vendredi 22 mai, vers 2 h 30, sur le parking de l’entreprise Engie Axima, rue Galilée, à Bouguenais. Les flammes, d’une grande violence, sont allées jusqu’à lécher la façade du bâtiment.
L’origine criminelle du feu ne fait guère de doute, selon un proche du dossier : sur la vitre de la porte d’entrée du bâtiment, le sigle ADA a été tagué. ADA, pour Action directe anarchiste. […] » (Ouest-France, 22/05/2020) »


Le communiqué publié sur indymedia nantes, 22/05/2020 :

Visite incendiaire chez un technocrate pollueur : 5 véhicules partis en fumée chez Engie dans la nuit du 21 au 22 mai 2020 à Bouguenais.

Quand l’entreprise Engie ne coupe pas l’électricité pour des impayés, elle continue de nuire à la société et à la planète par bien d’autres moyens dont elle dispose.
On ne veut ni compteurs Linky qui collectent nos données personnelles, ni éoliennes ou centrales nucléaires qui participent à la pollution de la nature et à la destruction de la biodiversité.

Il n’y aura pas de transition écologique sans changement radical.

« La volupté de la destruction est une volupté créatrice. » (Michel Bakounine)

#ADA

https://sansattendre.noblogs.org/archives/13505

Azille (France) – Les flammes mettent l’antenne-relais hors-service

Dans la nuit du vendredi 22 au samedi 23 mai, le feu a été mis à une antenne-relais à Azille, dans l’Aude. Les télécommunications sont coupées chez trois opérateurs (SFR, Bouygues et Free). 

« L’épidémie d’incendies d’antennes relais qui se propage dans toute la France, comme c’est déjà le cas depuis plusieurs mois en Isère, en Haute-Savoie, en Ardèche, dans le Vercors, en Bretagne ou encore en Haute-Garonne, aurait-il atteint le département de l’Aude ? […] Cette antenne, positionnée aux abords du cimetière de cette petite commune du Minervois, dessert pas moins de trois opérateurs téléphoniques que sont Free, SFR et Bouygues. C’est aussi une borne 4G ++ du niveau le plus performant, avant l’arrivée prochaine de la 5G […] »

Selon « L’Indépendant », « c’est dans la nuit de vendredi à samedi qu’une baisse de tension aurait été détectée sur cette antenne aux alentours de 2 h du matin. Aussi, ce n’est qu’un peu plus tard dans la matinée qu’un technicien a finalement constaté que l’antenne avait brûlé dans tout son système filière de téléphonie. » Le nouveau maire a indiqué que « l’antenne est HS mais les usagers ont pu être renvoyés sur celle de Peyriac-Minervois ».

« Dans le département de l’Aude, on compte aujourd’hui un total de 396 antennes, dont 338 sont équipées en 4G par au moins un opérateur. Orange a ainsi déployé sur le département 235 antennes, SFR 217, Bouygues 214 et Free 192. »

https://sansattendre.noblogs.org/archives/13522

Munich (Allemagne) – La tour hertzienne en flammes

Dans la nuit du jeudi 21 au vendredi 22 mai à Munich, la tour hertzienne de la Radio Bavaroise dans le quartier Freimann a été volontairement incendiée. 

Peu avant 3h, l’alarme s’est déclenchée au pied du relais situé au nord de la ville, sans doute en raison d’un détecteur de fumée automatique. Plus d’une trentaine de pompiers ont été mobilisés. La police, ainsi que des techniciens de la Radio Bavaroise et de l’opérateur Vodafone étaient également sur place.

Lorsque les pompiers sont arrivés sur les lieux peu après les premières flammes, la moitié de l’antenne-relais était déjà en flammes: les faisceaux de câbles étaient déjà en train de brûler à plus d’une trentaine de mètres de hauteur, ce qui a contraint les pompiers à utiliser nacelle et bras élévateur.

Vendredi matin, un porte-parole de la Radio Bavaroise a fait savoir que « les conduites de câbles sont carbonisées sur toute la longueur et que le site est hors-service ». On ne sait pour l’instant pas grand chose sur les conséquences de cet incendie de radio-émetteur. Toutefois, on sait que la radiodiffusion numérique a été perturbée dans toute la partie nord de la ville. Même si les pompiers ont lutté au moins 3h30 contre les flammes, la télévision n’aurait pas été impacté. Le montant des dégâts matériels reste à évaluer.

La police criminelle et la sûreté de l’Etat se sont saisies de l’enquête. Selon les premiers éléments, un ou plusieurs inconnus sont entrés de force sur le site de la BR avant de mettre le feu au relais. De gros moyens ont été employés par les flics pour retrouver les incendiaires, tôt ce vendredi matin: plus d’une vingtaine de patrouilles ainsi qu’un hélicoptère ont été mobilisés dans tout le secteur du pylône émetteur. Les enquêteurs estiment qu’il s’agit d’un « incendie volontaire à caractère politique », et s’orienteraient vers la piste « d’extrême-gauche ».

La Radio Bavaroise (Bayerischer Rundfunk) est le service public audiovisuel de la Bavière, membre de l’ARD. Elle est en charge de la retransmission numérique de la radio et de la télévision. Si on devait trouver un équivalent en France, cela correspondrait à Télé-Diffusion de France (TDF).

[A partir de la presse bavaroise, 22.05.2020]

 

https://sansattendre.noblogs.org/archives/13495#more-13495

La vie au tournant

« L’objectif c’est de parcourir 100 kilomètres en courant sur le balcon de la maison, un défi sportif suite à la promulgation des mesures pour contenir les contagions du coronavirus. Voilà l’exploit que cherche à réaliser Gianluca Di Meo, coureur de 45 ans de Bologne, qui après avoir dépassé la distance d’un marathon, en commençant à 4h30 du matin, et en “franchissant” la ligne d’arrivée après plus de 7 heures et 6 mille tours, a décidé de poursuivre encore 50 kilomètres. C’est le “Corriere di Bologna” qui a raconté l’histoire de l’athlète vainqueur en 2017 des 150 kilomètres de Rovaniemi. La course terminera à 22 heures, après 18 heures de course. Dans son habitation à Padova, Di Meo a à sa disposition un balcon de 8,8 mètres de superficie. “Pour moi ce n’est pas un balcon – a raconté le sportif – je l’affronte avec le même esprit que les autres aventures en nature. Dans n’importe quelle condition il ne faut pas se laisser abattre. J’aime ce que je suis en train de réaliser”. »

Comme dans le film La Haine, où le narrateur semble se (nous) rassurer en disant que « jusqu’ici tout va bien », le problème de l’atterrissage commence à étinceler derrière nos yeux. Gianluca, comme une sous-espèce de hamster, cherche à éloigner la réalité. Il arrive aussi à s’auto-convaincre que ce qu’il fait lui plaît. Il n’encourt aucun danger en courant sur son balcon, il est content d’accepter tout cela, au contraire, il tient à devenir testimonial de la bonté des choix du gouvernement. En courant sur le balcon, Gianluca cherche à exorciser la peur, mais on ne peut pas échapper à ce problème, il nous attend au fond des yeux, à la fin de nos cauchemars. Ou bien de nos rêves ? Regardons-nous le désastre, ou peut-être la catastrophe, avec des attentes ?

« Une femme de Lodi choisit de ne pas faire mourir sa vieille mère à l’hôpital, en la gardant à la maison, après avoir perdu son frère, et alors que son mari est encore en réanimation. Tous frappés par le coronavirus.

L’histoire racontée par un opérateur du 118, ayant fait le tour du web ces derniers jours, a été diffusée par l’Agenzia regionale lombarda per l’emergenza (AREU), parmi les 9 mille mails parvenus dans le cadre de l’initiative qui invitait à remercier les secouristes et ceux qui se prodiguent pour soigner les malades.

Paolo Baldini, infirmier, explique qu’il a reçu un appel de Lucia, 55 ans, vivant avec ses enfants dans une maison à deux étages. À l’étage du bas, il y a sa mère. “Son mari Gianni est entubé en réanimation, Stefano son frère est mort deux jours auparavant en réanimation. Elle m’explique qu’elle appelle pour sa mère, 88 ans, qui a de la fièvre, de l’asthénie, de la toux et qu’elle souffre d’essoufflement. Elle me dit que le médecin vient de consulter sa mère, et qu’il conseille de l’hospitaliser car il ne sait plus comment gérer la situation”. L’infirmier lui propose alors un moyen de secours pour amener la vieille dame à l’hôpital. Le récit continue ainsi : “Elle m’arrête. Sa voix est calme et décidée. J’ai la sensation de devoir me préparer à discuter. Je suis fatigué, et égoïstement je n’ai plus envie de parler à personne. Au contraire, Lucia me donne une leçon de vie, et me dit qu’elle ne veut pas emmener sa mère à l’hôpital. Elle m’explique qu’elle a déjà perdu un frère sans pouvoir le saluer et sans pouvoir aller à ses funérailles, et qu’elle n’a ni vu ni entendu son mari depuis dix jours. Elle me dit qu’elle ne veut pas que sa mère meure à l’hôpital. Elle ajoute : “Je sais parfaitement qu’à l’hôpital vous parvenez à peine à suivre les jeunes patients, et je sais parfaitement que si j’envoie ma mère à l’hôpital vous la laisserez mourir toute seule, car vous n’avez pas le temps de la soigner”. Le secouriste écrit qu’il est resté “en silence, car je sais qu’elle a parfaitement raison”. La mère de Lucia est morte deux heures plus tard. “Peut-être un jour, réfléchit Paolo – il ira chez madame Lucia pour l’embrasser et pour lui dire qu’elle a fait la chose juste. Car si j’étais un père je voudrais une fille comme elle”.»

Il y a une oscillation entre la résignation et la conscience, entre l’abandon à la déresponsabilisation et l’acceptation du poids de ses choix. Entre la fuite de la conscience sur son balcon, et le fait d’affronter la responsabilité de la mort des personnes que l’on aime.

La mère de Lucia aurait pu vivre quelques heures de plus. Grâce à un respirateur ou à de l’oxygène. Lucia a décidé de ne pas la faire hospitaliser, elle a supprimé toute probabilité de survie pour la mère. Elle a choisi que la mort certaine entre les bras de ceux qui l’aimaient, serait préférable à la mort probable dans un lit d’hôpital.

Peut-être que les soins auraient pu soulager ses souffrances, donner à la vieille dame quelques jours en plus de survie. Pourtant, cette possibilité a été brisée.

L’amour des dernières heures a été préféré à la tranquillité des derniers jours. La qualité de la mort à la quantité de l’agonie.

Voilà l’oscillation : se rendre compte que la sécurité offerte par l’État est faible. Qu’un balcon est trop serré pour pouvoir courir. Que la mort ne peut pas être repoussée, qu’il faut plutôt savoir l’affronter, en assumant ses responsabilités.

Nous sommes tous appelés à faire ce choix, au fond, quotidiennement. Accepter la possibilité de tomber malade, ou bien chercher à se sauver chacun dans notre domicile, seul. Quand sera donc refusée l’agonie de la socialité télématique, dans cette oscillation latente, pour le risque du contact humain ?

Les êtres humains ne sont pas des nombres. Ce ne sont pas des statistiques. Ce ne sont pas des courbes. Ils ont des vies et des histoires qui peuvent sembler absurdes. Ils font des choix qui sont indiscutables. Comme celui de mettre fin à sa vie, de mourir comme et quand on le désire. Ou bien, ils se trouvent à devoir décider pour les personnes qu’ils aiment. Quelle est la limite éthique pour laquelle, afin de sauver une vie à tout prix, celle-ci peut-être réduite à une donnée nue, à une parmi tant d’autres, un simple patient dans un couloir d’hôpital ?

« Les patients plus anciens ne sont pas réanimés, et ils meurent dans la solitude sans même le confort de soins palliatifs appropriés. Les familles ne peuvent avoir aucun contact avec les malades terminaux, et ils sont avisés du décès de leurs proches par téléphones, par des médecins bien intentionnés mais épuisés et émotivement détruits. Dans les alentours, la situation est pire encore. Les hôpitaux sont bondés et proche du collapsus, ils manquent de médicaments, de ventilateurs mécaniques, d’oxygène, de masques et de matériels de protection pour le personnel sanitaire. Les patients gisent sur des matelas à même le sol. »

Voilà ce qu’écrivent les médecins de Bergamo. L’état de la santé en Italie n’est pas un échec organisatif. C’est l’échec d’une manière entière de concevoir la santé et les soins. Le fait que les hôpitaux soient des foyers d’infections (et pas seulement pour le coronavirus : les infections hospitalières font en Italie environ 50 mille morts par an) et qu’à l’origine il semble que la contagion soit partie d’un service d’urgence, ne fait que renforcer ces thèses. N’en déplaise à ceux qui se plaignent des coupes budgétaires à la santé, en exigeant plus de fonds de la part de l’État.

L’hôpital a en effet était une des premières formes d’institution totale, c’est-à-dire un de ces lieux dans lesquels l’individu disparaît entre les règlements et les médecins qui savent « ce qui est le mieux pour toi ». Le fait de se charger de la maladie et de la mort est arraché à la communauté et à la responsabilité des individus, et est livré à la médecine et à l’hospitalisation. La centralisation des soins crée ce problème, c’est-à-dire que les individus ne peuvent plus décider pour eux-mêmes, et qu’ils n’ont plus de connaissances concernant leurs corps. La santé est devenue une affaire de spécialiste.

Pourtant, la santé n’est pas une affaire de spécialistes. La vie et la mort relèvent de la responsabilité des individus. Madame Lucia le sait bien, elle qui en temps normal aurait certainement été dénoncée. Tous ceux qui décident que leur maladie a une signification différence, et qui veulent se soigner – et peut-être ne pas « être soignés » – de manière différente, le savent bien. Ils le savent aussi ceux qui pensent que la santé est un concept plus vaste que « l’absence de maladie » : la santé c’est avant tout vivre bien.

Mais santé est aussi un synonyme de salut

Littéralement, puisqu’en italien, le terme salute signifie aussi bien la santé que le salut. . Et c’est de ce deuxième saut de signification que se présente à nous un second tournant existentiel. Cette prise de conscience par rapport à certains aspects profonds de l’existence et de la vie, quelle conséquence aura-t-elle sur le « retour à la normale » ? Peut-être qu’il n’y en aura même pas un, de retour, peut-être ne devrions-nous même pas le vouloir.
Gianluca n’est jamais sorti de la normalité, pris comme il est à courir sur son balcon en se répétant qu’au fond tout va bien. Et Lucia ? Et toutes ces personnes qui ont vu la société s’arrêter et qui se sont rendues compte du jeu de spectres que celle-ci représente, que voudront-ils faire de leur existence ? Recommencer à espérer en fixant le vide de leurs bureaux, ou bien, dans une abstinence de réalité, après l’avoir goûté dans son être douloureux, ils commenceront à désirer autre chose ? Ne serait-ce que pour ne pas voir leur vie filer entre leurs doigts.

Pour remettre ce monde en mouvement, il faudra des années de sacrifices et de renonciations. Mais dans quel but faire cela ? Pour quelles certitudes illusoires, qui disparaîtront au prochain désastre ? Comment peut-on recommencer à confier sa survie aux rayons des supermarchés quand on se rend compte que personne ne garantit qu’ils resteront pleins pour toujours ? Après avoir goûté le poids de la responsabilité, peut-on revenir à l’acceptation aveugle de l’état des choses ? Ceux qui furent enfermés au-delà de la sentence que le travail rend libre savaient au moins qu’en dehors, au-delà des barbelés de l’idéologie au pouvoir, le monde continuait à exister. Ceux qui ont dépassé le seuil de l’existence sous la devise de la Fin de l’Histoire, pourquoi ne devraient-ils pas recommencer à imaginer un futur différent ?

Chacun voit qu’il y a peu de certitudes. Certains avec horreurs, d’autres avec joie. Cette société s’écroule, et nous avec elle.

Justement parce que la question est profondément existentielle, on ne peut pas trouver de confort dans la politique ou dans les paroles de l’État. Il faut plutôt en arriver à couteaux tirés avec soi-même, s’interrogeant à nu face au miroir de ses besoins. Qu’est-ce que la santé ? Qu’est-ce qui sert à l’être humain pour vivre – et non pas pour survivre ? Lucia a abandonné dans un geste toute certitude, toute promesse de sécurité, en témoignant par son choix que la vie est autre chose. Que la santé ne réside pas dans l’hôpital, même si le soin peut s’y trouver. Que la santé doit porter avec elle la possibilité de vivre dignement, en liberté, avec la responsabilité de soi-même et de ses propres choix. Non pas avec la responsabilité de l’obéissance.

La santé passe par la possibilité de vivre libres, et cette possibilité réside exclusivement dans les individus et dans leur volonté de se libérer de ce qui s’interpose à la vie, de ce qui stérilise le danger pour en sauver la survie. Car la santé réside aussi dans le sens que nous donnons à notre vie même, à ce dont nous voudrions nous souvenir quand, sur le seuil de la mort, nous saurons que nous avons vécu selon nos désirs. Dignement.

Saluons-nous réciproquement en nous rappelant donc que « Le salut est en nous »

Dans le texte original, un lien renvoie vers l’article suivant :
« Le 9 avril 1927, le tribunal de Boston condamne à mort les anarchistes Nicola Sacco et Bartolomeo Vanzetti. Dans les lettres que les deux compagnons anarchistes écrivaient depuis la prison, ils répétaient souvent : “Le salut est en vous !”. “Le salut est en vous !” était le titre d’une brochure paru le 5 mai 1906 dans l’hebdomadaire anarchiste “Cronaca Sovversiva”. Un texte, dans leque est décrit comment préparer des engins explosifs ainsi que d’autres moyens et méthodes pour attaquer le pouvoir. Il faut avoir cette brochure à l’esprit quand on parle des deux anarchistes assassinés par la loi américaine la nuit du 22 au 23 août 1927. Cet écrit est un morceau encore caché de leur histoire, où la tension anarchiste émerge dans toute sa force. Celle qui dictait véritablement les idéaux de ces deux compagnons anarchistes. Depuis des décennies, on parle d’eux comme des hommes innocents, résignés, à qui la presse officielle dédie encore aujourd’hui des paroles et des larmes victimistes. Sacco et Vanzetti étaient au contraire deux anarchistes révolutionnaires, qui jusqu’à la fin de leur sdernières lettres, relançaient aux compagnons u ncri fort qu ieffrayait les puissants, un cri qui trouve encore aujourd’hui un écho : “Souvenez-vous : LE SALUT EST EN VOUS !E’ IN VOI!”. »
. Un concept à bien garder en tête, des paroles claires
Un lien renvoie vers l’introduction du livre « Paroles Claires. La « bonne guerre » des anarchistes italiens immigrés aux Etats-Unis (1914-1920) », publié par les éditions L’Assoiffé (mai 2018). dans des temps difficiles.
Cela paraît absurde de dire ces choses face aux données de cette pandémie. Pourtant, il n’y a pas de meilleur moment pour se placer devant le tournant de la Vie qui nous rappelle que nous seuls devons assumer la responsabilité de notre existence. Gianluca et Lucia sont deux manières opposées de réagir. Fuir sur son balcon, ou affronter l’impensable. Mais à quoi cela sert-il de répéter comme une rengaine que « tout ira bien » ?

La catastrophe est une opportunité douloureuse, ne revenons pas à la normalité. Il en va de notre salut.

Le salut est en nous.

Tutto bene?! Réflexions anarchistes en temps de coronavirus

Andrà tutto bene, tout ira bien, voilà le leitmotiv répandu en Italie en
période de coronavirus, affiché aux balcons, twitté et retwitté par la
naïveté idiote de ceux dont l’imaginaire appauvri et avilissant ne peut
que se complaire en se raccrochant à l’espoir qu’après le dépassement de
cette « crise », le monde puisse revenir celui d’avant, en cautionnant
ainsi ce fameux « retour à la normale ».
Mais comme nous, anarchistes, haïssons la normalité d’hier aussi bien
que celle qui se présente dans le monde de demain, nous ne pouvons que
mettre toute notre énergie, nos désirs, notre capacité à comprendre et à
agir dans la tentative de rompre totalement avec ce monde de soumission
à l’autorité et au pouvoir.
Au-delà des Alpes, les compagnons et les compagnonnes anarchistes ont
donné beaucoup d’importance au fait de briser la paralysie de
l’obéissance – imposée en premier lieu par l’État en cette période de
pandémie –, en multipliant entre autres les échanges d’idées, de
pensées, de réflexions et d’analyses sur la situation et ses évolutions.
Un grand nombre de textes ont alors circulé, autant pour favoriser la
compréhension des multiples facettes de ce moment, que pour se forger
les armes les plus offensives et appropriées pour attaquer.
Afin de rendre accessibles en français certains de ces textes écrits en
italien (qui pour la majeure partie n’ont d’ailleurs jusqu’à présent que
circulé sur internet), nous proposons ici une sélection, par définition
non exhaustive et incomplète, d’écrits que nous estimons capables de
stimuler et d’enrichir nos questionnements et nos discussions ici et
maintenant, mais aussi en vue d’un avenir où nous pourrions être
confrontés à des situations semblables.
Nous avons choisi de publier ici des textes d’analyse et de réflexions ;
ce n’est cependant qu’un reflet de certaines préoccupations, dans une
période au cours de laquelle les anarchistes ont continué à agir, et où
de nombreuses révoltes, mutineries, émeutes et sabotages ont eu lieu et
ont été mis en avant, défendus et encouragés dans un grand nombre
d’autres textes.

22 mai 2020

Des exemplaires papiers de la brochure (ci-jointe en PDF), sont
disponibles pour qui en ferait la demande.

Sommaire:

p. 5 In corpore vili
p. 11 L’insurrection au temps du coronavirus
p. 19 Promenade au bord du gouffre… un plongeon dans le néant
p. 27 Notes éparses sur la maladie qui sévit
p. 34 En otage
p. 37 La vie au tournant
p. 43 Le futur n’est pas écrit
p. 53 Eternel apprentissage
p. 56 Regard oblique
p. 64 Le virus ne les tuera pas
p. 73 Le passé est passé
– Sans rendre de compte
– A l’ombre du sultan
– La nostalgie de Dieu
p. 81 La quarantaine ou la mort !?

tutto bene web

Vallée de l’Ouvèze (Ardèche) – Arrêter de vivre? Plutôt mourir!

Attaque antenne relais

Voilà plusieurs semaines déjà que l’état d’exception du confinement sanitaire est imposé à l’ensemble de la population, avec son lot d’interdits inédits, d’hypocrisie quotidienne et de promesses de salut.

Moi, je ne voulais pas mourir de peur et d’ennui perfusé.e devant netflix. Durant ce mois passé, la rage et la consternation de vivre en temps réel un mauvais roman d’anticipation sont devenus pour moi, plus qu’un poison, un antidote. J’ai donc décidé d’attaquer.
En étendant les frontières de l’illégalité, en s’imposant partout sur les routes, les flics et les citoyens vigilants ont transformé la géographie en un espace dans lequel il a fallu réapprendre à se déplacer, et à retrouver le chemin d’autres complices.
Puisque les croix sur les montagnes ont été remplacées par des pylônes de réseaux GSM et de 5G, cela dit quelque-chose de la forme que prennent actuellement le pouvoir et nos croyances de salut.
Il était temps alors de rallumer les feux sur les collines pour diffuser des messages plus essentiels et directs à cell.eux qui voudraient bien les percevoir, de brûler ces croix nouées de câbles de fibre optique et de réseaux électriques.
Je suis seul.e, quelque-part au dessus de la vallée de l’Ouvèze, entre le Pouzin et Privas, dimanche 3 mai vers 2 h du matin. Il a beaucoup plu durant les dernières heures et les ultimes panaches de brume évaporés du sol s’élèvent face aux halo d’une demi lune. La nuit est douce et si calme.

Ces dernières années, semblait croître dans les discours, l’impression que l’État laissait sa place progressivement à des formes de gouvernementalité plus libérales et économiques, qu’à un pouvoir vertical, se substituait déjà des formes plus diffuses, invisibles.

Mais l’état n’a pas disparu. Il est au centre des réalités dans les guerres lointaines contre le terrorisme au Mali, dans la promotion d’un quotidien connecté, dans la répression généralisée des mouvements sociaux, dans la production de cadres de vie de plus en plus normatifs et technologisés.

A l’aube du printemps nouveau, la guerre est de nouveau déclarée, comme ultime motif de rassemblement, comme cause commune, comme devoir d’allégeance. Au nom de la santé et de la sécurité de tous et toutes, nous étions voué.e.s à être rassemblé.e.s, compté.es, partitionné .es, rangé.es, assigné.es, surveillé.es et étudié.es.
Quiconque dérogerait à la règle imposée par les ministres, experts de la santé de tous poils, par les préfets et leur police, serait traité d’irresponsable menaçant la santé des plus faibles.
Ce n’est pas une aventure inédite qu’au nom des personnes jugées et classées comme « fragiles », le pouvoir se taille sa plus belle pièce. Le pouvoir est ambidextre. Il tend la main qui protège, celle qui sauve et cagole. Dans le même temps, il frappe et mutile. Bientôt, on entend qu’il y aurait de meilleurs gestions étatiques de la crise que d’autres. On compare ce qui se déroule sous différentes latitudes. On incrimine les pouvoirs plus totalitaires comme en Chine et au Brésil. On se félicite du fait qu’au Portugal, les institutions offriraient des papiers à tous les demandeurs d’asile. Bientôt, on ne se sent pas si mal, finalement, par chez nous.

J’avance calmement dans la pénombre, quelques litres liquides de combustible dans mon sac, une pince monseigneur lourdement calée contre ma colonne vertébrale. Je suis comme absent.e à moi même, absorbé.e par le silence et les murmures nocturnes, happé.e par la minutie de la tâche, déclinant mes pas sans laisser de traces. Le sommet est paisible. Une brise légère balaye la crête d’où je perçois, partout en contrebas, les clignotements de diverses installations électriques du secteur, champs d’éoliennes, antennes relais et plaines industrielles.
Je m’ouvre un chemin parmi les grilles en brisant une chaîne qui entrave la porte de l’enceinte principale de la plus importante des deux antennes. Je range mon matériel et prends soin de rester à l’abri d’éventuels regards sous mon passe-montagne.

En avançant, je continue de penser : comme dans toute « crise », qu’elle soit produite de toute pièce par le pouvoir, ou subie et gérée au mieux, la situation crée un contexte inédit, support à constituer les chaînons manquant dans la machinerie du progrès. Ils étaient des centaines de scientifiques, de médecins et de bio-ingénieurs à venir proposer pour notre bien, des recettes d’apothicaires miracles de charlatans du vingt et unième siècle. Bien plus que de nous vendre une médecine quelconque, ils nous vendaient des raisons de continuer de l’avant, des manières de vivre. Dans sa réponse aux courroux des dieux, la science s’est offerte en renfort de promesses, apportant des solutions innovantes, aux problématiques produites par le progrès.
Le dispositif sanitaire opère également un tri entre des façons de mourir acceptables ou non. Les risques nucléaires et industriels, alors qu’ils sont organisés et constitutifs de l’activité humaine, contrairement à la plupart des risques biologiques, produisent vraisemblablement la mort et la souffrance chaque année, de manière extrêmement importante. Où est-il l’état protecteur et bienveillant quand il s’agit de protéger ses citoyens des technocrates du nucléaire?

Face aux discours et aux mots qui peuvent sembler vains ou manquer parfois, mes mains gantées glissent des paquets d’allume-feux industriels sous des lianes de câbles.
J’y répands également du gel inflammable et me tourne vers la sortie de l’enceinte pour m’approcher du second pylône. Une mini-pelle stoppée pour la nuit est échouée à l’orée du site. Je regrette de ne pas m’y attaquer et de manquer de matériel. Je place de nouveau des dispositifs incendiaires sur les câbles plus frêles et retourne à ma première antenne.
Sur place, j’arrose copieusement le tout d’essence et allume de part en part de l’installation deux départs de feu que la brise gonfle progressivement.
Je descends au second pylône et opère de la même manière.
Je m’écarte du site et m’évapore dans la nuit.

La santé et la sécurité sont devenues petit à petit les valeurs suprêmes justifiant à elles seules, les efforts et les égarements les plus absurdes.
Le virus et le combat contre sa propagation, dans le fait qu’il incarne la mort qui plane et qui frappe au hasard, imprévisible et soudaine est devenu le spectre à pourchasser sans trêve repoussant sans cesse les limites des endroits dans lesquels nous sommes prêts à nous rendre pour ne pas mourir.
Ce qui a été intériorisé, peut-être définitivement, comme expérience collective, c’est le goût et la nécessité du sacrifice. A partir de maintenant, on nous demandera sans cesse de solder les lambeaux restants de notre vie pour ne pas la perdre.

Après coup, je ne sais pas si cette attaque a occasionné des dégâts importants. Peut-être seulement quelques câbles ont-ils été sectionnés. Ce qui a compté pour moi c’est d’avoir réussi à agir, même seul.e, d’être parvenu.e à surmonter durant cette nuit arrachée à l’absurde, mes doutes et mon angoisse et d’avoir frappé ce qui apparaît pour moi aujourd’hui, comme un nœud essentiel de la société actuelle : le réseau mobile et l’ensemble du monde connecté qu’il permet de produire.
Contre la société de contrôle et la dictature sanitaire.
J’ai une pensée de rage envers les tablettes tactiles et les robots assistants qu’il convient désormais de distribuer en nombre dans les mouroirs pour personnes âgées. Que les dernières personnes qui ont traversés ce siècle sans technologie meurent entourées de robots et d’applications de toute sorte me fout la gerbe. Les trains de satellites lâchés par milliers qui sabotent les mystères du ciel nocturne ne seront jamais des promesses de paix.
Une pensée pour les portes qui restent volontairement ouvertes durant cette période difficile, à celles et ceux qui tentent, coûte que coûte de ne pas sacrifier leur vie face à la peur. Aux coups rendus et aux coups de mains. Aux mauvais coups et aux coups ratés. A celleux qui tentent. A celleux qui ne n’attaquent pas forcément mais qui aident à continuer et qui brisent les évidences.

Alors quoi : arrêter de vivre ? Plutôt mourir !

[Depuis attaque.noblogs.org].

https://insuscettibilediravvedimento.noblogs.org/post/2020/05/21/it-fr-valle-dellouveze-ardeche-francia-smettere-di-vivere-piuttosto-morire-03-05-2020/

Bathurst (Canada) – Sabotage contre le parc éolien

Entre dimanche 17 et lundi 18 mai, à une centaine de kilomètres à l’ouest de Bathurst, dans le Nouveau-Brunswick, plusieurs machines du parc éolien Caribou ont été sabotées. Ces aérogénérateurs sont exploités par la compagnie d’énergie française Engie. 

« Dix turbines éoliennes ont été les cibles de vandalisme en début de semaine dans le parc éolien Caribou près de la route 180, dans le nord du Nouveau-Brunswick.
La Gendarmerie royale du Canada (GRC) croit que les gestes répréhensibles ont été commis entre dimanche et lundi, tôt le matin.
L’équipement a été gravement endommagé lorsqu’on a tenté d’entrer dans la section du bas des tours éoliennes ». Les enquêteurs affirment que trois turbines sont maintenant brisées et ne fonctionnent plus, et qu’une autre a été endommagée par le feu.

Le parc éolien Caribou, situé à une centaine de kilomètres à l’ouest de la ville de Bathurst, est exploité par la multinationale française de l’énergie ENGIE.
Selon Énergie Nouveau-Brunswick, ce parc éolien dispose de 33 turbines et d’une capacité de 99 mégawatts, assez pour alimenter environ 19 000 maisons au Nouveau-Brunswick. »

[Repris de la Presse Canadienne, 20.05.2020]

https://sansattendre.noblogs.org/archives/13468